Le soufisme repose sur la paix intérieure

de  plusieurs  chercheurs  et  dignitaires spirituels venant de différentes régions du monde dont le penseur jordanien illuminé Mehdi Fikri Al Alami, Secrétaire général de l’Association Al Alami en Jordanie qui a fait une communication sur le Thème «Al Alami à Jérusalem» . Entretien

Comment appréciez-vous ce forum mondial à caractère culturel et civilisationnel ?

La tenue de  ce premier forum mondial initié par Abdelhadi Baraka, Doyen des Chorafas Alamyine,  est une opportunité historique pour remettre en valeur le rayonnement spirituel de la Tariqa Shadhiliya  à l’échelle mondiale grâce à la pensée éclairée de la personnalité spirituelle exceptionnelle de Moulay Abdessalam Ibn Mashish et de son disciple Abou Al Hassan Al-Shadhili. C’est tout un système de valeurs humaines qui a dépassé l’espace-temps et les contraintes d’ordre racial via des œuvres, des actions et des voyages accomplis pour la diffusion  de la lumière et de la voie doctrinale de cette grande école au sein de laquelle des personnalités spirituelles se sont élevées. Dans  ce cadre thématique, j’ai fait une communication sur  le thème «Al Alami à Jérusalem», en mettant l’accent sur le rôle dynamique joué par Al Alami dans la promotion et le développement de divers  secteurs sociétaux  ainsi qu’à la percée de la personnalité de Moulay Abdesalam en Palestine, tout en sachant que  le nom de ces descendants de  Jbel Aalem au Maroc est associé à Jbel Tour à Jérusalem : deux  monts symboliques qui incarnent les représentations les plus limpides  des valeurs de l’amour et de la reconnaissance mutuelle entre humains. Sur ces valeurs communes, les dignitaires de cette voie ont pu participer à la constitution d’un dialogue véritable et constructif entre les religions et  ont su réaliser des avancées substantielles pour l’humanité contre tous les dangers menaçant son existence

Quelles sont vos attentes par rapport à cette rencontre interculturelle et interreligieuse?

Je suis persuadé que  cette rencontre placée  sous le signe  «Min Jbel el Alem ila al Alem : De la montagne Alem vers le monde : Spiritualité et mondialisation», est une plate-forme scientifique et objective pour débattre toutes les formes d’enclavement restreignant l’instruction de dossiers cruciaux qui tourmentent l’humanité d’aujourd’hui, à savoir l’intolérance, la haine, l’occupation, la guerre, les crises spirituelles et matérielles, l’intégrisme et toutes les formes de séparation et d’obscurantisme aveugle. Il est temps de repenser notre vision d’unité entre les peuples et les nations, en tablant sur la spiritualité qui a toujours été  pour le monde arabo-musulman le moteur et la condition sine qua non de son développement durable, car elle met en œuvre les énergies afférentes à l’être humain, longtemps omises. Nous sommes tenus de capitaliser  les jalons de l’école Mashishia Shadhiliya en tant qu’un pole spirituel et existentiel dont la gnose a dépassé les confins de l’esprit.

Quelles sont les caractéristiques de l’école Mashishia Shadhiliya dont le rayonnement spirituel s’est propagé dans l’espace et dans le temps, dépassant toute forme de contrainte, ayant ainsi une  portée universelle?

Le Maroc est  depuis des siècles considéré un phare de la communication spirituelle promulguant des valeurs et des orientations de paix, de tolérance et de concorde. Dans ce contexte, l’école Mashishiya Shadhiliya, a joué un rôle primordial dans  le dialogue des religions et a œuvré pour l’unité arabe et islamique. Elle a soutenu également la cause palestinienne sur tous les plans. Cette école, riche en termes de spiritualité et de citoyenneté universelle, se base sur l’amour et met en valeur le patrimoine commun humain. Par-delà,  elle tend en permanence à enraciner l’union entre les humains et, a fortiori, entre des pays liés par la religion, la langue, la culture, le destin…  Par ailleurs, la voie Shadhiliya-Mashishiya a contribué à éliminer les obstacles à l’apparition  d’une nation arabe et islamique unie, forte spirituellement et socialement. Il s’agit d’un carrefour  spirituel qui insiste sur l’esprit commun d’une part, et sur les vertus de l’amour, du for intérieur et du cœur d’autre part.

Comment le soufisme peut-il permettre à l’homme de voler des deux ailes, la spirituelle et la matérielle ?

Le soufisme  se veut la religion d’amour  qui repose sur la  paix intérieure. C’est une pensée humaniste  qui accorde une grande importance à la valeur humaine car tout être humain porte en lui le souffle divin et tout être est une créature divine.  Elle  se base, donc,  sur le référentiel humain commun et essaie de bien gérer   les différences et les contradictions afin de résoudre les  conflits et les divergences.

Quelles sont les propositions que le soufisme peut faire pour rétablir l’équilibre existentiel du monde moderne ?

Le soufisme au sens plein du terme  consolide les valeurs  sures de citoyenneté qui se basent sur l’origine commune et partagée des êtres humains… C’est un dialogue ouvert et tolèrent  entre les cultures et les religions qui dépasse les conflits inter confréries. Malheureusement, la mondialisation  actuelle n’a pas pu s’orienter vers l’homme dans ses différentes dimensions (matérielles, spirituelles et culturelles…), elle s’est focalisée sur la dimension matérielle  sauvage. Elle a besoin d’une rationalisation pour envisager l’homme dans ses différentes dimensions, en tant qu’entité  multidimensionnelle qui renferme un besoin spirituel et culturel d’où le rôle incontournable du  soufisme en tant qu’un état pure d’esprit et une pratique.

Quel est l’apport de l’interculturalité dans le dialogue des civilisations ?

Il s’avère très important de souligner que le dialogue interculturel  est   l’une des grandes voies initiatiques du dialogue intercivilisationnel. Le Maroc se présente comme un exemple pilote dans ce sens. C’est un pays  doté d’une longue tradition d’ouverture internationale. Nous considérons le l’interculturalité comme une plate plate-forme  incontournable basée sur  la communication  dynamique entre les communautés spirituelles pour mieux «se connaître» et agir ensemble pour «déjouer les tensions»  qui peuvent survenir entre les peuples et les nations, et ce face aux incompréhensions, aux intolérances et aux exclusions. C’est un déclic pour la construction d’un regard tolèrent sur le destin de l’humanité. Ainsi, nous désirons partager le même esprit d’ouverture, de disponibilité spirituelle, d’accueil de la richesse de l’autre, et de respect de son identité profonde. Le but de l’interculturalité est une exploration profonde de l’intériorité et de l’altruisme, conduisant à l’éveil spirituel  et à  l’accession à un état de conscience collective.

Un mot sur la spiritualité ?

Il est à rappeler que la spiritualité n’est pas limitée à une démarche conceptuelle ou dogmatique. L’expérience spirituelle (ou expérience mystique), par la recherche d’intériorité, de connaissance de soi, de transcendance, de sagesse, ou de dépassement des limitations de la condition humaine  est indissociable de la démarche intellectuelle. C’est pourquoi la spiritualité débouche généralement sur des démarches émotionnelles et mystiques, cherchant à générer une expérience transcendante, une relation (selon l’une des étymologies de religion) avec Dieu, le Soi, la Conscience, l’Âme, le Monde, le Devenir etc.

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