Hors champ : Le cinéma, témoin de son temps

La 15e édition du festival de Marrakech commence aujourd’hui en affichant une programmation prometteuse, riche et diversifiée. Mais le festival est d’abord en soi un message éloquent eu égard au contexte international tendu et marqué par les horreurs de la violence sous différentes formes. Il indique ainsi que la vie finit par l’emporter et que le cinéma, vecteur artistique de l’imaginaire contemporain, traduit dans un foisonnement d’images et de son cet attachement à la vie, à la concordance et à la tolérance.

Le festival de Marrakech a pour ainsi dire dès sa naissance eu à relever ce défi : dire la vie dans sa multitude et la défendre contre les contingences tumultueuses. Septembre 2001, Marrakech a réussi. Le monde ne l’oublie pas. Aujourd’hui encore, il s’agit de prolonger le même engagement. Le président de la fondation du festival de Marrakech, SAR le prince Moulay Rachid le rappelle clairement dans le texte d’ouverture de cette édition : « A ce titre, alors que le Monde et sa si terrible actualité inquiètent plus qu’ils ne rassurent, rappelons que face à l’adversité et au malheur qui frappent tant d’hommes et de femmes, que des milliers d’humains cherchent refuge, fuyant la brutalité et la violence, oui, disons ici, que le cinéma est plus encore aujourd’hui, mis en demeure de témoigner».

Témoigner est ainsi le programme générique de cette édition. Témoigner de l’ouverture de notre pays que consacre un festival d’envergure internationale ; témoigner de la force du cinéma pour dire que l’art traverse les frontières et transcende les contingences de l’instant pour offrir une autre image de l’humanité. Témoigner que les rencontres et le dialogue sont le cadre idoine pour aplanir les divergences. Témoigner surtout que la culture est le capital commun de l’humanité. Son bouclier contre la barbarie

L’édition de cette année ne déroge pas à la règle. Elle est une nouvelle illustration de l’inscription du festival dans une logique de promotion de la culture cinématographique. Deux réussites de ces dernières années en sont la preuve éloquente : les masterclasses et le concours Cinécoles, deux moments d’échanges qui dialoguent autour d’un enjeu majeur, la formation. Le concours Cinécoles permet aux jeunes lauréats des écoles de cinéma de se confronter au cinéma dans sa dimension professionnelle internationale avec un jury prestigieux pour consacrer un film prometteur. Et les masterclasses sont quant à elles la tribune qui s’ouvre sur les expériences d’auteurs de renommée internationale.

Le pays invité est une section qui s’est très vite imposée comme une fenêtre sur le cinéma du monde à travers le cas d’une cinématographie donnée. Cette année c’est le Canada, pays qui a su développer, face au géant voisin, un cinéma original et très populaire chez lui. Une expérience enrichissante pour notre propre cinématographie. Le point d’orgue de cet édifice reste le jury. Celui de cette année brille encore de mille feux avec à sa tête, un grand cinéaste, et un auteur mythique, F.F Coppola.

Reste alors la présence marocaine. Celle-ci suscite souvent des controverses et des polémiques. L’année dernière, la sélection marocaine a été importante, reflétant l’état de la production. Cette année, c’est une autre formule qui a été privilégiée par la direction artistique optant pour des films coproduits. Ce n’est pas un secret d’Etat de dire que la production nationale a été très insuffisante cette année. Les tournages avaient pris du retard et cela s’est répercuté sur le nombre de films candidats possibles à une éventuelle présence dans telle section ou telle autre du festival. Nous sommes un pays surdéterminé par la culture «agricole» : il y a des années de vaches maigres ! L’année prochaine s’annonce par exemple florissante. Ainsi, Marrakech témoigne aussi de l’état des lieux de notre cinématographie, comme de notre cinéphilie. Et ce n’est pas la moindre de ses vertus.

Par Mohammed Bakrim

Top