Italie: Est-ce le retour d’Il Cavaliere?

A l’issue des élections régionales italiennes qui se sont déroulées au début du mois en Sicile, ForzaItalia de Silvio Berlusconi, allié aux nationalistes de Fratelli d’Italia et de la Ligue du Nord est arrivée en tête. Se félicitant pour cette victoire, le magnat des médias italiens a tenu à déclarer «avec cette coalition, nous pouvons gagner n’importe où»  avant d’ajouter  «nous avons démontré qu’unis, nous sommes les seuls à pouvoir faire rempart au Mouvement 5 Etoiles qui représente le vrai danger».

Ce résultat avait fait dire, il y a deux semaines,  à Marcio Damilano dans l’hebdomadaire «L’Espresso», qu’Il Cavaliere «est encore là, comme toujours, à incarner le système et l’anti-système, la modération et l’extrémisme et à tenir tout cela ensemble».

Interrogé, de son côté,  au sujet des élections législatives qui se tiendront au printemps prochain, le vieux sphinx de la politique italienne, faisant fi de ses 81 ans révolus, de ses frasques avec de très jeunes femmes lors de ces fameuses soirées dites «bunga-bunga» et même de son inéligibilité pour six années du fait de la condamnation pour fraude fiscale qui, en vertu de la loi anti-corruption Severino lui avait fait perdre, en Novembre 2013, son mandat de sénateur, s’est empressé de déclarer ouvertement et sans craindre  d’être contredit par les faits : «Je serai sur le terrain, comme capitaine ou comme entraîneur».

Ne pouvant donc pas pour l’heure se présenter aux prochaines élections législatives puisqu’il reste inéligible jusqu’en 2019, l’ancien chef du gouvernement et magnat des médias italiens a quand même voulu, malgré son grand âge, continuer à faire entendre sa voix, à faire parler de lui et à rappeler au monde entier qu’il existe encore en tant qu’homme politique. Autant de raisons pour lesquelles il a saisi  la Cour Européenne de Justice au titre de la levée de son inéligibilité alors même qu’il reste convaincu, en son for intérieur, que sa démarche est vouée à l’échec car ladite Cour ne pourra probablement pas se prononcer avant le printemps prochain, donc avant le scrutin auquel cas il lui sera interdit de participer à cette consultation en tant que candidat.

Mais, connaissant l’homme, force est de reconnaître, toutefois, qu’en étant fort du léger avantage que sa formation a remporté sur le Mouvement 5 étoiles à l’issue des élections régionales et des sondages favorables à la droite,  peu lui importerait, au fond, que son dossier soit réexaminé par la Cour Européenne avant la date des élections ou pas dès lors qu’il reste assuré que son parti a toutes les chances de faire un score honorable ; que lui-même participe auxdites législatives  en tant que « joueur » donc comme candidat si d’ici-là son inéligibilité est levée – ce qui, du reste, est fort peu probable –  ou bien en tant que «capitaine d’équipe» c’est-à-dire en sa qualité de chef de parti s’il reste inéligible.

Peu lui importerait également de savoir que nombreux sont ceux qui ont  peine à croire qu’un tel retour soit possible après tous les scandales et toutes les déconvenues qui lui ont collé à la peau des années durant dès lors que, d’une part, en s’appuyant sur les sondages, il reste assuré de pouvoir faire obtenir à son parti  les voix des 7 à 8% d’italiens qui, comme l’avait expliqué devant la presse étrangère le politologue Giovanni Orsinna, «aiment encore Berlusconi» et que, d’autre part, il y a cet électorat modéré qui, en n’entendant pas voter pour la Ligue du Nord (droite souverainiste), la gauche radicale ou le Mouvement Cinq Etoiles (populiste) sera contraint de se rabattre soit sur l’indéboulonnable Berlusconi soit sur Matteo Renzi, son jeune rival et prédécesseur à la tête du gouvernement italien.

Au vu de tout cela, il semble donc que  l’heure  de faire tomber le vieux cavalier de sa monture n’est pas encore venue…

Nabil El Bousaadi

Top