Gambie: un remake à la Gbagbo ?

Le monde entier avait cru qu’une page avait été tournée ce 1er Décembre 2016 par les gambiens qui manifestaient leur joie dans les rues de Banjul quand le président Yahya Jammeh, dont tout le monde disait qu’il n’acceptera pas de se dessaisir du pouvoir, n’avait pas remis en question sa défaite. Mais ce comportement, tout à l’honneur de l’ancien homme fort du pays et qui avait fait dire, ce jour-là, au Président de Commission Electorale qu’il «est vraiment exceptionnel que quelqu’un qui a dirigé le pays aussi longtemps ait accepté sa défaite», n’aura, malheureusement, été que de courte durée…

Mais pourquoi un tel revirement ? Tout simplement parce que, dès que les nouvelles autorités ont pris les rênes du pays, elles ont manifesté leur désir de traîner l’ancien homme fort du pays devant la Cour Pénale Internationale – ou, à vrai dire, ce qu’il en reste – en exigeant qu’il «rende des comptes» et en lui ordonnant de ne point quitter le pays.

Cette mesure aurait été prise afin d’interdire au président sortant de fomenter un quelconque coup d’Etat si l’on en croit Fatoumata Jallow-Tambajang, une grande figure de l’opposition et de la société civile gambienne qui a déclaré au «Guardian» : «Il ne peut pas partir. S’il part, il va nous échapper. Nous l’empêchons de partir et nous négocions. Il a dit qu’il voulait aller à Kanilai (à la frontière sénégalaise). Chaque jour, il nous dit qu’il veut aller à l’étranger alors nous disons non. Nous exerçons la prérogative présidentielle».

Suspecté d’avoir détourné, à son profit, des sommes faramineuses Yahya Jammeh est, également accusé d’avoir muselé la presse et emprisonné, torturé et même fait disparaitre ses détracteurs en étouffant, dans l’œuf, toute velléité d’opposition dans le pays.

Ainsi, bien qu’ayant ouvert une brèche démocratique en permettant la tenue d’élections présidentielles et en acceptant sa défaite, l’ancien chef de l’Etat n’est tout de même pas parvenu à dissiper les peurs et les frustrations générées par 22 années d’un règne sans partage.

Et si, lors d’une allocution télévisée du 2 décembre dernier celui-ci avait fait part de sa satisfaction de pouvoir, désormais, rejoindre sa ferme pour «manger ce (qu’il) cultive et cultiver ce (qu’il) mange» Fatoumata Jallow-Tambajang avait rétorqué que celui qui est venu au pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat, pourrait bien avoir dissimulé des armes dans des caches situées non loin de l’endroit où il compte se retirer et préparer sa revanche.

Il convient de rappeler, également, qu’à l’instar de l’Afrique du Sud et du Burundi, la Gambie avait quitté en Octobre dernier la Cour Pénale Internationale au motif que ladite instance s’acharnait à persécuter les africains et leurs dirigeants. Or, si les nouvelles autorités gambiennes prévoient de revenir, désormais, au sein de ladite instance c’est dans le but évident d’y faire comparaître leur ancien chef de l’Etat dès que le calme sera revenu dans le pays.

Ainsi, dès leur prise de fonction, les nouveaux dirigeants ont entrepris un processus de normalisation démocratique. C’est dans ce cadre, d’ailleurs, que, dès le 5 décembre, le tribunal gambien a libéré sous caution – en attendant qu’ils soient libérés de toutes les charges qui pèsent contre eux – 18 anciens opposants au Président Jammah avec à leur tête Oussainou Darboe, tous emprisonnés pour «avoir participé à des manifestations non autorisées».

Il semble donc que la Gambie soit, bel et bien, sur le chemin d’une guerre civile, d’un remake des événements qu’avait vécu la Côte d’Ivoire lorsque Laurent Gbagbo avait contesté les résultats des élections et ce, alors même que le monde entier avait bien voulu croire, durant quelques temps, qu’elle s’apprêtait à vivre une nouvelle ère où prévaudront la justice et l’équité.

Nabil El Bousaadi

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