L’abstention est mère de tous les vices

Malgré l’amélioration du taux de participation, l’abstention aux élections du 8 septembre 2021 est restée importante. Un peu moins que la moitié des inscrits sur les listes électorales ne s’est pas déplacé pour voter.

Que l’on se comprenne, si cela n’obère en rien la validité des scrutins précités, il reste que, dans le contexte de notre processus démocratique méandriforme, cette « défaillance citoyenne ou expression démocratique ? », mérite une attention particulière et nécessite une prise en charge multiforme de la part de tous les acteurs du champ politique national. Il ne suffit pas d’en parler pendant la période électorale, mais autant qu’il faut afin que la défaillance citoyenne soit mineure par rapport à l’expression démocratique participative et responsable.

Quantitativement cela fait, pour les dernières élections pour le renouvellement des membres de la Chambre des représentants, des conseils communaux et des conseils régionaux, 8 847 362 de marocain(e)s qui se sont retenu(e)s à exprimer leur choix dans le cadre du processus démocratique que connait le royaume du Maroc. Ils étaient plus nombreux à le faire lors des échéances précédentes.

Qualitativement, et sans prétendre à faire œuvre de sociologie politique, on suivra Anne Muxel (2008) en distinguant « les abstentionnistes « dans le jeu politique » et les abstentionnistes « hors du jeu politique ».

Dans le jeu politique, on retrouve les démunis, celles et ceux qui souffrent le plus des inégalités sociales et dont le premier souci est de survivre. Une partie de ces laissés-pour-compte du néolibéralisme, résistant à ses affres et préservant leur dignité, n’ira pas voter. Déception, ignorance, incapacités de mobilité… et autres causes sont à l’origine de cette abstention. 

à cela s’ajoute une grande partie de jeunes qui auraient par leur participation configurer les résultats annoncés autrement. Ce/cette jeune se veut « affranchi des modèles d’identification partisane, relativement critique et exigeant à l’égard de l’offre politique ». Dans un attentisme navrant de conditions démocratiques idéales pour enfin participer et investir le jeu politique, ces jeunes se complaisent dans ce rôle de spectateur devant un écran rêvant de zapper complétement en allant voir ailleurs.

Participe aussi à cette abstention, une grande partie de la « classe moyenne », déçue de la politique et n’y croyant plus. Tout en profitant des avancées du processus démocratique, elle se sent « lasse » par ses méandres imposés. Elle se sent inutile dans ce « jeu politique » qui ne lui convient pas. Aigrie par ses déconvenues, elle ressasse ses espoirs non réalisés dans la transformation de la société et l’établissement de la justice sociale, la suprématie de la loi et le renforcement des libertés individuelles et collectives.    

Dans le hors-jeu se retrouvent, aussi peu nombreux qu’ils soient, les héritiers orphelins du nihilisme et de l’aventurisme ; les blanquistes et les anarchistes de tout bord. Faisant abstraction de la réalité, et prétextant le respect « des principes révolutionnaires », s’alliant avec l’extrême obscurantiste, ils se comportent en refuznik et trouvent dans l’abstention l’occasion « d’aller à la plage » au lieu de contribuer au changement pacifique des rapports socioéconomiques et politiques dans la société. Des « casseurs » incapables d’assumer leurs choix, à moins qu’ils soient en service commandé pour certains.

Le reste, se donnant un droit de préemption politique sur les autres, regardant toujours et en permanence dans le rétroviseur, aveuglés par leurs ambitions démesurées et illégitimes, égoïstes et hypocrites, ils deviennent les détracteurs attitrés des forces vives de la nation, en se terrant et en voulant « manger l’ail de la bouche des autres ». Opportunistes, parfois de gauche, parfois de droite, ils usent de la surenchère, de l’amalgame et de la diffamation pour se donner une posture.

L’abstention, dans le cadre du contexte marocain, constitue un handicap pour les forces de progrès et une faiblesse du changement démocratique. L’évolution de la décision électorale dans le champ politique national, en asséchant toutes les voies de la fraude, en clarifiant autant le discours que les repères du choix électoral et en encourageant une participation engagée de la majeure partie de la population œuvrera à la consolidation du processus démocratique, à l’émergence économique du pays et au renforcement de sa résilience devant les défis qui lui sont imposés. Une forte cohésion sociale accompagnera et facilitera la transformation de la société ; car, l’abstention est mère de tous les vices.

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