Fadila El Gadi, de l’amour de la broderie

Elle a de l’art et de la manière. Fadila El Gadi, une figure de proue du monde du stylisme a pu imposer sa marque dans le milieu de la broderie. Ses créations dépassent les frontières. En effet, c’est dans les ateliers de la ville Salé qu’elle avait appris à broder son regard créatif, unique et singulier. Le talent, la volonté et la créativité en étaient ses armes et atouts pour y arriver à son but : la célébrité.  La styliste s’est inspirée de la broderie du 18ème siècle, mais avec une touche artistique qui ne manque pas de modernité et de renouveau. Ces œuvres illuminent, aujourd’hui, les collections et les défilés du monde que se déroulent un peu partout dans le monde. C’est en 1999 qu’elle rencontra Yves Saint Laurent à la ville du détroit, Tanger. Cette rencontre changera son sort en se lançant par la suite dans le monde de la mode. Par ailleurs après avoir ouvert un showroom à Marrakech, puis une boutique à Tanger, elle y réalise son rêve d’ouvrir son showroom à la ville des lumières, Paris. Par la suite une autre boutique à la capitale du royaume, Rabat, est prévue. Ses modèles font le tour du monde, et séduisent une clientèle aussi bien en Orient qu’en occident. Fadila est passionnée de voyage. Elle y va à la recherche d’autres inspirations et à la découverte des autres styles et modèles, notamment dans l’univers de la broderie. Entre Vietnam, Rome, Paris, la styliste s’ouvre sur l’universalisme où elle côtoyait toutes les inspirations tout en gardant son authenticité marocaine à la fois moderne et traditionnelle. «Le vrai artiste est celui qui inspire» Fadila El Gadi est une amie des artistes marocains. Il y en a ceux qui nourrissent sa verve et son inspiration comme Fouad Bellamine, entre autres…

Sa dernière collaboration à l’exposition était avec l’artiste marocain Hassan Hajjaj. Ses œuvres est d’une sensibilité artistique où l’art marocain est représenté dans sa diversité et créativité. Reconnaissante envers sa ville et consciente de ce devoir de la transmission, du partage du savoir et de la magie du métier aux générations à venir, c’est dans cet esprit qu’elle a créé à Salé une école dédiée à la broderie au profit des jeunes.

«Un parcours professionnel qui s’est déroulé d’une capitale à l’autre»

Le voyage est une source d’inspiration, un instrument parmi d’autres qui nourrit la verve de chaque artiste.  En effet «D’une capitale à l’autre» est le thème choisi par la styliste slaouie Fadila El Gadi pour son exposition qui se prolongera jusqu’au 1er juillet à l’Institut français de Rabat. Entretien.

Al Bayane : «D’une capitale à l’autre» est l’intitulé de votre exposition. Peut-on dire que le voyage a alimenté vos inspirations ?

Fadila El Gadi : «D’une capitale à l’autre» parle de mon parcours professionnel, qui s’est déroulé véritablement d’une capitale à l’autre. Au début, à Rabat, puis ce fut à Naples, Rome, c’est à dire en Italie, en France, et par la suite Rabat, puis Marrakech.

Pour moi, ces villes sont aussi mes inspirations, parce que je suis curieuse de voyager, de découvrir d’autres choses, de voir et de rencontrer d’autres styles.

Je n’utilise dans ma création, réalisée à la main, que de la broderie et de l’artisanat. Du coup, je suis curieuse de ce que font les artisans et les brodeurs d’autres civilisations. Souvent, je découvre qu’il existe des ressemblances. Par exemple, même au fond du Vietnam, j’ai trouvé une broderie qui ressemblait au point de Fès.

Yves Saint Laurent, Mohamed El Baz, Fouad Bellamine, Paul Thorel. D’autres vous inspirent aujourd’hui?

