Guelmim: des success-stories défient les stéréotypes

Avec un taux de 4,8% de l’ensemble de la population, Guelmim-Oued Noun est la région du Maroc qui abrite le plus de personnes à besoins spécifiques, selon les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat, publiés en octobre dernier. 

Ce chiffre ne reflète pas tant les souffrances physiques et morales des familles et des personnes en situation de handicap autant qu’il ne laisse voir des prouesses admirables accomplies par ces personnes et leur détermination sans faille pour vaincre le destin.
Lors d’une rencontre organisée récemment à Guelmim autour de la participation des personnes en situation de handicap à la vie publique, une jeune fille handicapée a récité un poème d’une beauté indicible, à la mesure métronomique impeccable et aux allusions poignantes, sorti du tréfonds de l’âme de l’artiste en herbe et évoquant tantôt la douleur et l’impuissance tantôt l’espoir et la bravoure.
Par ces vers, la jeune poétesse a su transcender sa condition de handicapée qui inspire souvent de la pitié au sein de la société, pour ne plus laisser apparaître qu’un sentiment de gloire et de fierté devant un public totalement conquis.
«J’ai été privée d’école pendant de nombreuses années, mais je suis parvenue toute seule à défier ceux qui voyaient en moi un fardeau pour la société. J’ai donc étudié et persévéré dans la voie de la connaissance, et me voici aujourd’hui poète, m’exprimant dans une langue hassani et arabe authentique», a déclaré Ahl Bih Khoyoul, en provenance de Tan Tan, que son handicap n’a pas empêché de trouver sa voie de poétesse.
Autre exemple parlant d’une personne ayant réussi à vaincre son handicap: Larbi Aderdour, qui a participé à cet évènement au côté de Khoyoul, et qui est parvenu contre toute attente à pénétrer le cercle des décideurs locaux.
Aderdour s’était présenté avec succès aux dernières élections municipales à Tan Tan, et le voilà devenu le porte-voix des personnes à besoins spécifiques dans sa région.
Dans une déclaration, Aderdour dit vouloir partager les fruits de sa longue expérience d’acteur associatif pour soutenir les personnes en situation de handicap dans le champ politique qui a longtemps traité «nos revendications selon une approche conjoncturelle et à travers des politiques qui ne se soucient pas beaucoup de l’implication des personnes en situation de handicap dans la gestion et de leur l’intégration dans la vie publique ».
De l’avis de cet élu local, le plus grand obstacle auquel les personnes handicapées font face est «le regard de la société qui demeure cloîtré dans une vision stéréotypée empêchant les gens de réaliser leurs aspirations». Il note toutefois que cette vision commence à s’éroder à la faveur des acquis cumulés en matière de promotion des droits de cette catégorie de la population.
De son côté, Abderrahman Id Moqadem, président d’une association dédiée aux personnes handicapées à Guelmim et président de l’Union régionale des associations œuvrant dans le domaine du handicap dans la région de Guelmim-Oued Noun, a cité avec fierté, dans une déclaration similaire, les exploits sportifs de personnes à besoins spécifiques issues de la ville et de la région, notamment l’intégration, il y a quelques mois, de deux filles handicapées de la région par l’équipe nationale de basket-ball en fauteuil roulant.
«Par ailleurs, nous avons récolté 19 médailles aux Jeux paralympiques nationaux à Ifrane en 2013, alors que nous avions fini deuxièmes des Jeux paralympiques en Grèce (2011) en tennis de table individuel et troisièmes dans la catégorie mixte de ce sport », s’est félicité M. Id Moqadem.
Ce que ces jeunes filles et garçons ont accompli malgré leurs handicaps, a-t-il poursuivi, engendre un grand sentiment «de fierté et de joie et reflète leurs grands potentiels et capacités qui, hélas, ne bénéficient pas du soutien nécessaire, ce qui entrave les efforts déployés pour parvenir à une meilleure intégration sociale et une plus grande performance sportive».
Le coordinateur régional de l’Entraide nationale dans la région de Guelmim-Oued Noun, Taleb Bouya Aba Hazem, a assuré que la Fondation «donne toujours la priorité dans l’ensemble de ses programmes sociaux à cette catégorie et soutient les associations œuvrant dans ce domaine et les centres spéciaux des personnes en situation de handicap, tout en apportant son appui pour l’acquisition d’équipements de santé, de fauteuils roulants, de béquilles et autres matériels nécessaires».
Outre ces types de soutien, la représentation de l’Entraide nationale aide aussi dans la scolarisation des enfants handicapés à travers, notamment, la distribution de bourses aux associations qui se chargent de cette mission dans les quatre provinces de la région, et tente également de donner accès à ces personnes à des activités génératrices de revenus, a précisé M. Aba Hazem.
A cet égard, le responsable régional a noté que des centres d’orientation et d’accueil étaient en cours de réalisation dans l’ensemble des provinces de la région dans le cadre du rapprochement de l’administration des personnes à besoins spécifiques et de leurs familles.
Toujours sur ce sujet, le directeur du Centre social pédagogique des personnes à besoins spécifiques, Mohamed El Ket, a expliqué que la contribution de l’Entraide nationale et d’autres partenaires à la facilitation de la vie des personnes handicapées est «importante et fondamentale » mais demeure insuffisante».
M. El Ket, qui dirige un centre prenant en charge 130 enfants en situation de handicap, a mis en évidence le besoin pressant pour le centre d’élargir sa capacité d’accueil, sachant «que la liste d’attente compte pas moins de 70 enfants, sans parler du besoin d’un soutien financier stable, d’élargir la base des partenaires et des sponsors et de combler le déficit en cadres qualifiés pour prendre soin des enfants handicapés».
Selon les Nations unies, sont qualifiés de personnes à besoins spécifiques tous les individus souffrant d’une grande difficulté ou d’un déficit total dans l’une des fonctions nécessaires pour accomplir des activités de tous les jours, telles que la vue, l’ouïe, la marche, la montée des escaliers, la mémorisation, la concentration et la communication dans le langage courant.

Issam Ouais

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