Houda Benyamina et Rayhana : Elles ont du clito !!!

Leurs films ont fait sensation à Tunis; avec Divines et A mon âge je me cache encore pour fumer, Houda et Rayhana, la première franco-marocaine et la seconde franco-algérienne, ont séduit public, cinéphiles et professionnels.Divines représente le Maroc en compétition officielle, quant au film de Rayhana, il concourt au nom de l’Algérie dans la compétition première œuvre. Lors de leurs différentes projections, la partie du public qui fut la plus enthousiaste fut celle des femmes.  Deux films féministes ? On peut le dire tant que la femme est non seulement un vecteur du récit, mais c’est elle qui lui donne sa quintessence et imprègne sa forme.

Divines arrive à Tunis auréolé de sa caméra d’or, il était en effet sélectionné dans le cadre de la quinzaine des réalisateurs et a été choisi comme meilleure première œuvre. Sa réalisatrice qu’on avait découverte à Tanger avec son court métrage Sur la route du paradis, s’était distinguée à Cannes non seulement par la fraîcheur, la poésie et l’humanisme de son film mais aussi avec son discours enthousiaste et surprenant, notamment quand elle s’est adressée au délégué général de la Quinzaine en lui lançant une réplique célèbre de son film : «t’as du clito mec». Le film est en effet un hymne à ces battantes de la France d’en bas, une cité-bidonville, qui ont décidé de prendre leur destin en main, loin des parcours sans issues auxquelles les destine une société de la reproduction. Une scène très dure dans un centre de formation : Dounia annonce la couleur et refuse de suivre sa formatrice dans son coaching. Un caractère s’impose ; elle cherche ailleurs. Elle est rejointe par son amie et complice Maimouna. Se forme alors devant nous un des duos les plus émouvants du cinéma. Les films dans les aventures qui font le quotidien d’une société marginalisée. L’espace est révélateur dans ce sens : on voit beaucoup de lieux fermés, nocturnes, des coulisses, des couloirs, des arrière-fonds…comme si Houda voulait prendre le système par ce qu’il cache ; d’ailleurs on joue beaucoup à cacher des choses dans le récit. Le but étant in fine de capter cet invisible ultime, l’amour, l’amitié. Dounya, interprétée par Oulaya Amamra, vue dans L’orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir, est tout simplement époustouflante. Lors du débat qui a suivi la projection du film, un cinéaste palestinien a déclaré que pour lui, c’est le Prix d’interprétation féminine.

Il faut dire que ce n’est pas gagné d’avance, il y a beaucoup de grands rôles féminins portés par de grandes actrices comme Hyam Abbasdans cette comédie de mœurs hilarante qu’est le premier film de Rayhana, A mon âge je me cache encore pour fumer. La comédienne internationale d’origine palestinienne y incarne une maîtresse de Hammam ; un lieu chargé de mythe et de symboles, un huis clos où des femmes de différents milieux sont réunies autour de leur féminité…anecdotes, confessions sur les petits secrets conjugaux émaillent les échanges ; on rit beaucoup aux détriments des hommes…mais c’est une comédie noire car le contexte est dur. C’est l’Algérie du milieu de la décennie noire (1995, le temps fort du terrorisme mais aussi le temps des pénuries ; lors de la séquence d’ouverture, on entend des femmes pousser des youyous lors du retour de l’eau…mais la plus dure des pénuries est celle de l’amour. A l’origine du scénario est une pièce de théâtre écrite par Rayhana elle-même ; la production a été menée grâce au soutien de Costa Gavras. La Grèce est partie prenante du film avec la participation de nombreuses comédiennes helléniques, notamment pour les scènes de nu. Cette description de la condition féminine a drainé une adhésion totale du public ; à un certain moment du récit, une jeune femme arrive en courant au hammam, tout heureuse, brandissant un papier signifiant son divorce ; elle fut doublement félicitée. D’abord par ses amies au bain puis par une explosion de joie dans la salle : youyous, applaudissements. Un triomphe pour la réalisatrice émue aux larmes.

M.B

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