La lutte continue

La gauche au nouveau Parlement

Mohamed Khalil

Trois semaines après les scrutins législatif, régional et communal, les dernières retouches sont en cours pour former, avant 10 jours, un gouvernement tripartite composé d’un parti qui faisait partie de majorité gouvernementale sortante et deux autres formations de l’ancienne opposition.

La nouveauté, cependant, est qu’une fois n’est pas coutume, l’on recourt au trio venu en tête des élections, telles que annoncées officiellement, pour en faire le futur Exécutif. Au nom de l’homogénéité et de la cohérence, mais avec des soubassements hégémonistes et autoritaires, comme le craignent de nombreux observateurs politiques.

Depuis l’avènement de l’alternance, la tendance était de faire diluer les forces politiques, en recourant à 5 voire 6 formations qui n’ont aucun dénominateur commun à part l’attachement à la cause nationale mais que tout ou presque éloigne et désunit. C’est l’erreur fondamentale commise et répétée dans la tentative de garder la main sur un gouvernement complètement hétérogène et sans âme.

Dans cette nouvelle mouture, il y a lieu de croire que l’Etat a choisi de faire basculer, hors gouvernement, les anciennes formations de droite comptées comme une création de l’Administration. Autrement dit, les partis dits administratifs seraient abandonnés au profit de deux autres – le RNI et le PAM – néanmoins crées aussi par une volonté officielle malgré les mutations que l’un ou l’autre aura subies. Et ce sans laisser, au besoin et en cas de flop gouvernemental, aucune carte de rechange autre que celle de la gauche…

Aujourd’hui, l’on semble changer le fusil d’épaule en ne sollicitant que le trio de tête, avec 270 députés, laissant les partis de la mouvance de gauche dans l’opposition avec le PJD, sanctionné par une volonté qui ne dit pas totalement son nom, et chassé du gouvernement, après deux mandats.

L’opposition entre le quantitatif et le qualitatif

A cela, il faudra ajouter que deux partis de l’ancienne majorité – le MP et l’UC – avec 46 députés, peuvent jouer « un soutien critique », sachant qu’ils sont acquis à l’actuelle majorité et à ses causes et loin d’eux de renier leur allégeance prouvée historiquement à la cause de tout gouvernement sans un quelconque intérêt aux couleurs politiques qui peuvent le diriger.

Avec l’apport de ces deux formations, cela fera plus de 300 députés dans un hémicycle qui n’en compte que 396… qui dit mieux ?

Dès lors, l’on se demande comment sera faite  l’opposition de demain.

Et si l’on prend la seule et unique expérience réussie par l’opposition marocaine, celle de la Koutla démocratique composée, à l’époque, de l’USFP, du PI, du PPS et de l’OADP, l’on voit bien la césure opérée en son sein par l’intégration du parti de l’Istiqlal.

Il est vrai que nous sommes loin du charisme de feus Abderrahim Bouabid, M’Hamed Boucetta, Ali Yata et Mohamed Bensaïd Aït Idder… même si certains dirigeants actuels, mais pas tous, ont gardé la verve et l’âme de la gauche.

Car depuis l’abandon de la méthodologie démocratique et le renvoi du gouvernement Youssoufi II, la gauche marocaine et les forces du changement n’ont cessé de subir, sans rechigner, de cinglants revers avec les scissions politiques et syndicales, et d’inacceptables interférences, dont le but est d’affaiblir la gauche et l’opposition. Ces plans étaient assortis d’interventions flagrantes, directes ou occultes, dont les visées allaient dans le même sens.

Aujourd’hui, les mêmes tentatives ne sont pas abandonnées et l’on continue à assister à la même politique dont l’objectif est d’affaiblir toute opposition réelle et mobilisatrice et de réduire à néant toute critique même si elle vise l’intérêt général et se veut protectrice de la démocratie, des libertés et des droits de l’homme.

C’est dans cet environnement complexe et défavorable que les partis de gauche se retrouvent dans l’opposition avec un total de 58 députés … ce qui représente moins que la dotation du parti de l’Istiqlal, arrivé troisième, avec 81 députés au scrutin du 8 septembre 2021 (plus que le double de celui de l’USFP -35-, alors que les deux formations ont bien subi plusieurs mutations et écueils…), … un score loin des résultats des anciennes consultations électorales de ce que l’on appelait « les années de plomb ».

L’aubaine du changement

Mais dans cette configuration, la Chambre des représentants, à défaut d’une opposition unie – car bien des eaux ont coulé sous les ponts depuis le départ de Si Abderrahmane Youssoufi- risque de donner la part belle au trio de tête, qui a arraché sans partage toutes la majorité écrasante des instances élues aussi bien régionales que communales.

Ce « handicap » peut donner énormément de forces aux élus sérieux qui veulent le changement démocratique. Ils peuvent trouver  des soutiens y compris dans la majorité, malgré l’étiquette politique handicapante.

En tout cas c’est une aubaine pour aller de l’avant et montrer, comme durant les années de gloire, que la minorité quantitative peut être une avant-garde dans le changement qualitatif.

Car, seul bémol, le PPS a pu faire élire des militantes et des militants prouvés, tout en faisant rebiffer quelques députés sortants, rodés à l’opposition parlementaire, ce qui n’est pas toujours le cas pour les autres segments de la gauche…

Dès lors, même si l’on est en présence d’un corps d’élus dominé par le trio de tête, le droit à l’expression, à la critique, ainsi que le droit à la différence et au pluralisme sera un combat quotidien que les députés du PPS relèveront défendront avec tous ceux qui sont épris de justice, de progrès, de droit, de libertés et de démocratie.

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