Latif Lahlou: Un film sur le  mouvement du 20 février

Le cinéma au cœur de la campagne électorale

Quelle est votre appréciation de la présence de la politique dans le cinéma Marocain?

La politique est très présente dans le cinéma Marocain même si depuis 2 ou 3 ans les thèmes des films sont moins politisés directement par ce qu’il y a des pressions directes et indirectes sur les auteurs pour s’orienter plus vers les films comiques et les comédies « sociales» anodines….Mais cela est un autre aspect du problème…

Le fait qu’il y a peu de cinéastes politisés ou ayant une formation politique correcte, fait que certaines approches politiques dans quelques films sont souvent timides et simplistes reprenant des poncifs sous forme de clichés désuets…

Mais il y a de beaux films ou les thèmes abordés et la facture esthétique étaient de haut niveau…

Aborder un thème à résonance politique ne veut pas dire présenter nécessairement des idées dans une forme de discours haranguant l’auditoire mais présenter une construction dramaturgique qui expose des contenus politiques qui amèneront le spectateur à réfléchir  et à se construire une opinion personnelle.

Dans mes films, il y a toujours un arrière plan politique quand il ne s’agit pas de films entièrement construits sur des thèmes politiques. (La Compromission, L’anniversaire, Mur de Sable).

En fait, chaque acte important de notre vie constitue en totalité ou en partie un acte politique.

Quel regard portez-vous sur la présence du cinéma dans la politique marocaine ?

Si un certain nombre de cinéastes accordent une place significative à la politique dans leur film, les politiciens n’accordent pas l’importance voulue au cinéma dans leur action…Et c’est un grand tord par ce que le cinéma a assimilé des pouvoirs pris à tout le savoir humain et reste l’expression  du dynamisme du monde qui change.

Le cinéma est une somme de tous les arts et à ce titre il constitue un moteur de l’évolution de la société. Nos politiciens ne se rendent pas compte, l’impact du cinéma et de l’audiovisuel en général sur l’affecte du public…Cela ne veut pas dire qu’il faut utiliser les cinémas pour « conditionner » le spectateur mais tenir compte de l’influence des messages véhiculés par le film pour utiliser la communication à bon escient.

Le cinéma en tant qu’art et moyen de communication subtil et profond est un vecteur important du développement culturel, c’est-à-dire du développement tout court. Ne pas lui accorder l’importance qu’il mérite constitue un manque chez nos politiciens qui confondent souvent culture avec divertissement…

Y-a-t-il une personnalité, un fait, un événement, une scène de la vie politique de ces dernières années qui pourrait à votre avis inspirer un scénario pour le cinéma ?

Oh que oui. Une profusion …..Mais à mon humble avis, il est impératif de ne pas laisser passer l’occasion de faire un film sur le mouvement du 20 Février parce que cet événement marque à jamais notre histoire nationale et constitue un événement qui conditionne  le développement politique de notre société.

Même si le mouvement du 20 Février  n’a pas abouti à la concrétisation de toutes les revendications, il a fait bouger les « choses » en permettant une nouvelle constitution progressive par rapport à celle d’avant. Mais en même temps le mouvement a montré ses limites par ce que ses revendications n’étaient pas réfléchies, précises, ciblées, et le mouvement n’était pas encadré par un ou plusieurs partis politiques organisés et à même de formuler un programme précis et concret et mener une action organisée pour le changement.

A mon avis, il serait pertinent de faire un ou plusieurs films sur ce mouvement en laissant à ses auteurs une liberté totale de création et en leur donnant des moyens matériels de mener à bout leur travail.

Ce film contribuera certainement à une réflexion citoyenne de notre histoire contemporaine ; il pourra être un livre ouvert permettant à chaque spectateur d’approfondir et aiguiser ses propres convictions.

S’il y a une revendication ; une grande réforme, une requête à présenter aux futurs parlementaires (une seule….) elle serait la quelle ?

On pourrait imaginer grouper toutes nos revendications dans un code du cinéma qui mettrait  de l’ordre dans le cafoui actuel.

Mais si vous me demandez une seule réforme, je dirai celle du réseau d’exploitation des salles de cinéma.

Ma proposition est simple à formuler et tout à fait possible à réaliser ; édifier une salle multifonction dans chaque commune (urbaine ou rurale) de plus de 20 000 habitants. (Cinéma, théâtre, concert, expositions, danse, conférences etc…)

Mohammed Bakrim

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