Fadwa Al Nasser, une fonceuse qui veut se frayer une place dans le photojournalisme

Choisissez bien vos cadeaux, ils peuvent donner naissance à une belle carrière. Le premier smartphone de Fadwa Al Nasser en est le bel exemple. A 24 ans, cette jeune photoreporter du groupe Eco-Médias est un talent apprécié du le milieu professionnel, par la qualité et la pertinence de son travail.

Sa passion a éclos à la Faculté de Droit, en 2011. «Il y avait tant de moments à immortaliser, et mon nouveau téléphone m’a permis de le faire», se remémore-t-elle. Sa lentille capturait l’insolite du quotidien et le partageait sur les réseaux sociaux, Facebook et Instagram, avec un petit commentaire, pour le fun.

C’est à l’ESJC que l’amateurisme va muer en professionnalisme. En accédant à cette école de journalisme, elle choisit d’exploiter ses stages à bon escient, précisément au service de documentation du quotidien l’Economiste, où elle accorde une attention particulière aux bases de données de photos. Sa passion bien apparente n’échappe pas à ses encadrants, et elle se voit proposer une carrière de photojournaliste au sein de l’entreprise.

Sa première mission est restée gravée dans sa mémoire. C’était une sortie au quartier casablancais de Derb Soltane. Elle se rappelle avec un sourire anecdotique les problèmes qu’elle a rencontré ce jour-là en essayant de «shooter» un «f’qih». Elle a été poursuivie par des «qui es-tu ?», «qu’est-ce que tu prends en photo ?», «as-tu une autorisation ?». Au fil des mois, la stagiaire de l’époque commence à saisir les ficelles de ce métier «dangereux mais passionnant».

En lui posant la question autour de la participation à des concours de photographie, et pourquoi elle s’en empêche, elle avoue avec modestie être encore en train de forger, et que le voyage de mille lieues commence par un premier pas. «Hâter les choses peut produire un effet contraire, et je veux prendre le temps de maitriser ma passion». C’est avec les pieds sur terre donc qu’elle s’inspire au quotidien de ses collègues. Son idole, c’est son ainé à la rédaction Abdelmajid Bziouat. «Pour moi, ses portraits sont sacrés. C’est mon idole marocaine». En plus de lui, Fadwa est reconnaissante aux professionnels qui la soutiennent et l’accompagnent depuis ses débuts. «Lors de mes premières conférences, j’étais timide. Je n’avais pas encore l’audace suffisante pour aller au coude-à-coude avec les autres, surtout avec les hommes»…

Car si Bziouat, Akil Macao et d’autres vieux routiers ont accueilli à bras ouvert son talent et l’ont appuyé pour bourgeonner, Fadwa avoue que la profession n’est pas exempte de profils qui «vous démotivent». Un secret de polichinelle dans notre société, qui s’étend même au photojournalisme et que Fadwa va découvrir à ses dépens, c’est que «certains photoreporters au masculin minimisent nos capacités et, croyez-moi, ça donne un coup au moral».

Rien que récemment, alors qu’elle prenait des clichés des débris du mur écroulé au quartier casablancais de Belvédère, cette phrase à peine susurrée pénètre son tympan pour ne plus en sortir : «ma fille, ce travail n’est pas fait pour toi»…

Autant de remarques sexistes dont le pays n’a pas besoin, et face auxquelles s’interpose la conviction de Fadwa, un bel exemple de la détermination de la femme marocaine à être partie prenante dans l’évolution de notre société.

Iliasse El Mesnaoui

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