«Il faut récupérer tout ce qui est consommé à travers le monde»

Brahim El Mazned, Directeur Fondateur de Visa For Music

Réalisé par Mohamed Nait Youssef

Selon Brahim El Mazned, Directeur Fondateur de Visa For Music et directeur du MoMEx, bureau d’export de la musique marocaine, «moins de 10% de personnes paient les droits d’auteur au Maroc et l’on compte à peine 800.000 patentés à travers le Maroc».

Al Bayane : Quel commentaire faites-vous des résultats publiés dans le dernier rapport de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) et qui classe le Maroc au 3e rang en Afrique et 49e à l’échelle mondiale?

Brahim El Mazned : Je pense que ce classement est tributaire principalement de la copie privée. Je ne crois pas que beaucoup d’institutions paient aujourd’hui les droits au Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA).  Je parle bien entendu des cafés, des boites de nuit, des hôtels, des restaurants… Il va sans dire que les gens paient d’une manière aléatoire. Aujourd’hui, nous sommes à moins de 10% de personnes qui paient les droits d’auteur. On compte 800.000 patentés à travers le Maroc, même pas 2%. En revanche, c’est excellent qu’aujourd’hui, il y ait cette manne d’argent qui vient principalement de la copie privée. Ce qui est tout à fait  normal ! J’espère de tout cœur qu’elle sera au bénéfice des ayants droits et du développement de l’industrie musicale dans notre pays, sachant qu’aujourd’hui, peu d’artistes sont enregistrés au Bureau, ce qui rend la chose compliquée. Au Bureau, il faut être attentif à cette nouvelle génération d’artistes. Il y a un énorme travail à faire pour ramener la confiance  des deux côtés, afin d’être plus serein et booster ainsi l’industrie.

Que pensez-vous de la relation entre le BMDA et la SACEM?

Je pense qu’au Maroc, nous allons récupérer bien plus que l’Algérie, voire même d’autres pays. Le Maroc, en effet, peut aller au-delà, mais il faut trouver la formule pour récupérer également tout ce qui est consommé à travers le monde. Auparavant, il y avait une relation entre la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et le BMDA. Aujourd’hui, je crois qu’elle est «suspendue». Il faudrait, à mon avis, que cette situation s’éclaircisse assez rapidement pour que les artistes puissent sortir de cette impasse, parce qu’ils sont aujourd’hui pris en otage. Ils sont dans cette situation d’attentisme qui  n’est pas en faveur des artistes et encore moins des ayants droits.

Les retombées de la filière musicale sont bénéfiques à la fois pour les professionnels du secteur, mais aussi et surtout pour l’économie nationale. Or, le secteur baigne dans l’informel. Pensez-vous que cela soit dû essentiellement aux droits de la propriété intellectuelle et artistique?

La filière est une chaine et s’il y a des maillons qui sont faibles, forcément cela se ressent directement sur la création et le développement du secteur. Ce n’est pas normal que la filière soit mieux structurée dans plusieurs pays subsahariens qui étaient dans un informel beaucoup plus confirmé que chez nous, mais qui  ont pu s’en sortir.  Nous ne pouvons rester en 2019 dans cette situation !

Dans toute cette affaire, le perdant c’est le Maroc, la création et le patrimoine marocain. Il faut que toute cette richesse qui fait l’identité du pays sorte de cet informel parce qu’une communauté moins épanouie est une communauté moins productive.

La musique n’est pas une filière simple. Elle a un lien immédiat avec notre identité plurielle. En d’autres termes, moins de création veut dire moins d’artistes présents aussi à travers le monde. Ce sont des artistes qui portent une responsabilité énorme et non pas des amuseurs. Un artiste fait travailler avec lui une chaîne incroyable de métiers (fabricants d’instruments, ingénieurs, tourneurs, managers, festivals…).

C’est inquiétant… il y a des festivals, des radios qui ne paient pas les droits… et beaucoup d’artistes, surtout les jeunes se demandent où vont les fonds et les collectes. Quel regard portez-vous sur le système de rémunération?

La nouvelle génération d’artistes, qui passent dans les radios, en grande partie, n’est pas inscrite au bureau. Donc, quand une radio paie, l’argent ne va pas aux ayants droits. C’est pour cette raison que je dis qu’il faut vraiment revoir totalement le système ; il faut recréer la confiance. C’est une chaine avec plusieurs composantes. Et une radio devrait être partenaire du BMDA. Ce dialogue est important ! On ne peut pas travailler d’une manière aléatoire. Soit tout le monde paie, soit personne ne paie. Il faut que le BMDA joue son rôle comme il se doit.

Vous êtes directeur du MoMEx, bureau d’export de la musique marocaine. En matière des droits, quelles sont les entraves au rayonnement et à la diffusion de la musique et des artistes marocains à l’étranger?

Malheureusement, ce bureau est suspendu depuis deux ans faute de moyens, et ce, malgré les contrats signés avec le partenaire principal qui est le Ministère de la Culture. Pendant les deux ans où le bureau export a fonctionné, le MoMEx était présent  sur la plupart des plates-formes internationales qui ont permis à plusieurs de nos artistes de se produire sur différents continents. Aujourd’hui, nous sommes moins présents ; nous intervenons surtout dans certaines manifestations liées à la diaspora et aux artistes qui sont présents à l’étranger  grâce aux ministères des MRE ou de la Culture. Nous sommes moins présents qu’auparavant, quand le MoMEx permettait d’aller dans des festivals et des marchés internationaux.

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