La Ballade du Calame, Une méditation sur l’écriture

La ballade du calame est l’une des œuvres les plus révolutionnaires dans le monde de la création littéraire afghane et universelle.

Un portait intime poétiquement écrit, où le calame devient à la fois un moyen spirituel dans les travaux calligraphiques et une façon de se libérer du monde à l’aide des mots. Atiq Rahimi se raconte et se cherche au même temps dans ses écritures. Le romancier franco-afghan réfléchit aux relations entre son exil et son travail artistique. Ce livre dévoile en quelque sorte le travail de l’écrivain et sa façon intime de voir le monde à travers les lettres. La conception poétique du monde se révèle symboliquement dans l’écriture et sa relation avec le monde sacré que l’écrivain nous propose dans son texte.

Un livre sur l’exil, sur l’écriture, sur la psychologie de l’être tiraillé entre deux cultures (Afghane et Française). L’auteur se démasque et nous livre sa difficulté d’écrire sur l’exil, l’angoisse d’une page blanche et surtout le rapport de la création artistique et la douleur de l’exil. Trente ans d’exil ne s’écrivent pas, impossible de retracer la même souffrance et les mêmes instants. L’écrivain le dit clairement dans son ouvrage, l’exil n’est pas une affaire sur commande. Pour Atiq Rahimi, écrire l’exil c’est vivre encore une fois l’exil et l’angoisse qui va avec. Il s’y essaie pourtant. Il noircit des pages et calligraphie des lettres en arabe, mais il y a toujours quelque chose qui manque ses croquis :

«L’exil ne s’écrit pas. Il se vit. Il se vit une seule fois, comme une expérience originelle, qui se révèle et révèle dans la seule voie qui est celle de la création».

L’auteur s’est forgé rapidement un style, une écriture. Pour lui, le travail de l’écriture est une lutte, une patience. En écrivant La ballade du calame, il lutte pour relier les mots a son vécu, des mots choisis avec soin et pertinence, des mots qui ne se tiennent pas au centre, mais qui permettent au sentiment de l’exil et à la pensée de s’élever :

«Je m’attable à l’heure de ma solitude nocturne dans une brasserie parisienne. Corps, incertain. Plume asséchée et suspendue sur la page blanche. Toujours aucun mot pour incarner les instants d’une vie blâmée, l’espoir d’une renaissance rêvée».

Des reflets de culture musulmane affleurent en des phrases courtes qui claquent comme des aphorismes. L’écrivain cherche une esthétique très particulière, il veut que chaque phrase ait en elle son propre sens. Le vécu et l’imaginé, l’expérience et le recréé s’entrelacent dans ses traces. La Ballade du calame est l’aveu douloureux d’une expérience aussi douloureuse que l’expérience de l’écriture. L’Alef est la lettre sacrée qui ramène l’auteur à son enfance comme la madeleine de Proust. Là où l’auteur nous livre quelques secrets de sa vie intime tels que sa relation avec la calligraphie, la religion, la poésie, le corps et sa nudité, l’errance et le désir de se retrouver et d’autres. Rahimi essaye d’établir un lien entre les trois religions et les différentes cultures (Iranienne, Indienne, Française…etc.). L’Alef devient une sorte de personnage (Atiq), une métaphore de l’enfance perdue que l’auteur tente de la reconstruire à travers la calligraphie et l’écriture :

«Alef. Un geste simple. Une trace unique (…) Cette trace est un trait d’union entre moi et mes origines, entre moi et l’univers, entre mes rêves et ma vie…».

Contre toute théorie, Atiq Rahimi fait de son livre une méditation sur l’écriture, sur sa pensée. Il n’est pas question de raconter sa vie, mais de montrer à quel point l’écriture sur l’exil est impossible. Originaire des livres et des religions, l’auteur se sent étranger et seule la voie de l’écriture lui offre la possibilité de se réincarner dans la culture de l’autre. Toute création en exil est la recherche permanente de ses clefs perdues. L’écrivain se cherche avec une écriture claire et à double fond car tout à la fois symbolique, faisant référence toute à la fois à son enfance et aux mythes de la culture perse et musulmane.

Il construit un univers proche et étrange où la méditation sur l’écriture devient une nécessité artistique. Homme de la sensation, de la trace et de l’absence Rahimi est celui qui aura le mieux écrit sur la recherche de soi en exil. Un écrivain qui ne peut publier dans « L’amour soudain », un étranger qui ne peut revenir dans le pays de son enfance… La Ballade du calame est la contemplation mystique et spirituelle de l’être dans toutes ses couleurs  philosophiques et existentielles. Un dialogue de civilisation raconté par un être souffrant, un écrivain souvent métaphorique.

Outhman Boutisane

One Comment;

  1. CARVIN Mireille a dit:

    Merci Outhman Boutisane…… Ton commentaire à toi, donne envie d’en savoir davantage !!!

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