«Islam et Démocratie» de S. Bensaïd Alaoui

Le professeur Saïd Bensaïd Alaoui est une éminente figure du champ intellectuel marocain et arabe. Titulaire d’un doctorat d’Etat en philosophie, membre de plusieurs associations culturelles et scientifiques nationales et internationales, ancien doyen de la Faculté de lettres et des sciences humaines – Université Mohammed V-Rabat, M. Said Bensaid Alaoui est l’auteur de plusieurs publications sur la pensée arabe et islamique.

De ma bibliothèque je vous propose ce livre, Islam et Démocratie. C’est un petit livre qui réunit en fait trois interventions de l’auteur; trois textes produits et présentés dans des contextes différents, destinés à des publics différents mais portés par la même problématique et traversés des mêmes questions qui font aujourd’hui le pradigme de la pensée issue de la sphère musulmane. Le premier texte, Les penseurs musulmans de l’opposition au XIX siècle, a été présenté dans le cadre d’un séminaire scientifique  à Washington et dont les travaux viennent d’être publiés sous le titre générique Islam et Etat (Between the state and Islam).

C’est un chapitre important du livre d’abord pour la quantité d’informations qu’il offre sur l’état de la pensée musulmane à une époque charnière marquée par le choc de la découverte de l’autre, en l’occurrence l’Occident. Et par sa qualité didactique indéniable car l’information est toujours située en perspective et reliée à son contexte.

Le professeur Alaoui nous livre ainsi un panorama complet des principales réactions de l’intelligentsia musulmane traumatisée par le retard immense qui se creuse entre la Oumma et le monde développé, décrit notamment les récits de voyage. Il décrit l’émergence de la pensée politique islamiste confrontée à la question de la réforme. Une réflexion sur la réforme qui mettra indéniablement le penseur religieux en situation de penseur politique. La grandeur de l’Occident comme la décadence du monde musulman trouvent leur première explication dans la nature du système politique. Ce sont alors les prémisses de l’implication du religieux dans le champ politique à travers les expériences de noms célèbres comme Al Afghani, Cheikh Abdou, ou Tahtaoui et autre Kawakibi.

Les thèses de chacun de ces fondateurs de la pensée réformiste sont présentées et résumées en fonction d’une grille de lecture centrée sur la question de la réforme. Le cas marocain est abordé à part, car il présente une certaine spécificité dans la mesure  entre autres où il a échappé à l’occupation othomane. Mais deux évènements du 19ème siècle vont déterminer le cours de son histoire : la bataille d’Isli en 1844 et la bataille de Tétouan en 1860. Un tournant qui ne manquera pas de déterminer la nature de la réflexion et du côté du Makhzen et du côté des Ulémas.

On apprend ainsi que le principal courant d’opposition au cours de ce siècle fabuleux fut essentiellement d’inspiration religieuse même si des velléités de pensée autres furent perçues chez des intellectuels arabes d‘origine catholique influencés par les idées du siècle des lumières. Mais leur rôle fut très limité.

Le deuxième chapitre du livre, la démocratie signifie-t-elle seulement l’alternance et porte comme sous-titre des difficultés de la transition démocratique dans le monde arabe. Texte qui reprend une conférence présentée au Caire en 1996. C’est un chapitre passionnant car il aborde de front des questions qui nous interpellent directement comme la place de la mouvance islamiste dans le jeu politique démocratique. Enfin le troisième chapitre aborde la question du rôle de l’Islam dans le dialogue culturel arabe aujourd’hui, texte d’une conférence présenté à Rabat en  juin 2002 où l’auteur défend les composantes de ce que devrait être une nouvelle stratégie d’action culturelle.

Une pensée éclairée d’un effet tonique par les temps qui courent.

Mohammed Bakrim

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