Beaucoup ! D’ailleurs, vous allez voir dans l’exposition que ma dernière collaboration a été avec l’artiste Hassan Hajjaj. En fait ce n’était pas du tout mon univers, mais j’étais attirée par ce que faisait cette star du popart marocain, j’avais envie d’en faire quelque chose en commun avec lui. Donc, on a discuté autour d’une table, je lui ai proposé d’aller vers son univers, et on a conçu ce qui est aujourd’hui les fruits de cette collaboration, les poupées habillées en Fadila El Gadi.

Que représente la ville de Salé pour vous ? Cette a-t-elle contribué à vos créations?

Salé, c’est ma ville, celle de ma famille et de ma jeunesse, j’y vis toujours. La ville de Salé est connue depuis longtemps par la qualité et la quantité de ses ateliers. Cette ville m’a beaucoup apporté, parce que depuis mon plus jeune âge, j’ai fréquenté les artisans de toutes sortes de broderies, les zrabis, les ateliers de tissage… Ils ont éduqué mon regard vers le beau, m’ont appris à aimer le beau et à apprécier le travail bien fait.

Qu’en est-il de votre association «Conservatoire des arts de la broderie de Salé»?

Le projet verra le jour à la prochaine rentrée, à l’automne. En effet, cela fait des années que je rêvais de ce projet, que j’ai donc pu concrétiser à Hay-Salam. C’est une réalisation que j’ai faite toute seule. Je voulais faire un endroit pour former des brodeurs, parce que pour moi, l’artisanat, on ne peut le sauver que par la formation ! C’est-à-dire former des jeunes, pour leur donner un métier, dont ils soient fiers, c’est ça ma démarche pour préserver l’artisanat et laisser une trace dans ma ville, pour les autres.

Je veux un bel endroit, où les jeunes se sentent bien. Pour mon école, je travaille avec Benoit Dupuis, un architecte original avec beaucoup de créativité !

C’est dur parce qu’aujourd’hui la jeune génération ne veut pas apprendre la broderie, l’artisanat, pour elle, c’est n’est pas une voie professionnelle que les jeunes ou leurs parents envisagent. Ils préfèrent aller vers autre chose, les bureaux, la fonction publique, par exemple.

Donc moi je veux attirer ces jeunes-là dans un lieu sympathique, moderne, convivial, où ils peuvent exercer un art, pas apprendre uniquement à faire de la broderie, mais aussi apprendre à lire et à écrire, faire des workshops avec mes amis artistes qui sont prêts à m’aider comme Fouad Bellamine et Chourouk Hriech, notamment, les ouvrir au monde et à la société marocaine pour ne pas les cantonner dans leurs quartiers populaires. Je suis satisfaite que tout le monde soit prêt à venir m’appuyer pour leur ouvrir l’esprit et leur donner envie d’apprendre.

Vous avez créé dernièrement un parfum. Parlez-nous de ce passage de la broderie à la parfumerie?

C’est normal que tout créateur finisse par faire un parfum parce que c’est la logique des choses. Un parfum est un accessoire. Une femme qui s’habille, après les vêtements, elle met des accessoires, des bijoux, et enfin, elle se parfume. Ce parfum, très parisien, est un peu à l’image de mes créations. J’ai essayé de faire quelque chose de sophistiqué, boisé, fruité, et floral.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la broderie du 18ème siècle ? Est-il facile de mêler cette sensibilité entre la tradition, le style contemporain et la touche marocaine?

J’ai du mal à imaginer un vêtement sans broderie, que soit une broderie naïve ou quelque chose de très travaillé. N’importe quoi peut m’inspirer, un motif de porte, un objet en cuir dans un bazar à Bali ou un vase ancien au Vietnam. On peut toujours orner des vêtements classiques, avec une touche de patrimoine ancestral, ça apporte toujours un plus, il faut juste savoir comment placer cet élément additionnel et traditionnel.

Pour imposer sa signature dans le milieu de la haute couture. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes exerçant dans le domaine?

Il faut juste y croire et travailler. Ce n’est pas facile d’exister dans ce milieu surtout à l’international.

Mohamed Nait Youssef

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