«Le milieu culturel québécois est très fermé»

Pour la comédienne et  actrice, Houda Rihani le Canada est le seul pays qui ouvre ses portes pour ceux qui veulent immigrer. Mais ce pays n’est pas un eldorado pour les artistes, puisque «le milieu culturel québécois est très fermé, les chances pour y percer sont minimes. Il faut travailler dur pour se faire connaître», nous confie l’actrice récemment honorée au festival International du film de femmes de Salé.

Al Bayane: La dernière édition du FIFFS a mis à l’honneur votre parcours artistique. De prime abord, que représente cet hommage pour vous?

Houda Rihani: Cela a beaucoup de significations pour moi! Une reconnaissance, une appréciation, un encouragement pour ce que j’ai fait durant mes 22 ans de carrière et pour ce qui viendra dans le futur. C’est un beau signal qui me dit que je peux être fière de mon travail parce qu’il est apprécié par le milieu culturel et cinématographique, plus particulièrement.

Vous faites partie des artistes marocains  qui  ont immigré au Canada. Pourquoi ce pays ?  Peut-on le considérer ainsi  comme un eldorado pour les artistes, notamment de chez-nous?

Pourquoi choisir le Canada pour y vivre, c’est juste parce que c’est le seul pays qui ouvre ses portes pour ceux qui veulent immigrer. Je ne connaissais pas le Canada, ou le Québec plus précisément avant. L’Eldorado pour nos artistes, non pas du tout. Il faut savoir que le milieu culturel québécois est très fermé, les chances pour y percer sont minimes. Il faut travailler dur pour se faire connaître ; il faut prouver ses compétences, se former, développer son réseau, trouver le bon agent… Bref, c’est un travail de longue haleine, j’en connais qui ont abandonné. Par contre, là où je vis, à Montréal, c’est une métropole culturelle par excellence, il y a une multitude de programmes et d’événements culturels offerts chaque jour et durant l’année. Les Québécois sont des consommateurs culturels.

Parler-nous un peu de votre expérience dans ce pays d’accueil?

Arrivée ici, j’étais confrontée à la dure réalité de la non-reconnaissance de la formation académique que j’ai en théâtre et mon expérience de comédienne par l’Union des artistes, qui est le syndicat des artistes au Québec. Et comme j’avais le besoin de pousser un peu mes études, et ce, même avant de venir au Canada, je me suis inscrite à HEC Montréal pour faire des études supérieures spécialisées en gestion des organismes culturels. Mais avant cela, j’avais fait une formation de 4 mois : coaching d’affaires pour femmes artistes, qui m’a permis de connaître un peu le milieu culturel québécois et m’initier à l’entrepreneuriat culturel. En même temps, j’ai réussi à trouver une agente d’artiste qui m’a permis d’avoir ma première participation dans une série télé Québécoise. Actuellement, je gère deux carrières en parallèle, celle de la comédienne et celle de la gestionnaire culturelle, j’apprends beaucoup de choses, j’ai envie de pousser encore plus loin mes études et aller vers une maîtrise en management culturel, c’est un milieu que je trouve très stimulant et qui me convient parfaitement. Mais c’est ma carrière de comédienne que je privilégie.

Dernièrement, une migration massive des artistes marocains aux Émirats arabes unis a suscité un débat sur la toile. Qu’en pensez de ce nouveau phénomène?

À ma connaissance, il s’agit de contrats de travail pour une durée déterminée aux Émirats. Je n’y vois aucun inconvénient. Nos artistes formateurs ont eu une opportunité alléchante qu’ils n’ont pas eue au Maroc, c’est légitime de l’accepter.

Quel regard portez-vous sur le rôle de la femme dans le cinéma marocain?

La femme dans le cinéma marocain!!! La femme en tant que rôle principal dans un scénario? La femme en tant que réalisatrice? Productrice? Cheffe opérateur? Régisseuse?… Dans tous ces départements, on n’est pas en mesure de parler de parité femme-homme, l’écart dans le nombre, dans la présence est  considérable. Mais les choses avancent doucement, mais sûrement, je suis optimiste parce que le débat est ouvert, il faudrait que le bailleur de fonds, qui est le centre cinématographique marocain et le ministère de la Culture et des Communications appuient le débat et prennent une position claire vis-à-vis de cette parité. L’écriture des rôles pour les femmes est à revoir aussi, quelle image a-t-on besoin de montrer de cette FEMME MAROCAINE, dans notre imaginaire collectif, comment parle-t-on de cette femme? On veut combattre le harcèlement envers les femmes, l’art et le cinéma sont le bon médium pour aider à changer et à corriger l’image que la majorité a, consciemment ou inconsciemment, de la femme.

Propos recueillis  par Mohamed Nait Youssef

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