Intégration des jeunes: Le constat sans appel du CESE

Souvent laissés pour comptes des politiques publiques, les jeunes peinent à s’intégrer aussi bien dans la société que dans le marché de l’emploi. Un constat partagé par le Conseil économique, social et environnemental, qui vient de publier un rapport intitulé «Une nouvelle Initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine». La Chambre des conseillers l’avait en effet saisi en novembre 2017 pour élaborer une étude sur la «stratégie intégrée de la jeunesse». Le constat dressé est sans appel.

D’après le CESE, la politique nationale en faveur de la jeunesse bute sur l’absence d’une approche globale et intégrée, ce qui rend difficile l’atteinte des objectifs escomptés. Le Conseil considère que les jeunes n’ont que peu la possibilité de peser sur les décisions stratégiques nationales, et ne bénéficient pas équitablement d’un accès adéquat à une éducation et des soins de santé de qualité.

Le cauchemar du «ni-ni» persiste

Si les jeunes marocains sont caractérisés par un ensemble de compétences, de capacités et une énergie particulière, il n’en demeure pas moins que la situation d’une grande partie d’entre eux reste précaire.  «Représentant près du tiers de la population totale du Maroc, les jeunes de 15 à 34 ans sont restés pour la plupart en marge de la croissance économique soutenue qu’a connue le pays au cours des dix dernières années, sans bénéficier équitablement des progrès économiques induits par cette dynamique de croissance», déplore le CESE. Ni l’éducation ni l’emploi ne sont facilement accessibles.

Le Conseil revient notamment sur l’inadéquation entre les formations proposées par le système d’éducation et de formation et les besoins du marché du travail qui rend difficile la transition entre l’école et le marché du travail et constitue encore l’un des facteurs ayant un impact négatif sur la croissance économique et l’employabilité des jeunes diplômés. L’on rappelle également que le taux de chômage chez les jeunes augmente avec le nombre d’années d’études, ce qui ne fait que renforcer le sentiment de frustrations chez les diplômés de l’enseignement supérieur qui ne trouvent pas d’emploi.

Un programme gouvernemental surréaliste?

Le programme gouvernemental 2016-2021 prévoit certes quelques actions en faveur de la jeunesse, mais celles-ci demeurent insuffisantes pour relever les défis fondamentaux qu’affronte cette catégorie de la population. Dans le domaine de l’emploi, les ambitions de l’exécutif semblent difficiles à concrétiser, du moins de l’avis de l’instance présidée par Nizar Baraka. «Même si le programme gouvernemental vise un taux de croissance de 4,5 à 5,5% d’ici 2021, la croissance de l’emploi ne devrait pas évoluer très rapidement, d’autant plus que les mesures prévues pour améliorer l’emploi des jeunes demeurent limitées», peut-on lire dans le document.

Le plan d’action prévu n’apporte aucune nouvelle mesure incitative, si ce n’est la révision des mesures incitatives déjà existantes, pour les orienter vers des secteurs présentant un fort potentiel de création d’emplois. Ainsi, le CESE souligne le caractère et le périmètre limités des actions prévues dans la politique gouvernementale à horizon 2021, regroupées autour de mesures institutionnelles, organisationnelles et infrastructurelles à l’impact relatif sur la jeunesse, qui gagneraient à être enrichies, renforcées et élargies à d’autres domaines structurels pour la jeunesse. De plus, lorsqu’il y a emploi, il s’agit souvent d’emploi informel, précaire, mal rémunéré et sans avantages sociaux. Sans le support et l’intervention de relations personnelles ou familiales, un diplôme et des compétences ne suffisent pas toujours pour trouver un emploi décent. Par conséquent, les jeunes ont le sentiment d’avoir peu de contrôle sur leur avenir économique.

Et une stratégie nationale caduque

Conçue en 2014, la stratégie nationale intégrée de la jeunesse, qui vise à placer les jeunes au cœur des politiques publiques, se heurte à l’inertie depuis son adoption en conseil de gouvernement. En effet, cette feuille de route n’a pas été approuvé en conseil des ministres, comme le stipule l’article 49 de la Constitution. Par conséquent, elle reste caduque. Sa cible devra donc prendre son mal en patience, le temps que l’exécutif finalise sa nouvelle stratégie sur laquelle la tutelle planche actuellement.

D’autant plus que le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative n’est pas encore opérationnel. Huit mois après la publication au BO du de la loi portant création de cette instance, les décrets d’application tardent à paraitre.

Hajar Benezha

Top