Le rétroviseur

Par : Abdeslam Seddiki

L’histoire doit être vue comme un rétroviseur. On y regarde pour mieux avancer et pour éviter des accidents de parcours. Alors qu’on s’apprête à faire notre adieu à l’année 2018 qui fera désormais partie de notre histoire, il n’est pas sans intérêt de faire une brève rétrospective pour tirer les enseignements de ce qui a été réalisé et de ce qui ne l’a pas été avant de  jeter un regard prospectif sur la nouvelle année qui commence et qui constitue le passage vers la troisième décennie de ce XXIème siècle.

Bien sûr, une année correspond dans l’échelle historique à un courte période. Elle relève du court terme. Et par conséquent, on ne peut pas objectivement apercevoir les changements qui pourraient éventuellement s’y produire.  C’est pour cela que pour le citoyen lambda, il ne voit rien venir. Pour lui, tous les jours et toutes les années se ressemblent surtout lorsque les accumulations quantitatives se font au compte goûte  et ne produisent pas un ressentiment positif chez la population.  Le changement, qui se produit par une mutation qualitative de la société, n’est appréhendé que sur une échelle historique longue.  Comme dans «le long terme, nous serons tous morts» selon l’expression de Keynes, les gens sont intéressés surtout par le court terme.  C’est un paradoxe réel qu’il faudra prendre en considération dans la mise en œuvre des politiques publiques : comment  faire face aux besoins du court terme tout en alimentant l’espoir sur le long terme?

D’ailleurs, un examen attentif des données statistiques de l’année 2018, telles qu’elles ont été mises à jour  par Bank Al Maghrib (www.bkam.ma) dénote une certaine continuité, voire une ressemblance,  par rapport à l’année précédente.  Qui plus est, même en intégrant les prévisions de 2019 et 2020, on ne voit pas de changement majeur ni d’une inflexion de tendance apparente : les taux de croissance varient dans une marge étroite de 3-4%; les taux d’inflation oscillent entre 1-2%; le déficit budgétaire,  à son tour,  demeure contenu au-dessous de la barre des  4%; le déficit du compte courant se situerait autour de 5% ; celui de la balance commerciale autour de 20%; nos réserves de devises permettent de couvrir un peu plus de 5 mois d’importations de biens et services ; le chômage se maintient à son niveau  quand il ne s’aggrave pas pour certaines catégories sociales ; le SMIG reste gravé sur une plaque de marbre depuis 2015…

Au-delà des statistiques qui, comme on vient de le voir, n’apportent pas grand-chose,  du moins sur le court terme, que retenons-nous de l’année 2018 ? Elle restera l’année du lancement de la LGV –Al Boraq- reliant Tanger et Casablanca. Ce projet est unique en son genre sur le continent africain et fait partie des grands chantiers structurants qui ont vu le jour au cours des deux dernières décennies.  Mais ces mégaprojets, nonobstant leur utilité évidente et indiscutable,   sont comme l’arbre de l’olivier : ils ne commencent à donner leur fruit qu’à partir de cinq ans au minimum.  D’où certaines réactions émanant des «cassandre» et de quelques milieux nihilistes  qui n’y voient que poudre aux yeux !! Mais Al Boraq est là. Il roule allégrement. Il faut simplement espérer qu’il y en aura à l’avenir d’autres!!

L’année 2018 restera aussi, et c’est bien dommage, celle de trois «ratages» de la part du gouvernement : celui de la réforme de la formation professionnelle d’abord, le gouvernement après avoir bénéficié d’une session de rattrapage, s’est vu rejeter le produit remis pour incohérence dans la méthode et insuffisance dans l’optique ; celui de l’organisation des assises nationales sur la problématique de l’emploi-formation ensuite. Prévu initialement pour clôturer l’année 2018, cet événement est renvoyé en fin de compte à une date ultérieure. Comprendre aux calendes grecques !  Celui du dialogue social enfin. Ainsi,  on vient de vivre une nouvelle année blanche,  bien que le terme ne soit pas bien  approprié, qui vient s’ajouter aux années précédentes au grand dam des travailleuses et travailleurs  de ce pays et à notre  paix sociale. Trois rendez-vous loupés maladroitement et qui  concernent tous des domaines vitaux pour l’avenir de notre pays et  de notre  jeunesse!!

On retiendra également de l’année 2018 celle du premier attentat terroriste commis sur notre territoire depuis  celui de 2011. L’attentat perpétré par des éléments appartenant à  la nébuleuse terroriste Daesh, ayant coûté la vie à deux jeunes innocentes touristes scandinaves, constitue plus   qu’un avertissement.  Il montre,  à n’en point douter, qu’aucun pays n’est à l’abri du danger terroriste qui utilise tous les moyens pour tuer des innocents et semer la peur en s’attaquant aux fondements et valeurs  de la civilisation universelle. Notre pays se doit d’y faire face avec détermination et se montrer toujours plus vigilant. Tous les moyens doivent être déployés pour que plus jamais le terrorisme ne sévisse sur notre territoire. Le mal doit être extrait à sa racine!!

Œuvrons ensemble pour  capitaliser les  acquis et corriger les «ratages». Nous disposons d’une chance, peut-être historique, pour y parvenir. Celle de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement auquel le peuple marocain, toutes composantes réunies, est très attentif. Un rendez-vous à ne pas   manquer !! En 2019…

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