«La musique est notre première langue»

Randy Weston, le pianiste de jazz tombé amoureux du Maroc et de la musique gnaoua en particulier! Arrivé au Maroc dans les années 60 où il découvre grâce à un musicien de Tanger, Abdellah Boulkhair El Gourd, la musique gnaoua, Randy Weston ne se séparera plus jamais de ce pays. Agé de 90 ans, l’Américain, dont l’amour de la musique reste inaltérable, revient toujours au Royaume, pour dit-il, en savoir davantage sur l’Afrique et la musique gnaoua, en particulier.  Nous l’avons rencontré dans le cadre du festival gnaoua qui s’est déroulé du 12 au 15 mai à Essaouira. Celui qui est considéré comme le pionnier de la fusion du gnaoua avec le jazz, le blues a donné un concert dans le cadre du festival et a drainé un public nombreux. Il se confie sur sa perception de la musique gnaoua, les secrets de la réussite de sa carrière, quoique le slogan du célèbre pianiste soit la célèbre phrase de Socrate «tout ce que je sais c’est que je ne sais rien».

Al Bayane : Vous êtes considérés comme le pionnier de la fusion jazz, blues, gnaoua. Que représente la musique gnaoua pour vous en tant que pianiste de jazz?

Randy Weston : La musique gnaoua vient en effet des grands royaumes africains, entre autres le Royaume Songhaï au Mali. Elle remonte à des milliers d’années.  Pour moi, la musique gnaoua unit et rassemble les peuples africains. Quand j’écoute cette musique, c’est que je ressens profondément. Et je sais que cette musique est à l’origine de ce que nous faisons aujourd’hui en tant que musiciens. Donc, j’essaie toujours d ‘en savoir davantage sur cette musique grâce à mon professeur Abdellah El Gourd qui m’a fait découvrir cette musique au Maroc. En effet, la musique a commencé en Afrique. Quand il n’y avait pas encore d’Europe, de Nord… les africains faisaient déjà de la musique. Et toute ma vie, je me suis donné comme objectif de trouver et comprendre l’origine de la musique.

Vous êtes  la preuve palpable des bienfaits d’une circulation facile des artistes à travers le monde. De nos jours, par contre, les artistes se plaignent des difficultés à circuler à travers le monde à cause des visas… Selon vous, quelle serait la solution à ce défi?

 Je ne sais pas. Par contre, la seule chose dont je suis certain c’est que la musique est notre première langue. Avant toutes les autres langues, la musique est notre langue par excellence. Nous devons retourner à cette vraie musique. Et en le faisant, nous rendrons hommage à nos ancêtres : grand-pères, grand-mères… Ma réponse c’est que si nous avons pu surmonter l’esclavage, nous pouvons surmonter toute chose. Nous devons retourner à nos racines. Malheureusement, aujourd’hui, notre monde est tellement matérialiste.

Quelle est la recette de votre réussite?

La première chose c’est de respecter les anciens. On est toujours redevable aux anciens. Ils ne sont pas allés à l’école; ils n’avaient pas de doctorats mais ils avaient la sagesse. Ils savaient comment survivre. Toute chose que je fais c’est par amour pour mes ancêtres même ceux que je n’ai jamais vus. Je suis très humble. Je ne suis pas expert en quoi que ce soit. Mais je continue d’apprendre. J’ai des livres chez moi que je lis pour en savoir davantage sur l’Afrique, pour découvrir ce que je ne connaissais pas avant. Quand je viens au Maroc, je vais à l’école pour sonder davantage la musique gnaoua. Quand j’entends cette musique, il s’agit pour moi d’un vrai culte à l’esprit. Aujourd’hui, malheureusement, à cause de toutes ces machines, des avancées technologiques, nous donnons peu d’importance à l’esprit. Nous devons savoir que la civilisation occidentale est récente par rapport à la culture africaine. Moi je continue d’étudier et d’apprendre sur la culture africaine, même à mon âge.

Danielle Engolo

Top