La FMEJ et le SNPM tirent la sonnette d’alarme

Le secteur de la presse est en crise. Une crise qui met à mal, non seulement les professionnels et les entreprises opérant dans le secteur, mais aussi l’avenir du processus de démocratisation de l’espace public et du renforcement des droits et libertés conformément à l’esprit et à la lettre de la très ambitieuse Constitution de 2011.

Aujourd’hui, alors que le secteur est au cœur de grandes mutations qui affectent son modèle économique et son poids au sein de la société, les professionnels, représentés par les éditeurs et les journalistes, font preuve de beaucoup de bonne foi et d’engagement pour contribuer au développement de l’exercice de la profession en général de manière à garantir la viabilité des entreprises de presse et préserver la dignité des professionnels.

Or, le gouvernement, lié par un partenariat stratégique avec les professionnels notamment avec la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux, et au lieu d’apporter son appui à la presse nationale et d’honorer ses engagements fixés dans le plan d’urgence, convenu avant la fin du mandat du précédent gouvernent, il a mis en place une « mesure fiscale dangereuse, absurde et incompréhensible ». Ainsi, les autorités publiques ont procédé à l’élargissement à la presse électronique de la redevance audiovisuelle, payée pour publicité à la télévision, estimant que tous les téléphones, ordinateurs et autres sont également des écrans.

En conséquence, précise la FMEJ dans un communiqué rendu public, l’éditeur doit mensuellement payer 5% du total de ses revenus publicitaires à la Direction des impôts, avant même qu’il soit payé par le publicitaire, «ce qui porte un coup dur à la presse électronique et rend sa situation plus lamentable que son homologue écrite déjà endeuillée», déplore la Fédération.

Cette situation, ajoutent les éditeurs marocains, intervient au moment où le gouvernement fait-fi des géants mondiaux, «Google» et «Facebook» ayant été contraints, par plusieurs pays, de présenter des contributions estimées à des milliards aux fonds réservés au soutien de leur presse locale. Les éditeurs de journaux marocains rappellent à cet égard qu’ils attendaient une augmentation notable de la subvention publique à la presse dans le cadre du contrat-programme, estimée à 6,5 milliards de centimes, tandis que la France, à titre d’exemple, présente une subvention annuelle de 1500 milliards de centimes à la presse locale.

Fake news, le cheval de Troie

Dans un autre communiqué rendu public par le SNPM, les journalistes marocains expriment leur indignation devant la décision du gouvernement de présenter un projet de loi relatif au «Fake news» sans aucune concertation avec les professionnels et les institutions qui les représentent. Le SNPM exprime son étonnement face à ce comportement qui rompt avec l’esprit participatif et consensuel qui prévalait généralement dans l’élaboration des textes de lois relatifs au secteur de la presse. Le syndicat rappelle à cet égard que le code de la presse reste la seule référence en matière d’organisation de la profession et attire l’attention des pouvoirs sur le danger d’une telle démarche non seulement sur la profession et l’exercice du journalisme mais sur le cadre juridique général qui régit la presse au Maroc. Le syndicat rejette catégoriquement les arguments présentés par le gouvernement et s’appuie sur les expériences d’autres pays qui sont d’ailleurs encore dans la phase du débat et des consultations et refuse l’assimilation du travail des journalistes avec ce qui est publié sur les réseaux sociaux.

Dans ce même ordre d’idées, la FMEJ rappelle qu’après avoir adopté un projet de loi en vertu duquel une partie de l’Article 72 du Code de la presse a été transférée au Code pénal sans la consultation des professionnels, ce qui constitue une première depuis des décennies, il a été procédé également à l’annonce du début de l’élaboration d’un autre projet de loi pénalisant la diffusion de fausses nouvelles, communément appelées les fake-news, sachant que l’Article 72 transféré au Code pénal concerne principalement les fake-news.

Alors que la FMEJ contribue sérieusement et avec responsabilité au Comité de supervision des élections du Conseil national de la presse, une institution devant respecter les principes déontologiques du métier et au moment où les éditeurs adhèrent au chantier de préservation du métier et au combat visant la mise en place d’une presse nationale professionnelle pluraliste dans des conditions difficiles, le Bureau fédéral exprime son « étonnement face à ce processus de régressions».

Cette situation, poursuit-on, ne donne pas d’indices de «volonté sincère» pour maintenir un «véritable partenariat » avec les autorités publiques comme convenu en 2005 dans le cadre du contrat-programme et menace des milliers de postes d’emploi dans le secteur en raison de la «confusion» dans la gestion du dossier des médias au Maroc.

Ainsi, le Bureau exécutif de la FMEJ a décidé de consacrer une journée nationale à la presse nationale écrite et électronique, et se réserve «toutes les formes adéquates» pour défendre la continuité d’une « presse indépendante, libre et responsable, en mesure de promouvoir son rôle sociétal, et capable de supporter les charges de production du contenu et de préserver la dignité des journalistes et de l’ensemble du personnel du secteur », conclut le communiqué.

Dans ce contexte, la Fédération fait également état de la tergiversation dans le traitement d’une revendication pressante pour la création d’un fonds du développement de la lecture, pouvant être la seule voie pour la continuité de la presse au Maroc. Face à ce «danger menaçant» l’existence de la presse, un des piliers de la démocratie, les éditeurs «sont d’autant plus étonnés» du fait que le gouvernement continue d’initier des chantiers pour mettre en place davantage de «lois répressives relatives à la presse».

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