Jeunes et politique: le conflit des générations ?

Motivés et poussés par leur besoin d’idéal, leur désir de changement, leur fraicheur, leur capacité d’agir et de s’épanouir, leur courage et leur dynamisme, les jeunes se trouvent toujours en première ligne des grands mouvements de colère, des manifestations, des «révolutions», des grèves ou tout simplement dans les grands rassemblements politiques, sociaux ou sportifs.

Ce fait, qui n’est pas nouveau, soulève moult interrogations. Ces jeunes seraient-ils le moteur des changements politiques et des politiques du changement ayant marqué l’Histoire ? Seraient-ils apolitiques dans le contexte d’aujourd’hui comme le laissent entendre les sondages d’opinion et les statistiques d’institutions officielles ? Seraient-ils manipulés par les politiques qui mettent à profit leur dynamisme et leurs qualités ainsi que leur manque d’expérience ?

Seraient-ils présents sur la scène politique, mais en faisant la politique autrement ?  Quoi qu’il en soit les jeunes apportent une valeur ajoutée au progrès de la société et leur rôle est indispensable pour sa promotion dans tous les domaines.

C’est une certitude qui a été démontrée par des études sociologiques, soulignant également leur apport dans la transmission des valeurs et des connaissances d’une génération à l’autre, quel que soit le conflit des générations et quels que soient leurs comportements, leur éducation et leurs aspirations. Les choses diffèrent d’un pays à l’autre et d’un contexte politique à l’autre. Au Maroc, les statistiques du Haut-commissariat au Plan (HCP) donnent matière à réflexion. Les jeunes sont quasiment apolitiques.

Ce constat pousse à croire que les jeunesses des partis politiques ne jouent pas convenablement leur rôle de sensibilisation, d’encadrement et de «séduction» afin de «politiser» les jeunes et de les convaincre en vue d’agir au sein des institutions politiques dédiées à la jeunesse. Ce constat pousse également à s’interroger sur les dangers qui guettent ces jeunes livrés à eux-mêmes sans encadrement politique, les exposant à des dérives dangereuses d’endoctrinement et d’extrémisme.

Les formules de quota n’ont pas réglé la question de l’implication des jeunes dans le jeu politique

Dans ce sillage, force est de constater que les cadres estudiantins et leurs mouvements au sein de l’Université seraient également instrumentalisés et ne joueraient plus leur rôle d’encadrement des jeunes étudiants qui atterrissent encore vulnérables dans ce monde de l’enseignement supérieur. Pis encore, la violence s’est invitée dans cet univers à tel point que chaque année des actes de violence portent préjudice à l’image de l’Université, des étudiants et de la jeunesse d’une façon générale.

Des procès dans ce sens font le chou gras des médias, soulevant d’innombrables questions sur l’avenir de cet univers du savoir, de la science et de la connaissance. Cette situation, qui interpelle à plus d’un titre, laisse entendre que les approches politiques mises en place jusqu’à présent pour séduire les jeunes afin d’intégrer les institutions politiques n’auraient pas apporté les résultats escomptés.

A ce propos, les formules de quota réservé aux jeunes pour accéder à l’Hémicycle, qui ont certes permis à des compétences d’y aller, n’auraient contribué qu’à plus de tiraillements au sein des organisations de jeunesse à l’occasion de chaque rendez-vous électoral et ceux qui tirent profit de cette formule quittent le parlement sans pouvoir y revenir via la voie des élections normales. Et le manque de transparence et de démocratie interne dans plusieurs cas renvoie ces formules au fichier de la rente et ternit encore l’image de la politique et des politiques au regard des autres jeunes.

Fichier électoral : une désaffection qui interpelle

Cet état de fait contribue plus à la désaffection politique des jeunes que leur implication dans des structures politiques. Les statistiques des inscriptions sur le fichier électoral montrent clairement ce constat. D’un scrutin à l’autre, le nombre de jeunes, en âge de voter, augmente, mais diminue sur les listes électorales, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur.

En 2002, les jeunes (âgés de 18 à 25 ans, qui formaient le tiers de la population ne représentaient que 7% du fichier électoral. Lors des législatives de 2003, on comptait trois millions de jeunes (âgés de 18 à 25 ans) inscrits sur les listes électorales. Or, pour les législatives de novembre 2011 [organisées à la suite du référendum constitutionnel de 2011 et l’effervescence du mouvement du 20 février], ils n’étaient plus que un million.

Toutefois, des études sociologiques montrent que cette désaffection de la jeunesse du fichier électoral n’explique pas son apathie politique. Car, la jeunesse marocaine, qui représente environ 38% de la population totale du pays, n’est pas homogène pour comprendre son attitude à l’égard de la politique et tirer une conclusion générale. En fait, plusieurs «jeunesses» composent le concept. Ainsi, les jeunes instruits dans le milieu urbain restent plus au moins connectés à la politique, nationale et internationale, alors que ceux du monde rural le sont dans une moindre mesure, mais s’activent dans des associations.

Ceux exclus socialement (pauvreté, précarité, analphabétisme, oisiveté, etc) optent dans certains cas pour la violence afin de s’exprimer. D’autres choisissent le religieux comme forme d’expression et une certaine catégorie s’exprime à travers la musique et l’art. C’est dire que le lien de la jeunesse à la politique est difficile à cerner dans la mesure où le retrait vis-à-vis des élections ne signifie pas une désaffection politique.

Quoi qu’il en soit, force est de constater que dans les années soixante et soixante-dix et même au début des années quatre-vingt, le nombre de jeunes impliqués dans le jeu politique était considérablement important. Mais, d’une année à l’autre, la tendance se renversait à tel point qu’aujourd’hui force est de constater que la jeunesse ne rime plus à la politique.

Les jeunes d’aujourd’hui sont constamment connectés aux nouvelles technologies, mais complètement déconnectés de la politique. Ce qui est contre nature. Car toutes les philosophies politiques de la plus haute antiquité jusqu’aux temps modernes démontrent que l’homme est un animal social, rationnel et politique.

Belkassem Amenzou

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