Jeunes filles de notre temps

L’histoire de deux jeunes filles aux parcours dramatiques, différents dans leur nature, mais identiques dans ce qu’elle révèle de notre temps. Deux  victimes de trafics caractéristiques d’une certaine mondialisation, la traite blanche et le djihadisme. Deux histoires fortes, deux récits poignants dans deux films qui ont retenu le public du palais des congrès en haleine. Il s’agit du film franco-roumain, «The fixer» (en compétition officielle) et le film «Layla M.» belgo-jordano-néerlandais (en section coup de cœur).

«The Fixer» d’Adrian Sitaru aborde un trafic de prostitution de jeunes filles mineures dans le sens est-ouest, de la Roumanie où les intermédiaires recrutent vers des réseaux parisiens. «Layla M», aborde un trafic, le recrutement de jeunes musulmans fanatisés par les réseaux sociaux, qui se fait dans l’autre sens, de l’ouest (la Hollande et la Belgique) vers le Moyen orient (la Jordanie d’abord puis en Syrie. Les deux films ont choisi deux formes différentes pour mettre en images ces drames de notre temps.

«The fixer», qui aborde l’histoire d’un scandale international de trafic de jeunes mineures, épouse la forme d’un reportage médiatique en cohérence avec les protagonistes du récit : un jeune stagiaire roumain de l’AFP à Bucarest propose à une chaîne d’info en continu de rencontrer en exclusivité la jeunes fille qui a été arrêtée à Paris avec son client. Renvoyée chez elle dans un village du nord de la Roumanie, elle est prise en charge par une association religieuse de protection de mineures. Le jeune journaliste est abordé en ouverture dans sa vie privée où elle pousse le jeune garçon de sa compagne à améliorer ses performances de jeune nageur. Cela devient un harcèlement ; cette séquence n’est pas fortuite ; itérative dans le récit ; elle dit dans une forme de mise en abyme la nature même des rapports sociaux portés par la course aux résultats, notamment dans l’univers des médias. Le film se lit aussi en effet comme un accablant  procès des pratiques médiatiques où tous les moyens sont mobilisés (faire intervenir différents pouvoirs) pour réaliser un scoop sans aucun souci pour les victimes. Dans une ultime séquence finale on entend le journaliste dire avec cynisme, «nous avons finalement obtenu ce que nous cherchions»; la jeune mineure venait d’être abusée et violée symboliquement.

«Layla M.», la néerlandaise d’origine marocaine, issue d’une famille socialement heureuse a des points communs avec la jeune  mineure roumaine. Les deux jeunes filles, Layla (18 an) et Anca (14 ans) aiment jouer, aiment la vie avec une certaine naïveté. Layla aime le football, travaille bien à l’école mais n’aime pas l’injustice. Le film va montrer d’une manière quasi documentaire sa métamorphose et sa dérive vers un islam d’enfermement (l’affrontement avec son père et son père à ce propos est révélateur de l’impasse), pour répondre à une quête identitaire. Quête qui va être récupérée par des réseaux de recrutement djihadiste. Rompant avec sa famille, elle épouse son  jeune ami. Ils décident tous les deux de fuir vers le Moyen-Orient. L’idéalisme naïf de Layla va alors se révéler devant la dure réalité des engagements des uns et des autres. Un film certes linéaire, puisant dans des faits connus mais cependant d’une force dramatique qui en fait une œuvre aux dimensions  didactiques indéniables.

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