Le déconfinement entre inquiétudes et espoirs

Par : Pr. Hamid Lakhiari*

Dès son apparition en décembre 2019, le coronavirus baptisé COVID-19 a déchaîné les passions et une controverse est née opposant deux clans.

Les uns affirment que le virus est le Mal qu’il faut combattre. Il est à l’origine de tous nos maux sans qu’on sache d’où il sort. Autrement dit, la source de nos maux est exogène à notre système, alors acceptons et attendons que ça passe.

Ceux qui remontent aux racines de la catastrophe et rappellent que si le système de santé, la recherche scientifique, l’enseignement supérieur et l’industrie n’avaient pas été systématiquement abandonnés et détruits depuis des années, on serait sans doute mieux équipés pour faire face. La source de nos maux est endogène au système.

Ce virus inconnu, aux multiples visages, a créé une certaine cacophonie au sujet de son origine « naturel ou génétiquement modifié » et une polémique sur sa virulence « virus létal ou simple grippette », sur le mode de transmission « masque ou sans masque », la nature du traitement « pour ou anti-chloroquine », etc. On nous dit les choses et leurs contraires tous les jours de la semaine et pendant les mois qui passent. Impossible d’éviter donc le bourrage de crâne médiatique à propos de la propagation du coronavirus. Même en évitant soigneusement de regarder les journaux télévisés, les messages arrivant des réseaux sociaux nous plonge inévitablement dans l’omniprésence d’un fardeau qui s’abat sur nous générant un sentiment de peur, d’incertitude et de désarroi.

Cette confusion s’ajoute à la situation exceptionnelle du confinement qui peut affecter les personnes sur le plan physique, mais également sur le plan psychologique. Certaines personnes peuvent avoir l’impression d’être contaminés par le COVID-19 et peuvent même développer de faux symptômes du coronavirus. En effet, lorsqu’un individu stressé est trop préoccupé par sa santé, il peut avoir des signes ressemblant à ceux du coronavirus, notamment de la fièvre, de la toux et des douleurs thoraciques. Les médecins généralistes rencontrent régulièrement ce type de patients.

Afin de se défaire de ces faux symptômes, il est conseillé de consulter un psychothérapeute, si la personne est testée négative au COVID-19 et si les symptômes sont de nature psychosomatiques.

Les personnes qui s’inquiètent trop et d’une manière permanente risquent plus que les autres d’attraper le coronavirus. Cela vient du fait que le stress stimule une sécrétion élevée d’hormones de type adrénaline et cortisol. La sécrétion prolongée de ces hormones peut affecter le système immunitaire. La sensation de stress est bien incrustée dans notre cortex préfrontal, selon les neuroscientifiques, et est alimentée par nos pensées anxieuses. Pour s’en défaire de cette psychose, la clé est peut être à la fois de la manière dont les spécialistes et les médias choisissent de présenter les choses, et également dans ce que notre cerveau qui écoute toutes ces analyses choisit de retenir, consciemment ou non.

Pour limiter la propagation de ce coronavirus et en l’absence de traitement ou de vaccin, différentes mesures ont été imaginées. Parmi lesquelles les mesures barrières de type collectif (fermeture des lieux de rassemblement des populations, fermeture des frontières…) mais aussi des actions individuelles (règles d’hygiène élémentaire et collective, …).

Lorsque les mesures barrières sont insuffisantes ou pas respectées, la contagion se transmet beaucoup plus vite d’un sujet à l’autre. Le pic est atteint plus rapidement, d’où le risque d’avoir, à un moment donné, un spectacle désastreux qu’on cherchait à éviter : la décadence de notre système hospitalier, avec les médecins et infirmiers débordés, les malades couchés dans les couloirs, les évacuations des morts par centaines. Un tel scénario catastrophe plongerait alors le pays dans une crise sans précédent.

Le confinement et le port du masque restent donc la seule réponse pour faire face à cette crise sanitaire et stopper la propagation trop rapide du coronavirus. L’autre réponse, ce sont les dépistages. Le nombre de laboratoire accrédité pour réaliser des dépistages a augmenté récemment au Maroc. Ainsi, évidemment, le nombre de malades identifiés positif au COVID-19 augmentera. Donc l’augmentation constatée par le Ministère de la santé n’est nullement inquiétante. Mais dans ce cas, puisqu’on dépistera plus de patient, on les prendra en charge très tôt, ce qui permettra de mieux contenir les contaminations et la propagation du virus.

Le confinement ne permet pas de faire disparaître le virus. Il limite seulement sa propagation et retarde le prochain pic épidémique pour éviter, au maximum, l’engorgement du système hospitalier.

Mais alors comment allons-nous sortir du confinement et retrouver une vie « normale »? Le monde est dans une impasse : il ne peut simplement déconfiner les populations sans risque et ne peut les garder éternellement confinées sans risque non plus!

A quel moment les pouvoirs et les populations pourront-ils se sentir rassurer ? Lorsqu’il n’y aura plus de malades?

Aucun délai réaliste de sortie de confinement ne peut être avancé avec certitude. Des dates ont été annoncées, puis repoussées dans presque tous les pays du monde. Peut-être même pas de sortie sans vaccins et puis même, le virus peut muter!

Il faut donc dépister systématiquement toutes les populations pour détecter les éléments malades qui sont potentiellement contagieux ; ces malades qui sont désormais définis par leur immunité, qu’il va ainsi falloir isoler.Il faut donc avoir un sésame immunitaire, c’est-à-dire être immunocompétent contre le COVID-19 pour être déconfiné!

Or, pour réaliser des tests massifs il faut s’approvisionner en réactif sur le marché international (en Chine et aux États-Unis) dont les sites de production sont saturés de demandes.

Les personnes ayant contracté le virus et qui se sont rétablies, développent normalement des anticorps pour combattre le virus qui pourraient être leur bon de sortie du confinement.

D’un autre côté, il est de plus en plus probable que le taux d’infection des personnes asymptomatique (personnes contaminées par le COVID-19 n’ayant pas développées de signes cliniques) pourrait être beaucoup plus élevé que prévu. Dans ce cas, la gravité et le taux de mortalité pourraient être beaucoup plus faibles, et nous pourrions être plus proches d’une immunité collective. Des tests d’anticorps très précis sont en cours de production, ce qui permettra, espérons-le, de répondre définitivement à cette question primordiale.

Par ailleurs, plusieurs traitements contre le Covid-19 sont en cours d’essai clinique incluant des dizaines de milliers de patients dans le monde entier. Une fois ces tests terminés et leurs résultats évalués, qu’une ou plusieurs thérapies pourront officiellement être validées. Cet espoir de traitement donnera la possibilité au Ministère de la santé d’adopter un protocole de traitement et d’autoriser les médecins de ville à ausculter les patients et à le prescrire, à défaut de test, sur la base d’observations cliniques.

Cette action conjointe permettra de désengorger les hôpitaux et le contrôle des flux des cas suspectés et/ou contaminés, ceci dans le but de freiner la propagation du virus et ouvre la voie à un déconfinement rapide.

Alors après une période de stress, d’isolement, de peur de l’autre, puisque le danger vient de l’homme, nous pourrons enfin trouver notre liberté. On pourrait imaginer un monde dans les prochains mois où tout le monde serait testé et où tous retourneraient à une vie certes au début socialement distancée mais plus normale.

*Génie Biologique & Médical

FST Mohammedia, Université Hassan II de Casablanca

Membre du Bureau National du Secteur de l’Enseignement Supérieur du PPS

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