«L’eau coulait devant soi… taraudé de soif comme scarifié par le feu»*

La population de l’Oulja, aux environs d’Azemmour, croyait que la chanson de Bahija Idriss, «L’eau coulait devant soi … taraudé de soif comme scarifié par le feu»*, était une allusion au sentiment de l’amour dans le respect du contexte d’alors. Elle se rend compte, dans le contexte actuel, que l’allusion relève du réel vécu par le manque d’eau, chaque jour davantage.

Cela semble paradoxal; car, l’environnement est marqué par la proximité de l’océan Atlantique et la présence de l’Oum Er Rbia dont l’estuaire constitue la limite méridionale de cette zone côtière. Dans cette dépression abritée de l’océan par un cordon dunaire généralement fixé, Les terres y sont légères et sont traditionnellement affectées aux maraichages de primeurs.Sa vulnérabilité à l’intrusion saline est reconnue depuis longtemps suite à la surexploitation et au déstockage de l’aquifère.

Les puits sont relativement nombreux et généralement, ils sont équipés en motopompes. Les précipitations variant d’une période pluvieuse à une période sèche, l’évapotranspiration augmentant avec la hausse de la température, l’alimentation de la nappe se trouve non assurée ; alors que l’usage de l’eau en agriculture s’est accru par l’introduction de nouvelles cultures comme celle du clémentinier, du bananier, de l’avocatier, de la papaye ou celle des roses et des œillets et autres fleurs.

La dégradation de la qualité de l’eau va s’accentuer suite à la construction d’une digue sur le cours aval de l’Oum er Rbia en 1984. Cet obstacle, la digue d’Addakhla, devrait arrêter l’intrusion marine pour permettre le pompage de l’eau nécessaire à l’alimentation en eau potable d’El Jadida et de ses environs. L’influence océanique va devenir plus importante dans l’estuaire alors quele biseau salé, marque de la transition eau salée-eau douce, s’engagera plus à l’intérieur des terres de l’Oulja, suite aussi aux activités extractives du sable, particulièrement par dragage à l’embouchure de l’Oum er Rbia, entamé début 2003, et à Lakouahi et à Tagourrant ou,ces derniers jours,plus à l’intérieur des Chtoukas, au vu et au su de tous pendant la nuit, dans un pillage que personne ne veut sanctionner selon les dispositifs de la loi.

Les gens de l’Ouljacrient maintenant leur soif après avoir raclé les fonds de puits secs. Ils ont quémandé de l’eau à ceux qui en avaient. Ils en ont acheté aux transporteurs d’eau, sans les outres mais avec des bidons et en triporteurs.  Ces solutions ont vite trouvé leurs limites car dans la pénurie, «les habiles gens savent se servir de ce qui leur manque».

La quête de l’eau a débuté chez le voisin qui possède un « château d’eau » pour recueillir l’eau de pluie. Malgré les impuretés qu’elle contenait, cette eau ne pouvait suffire à tous. En acheter alors? Sauf, que très vite, les vendeurs d’eau trouvaient plus de difficultés pour s’approvisionner. Ainsi dans une zone côtière où la promotion immobilière est active, les usages compétitifs de l’eau conduisent à produire de la richesse sans que l’usage domestique de la ressource ne soit assuré. Les primeurs, les légumes, les fruits et les fleurs sont produites pour être vendues ici ou ailleurs, sans que l’approvisionnement en eau potable ne constitue la priorité, malgré ce que prévoit la loi 36-15sur l’eau.

C’est là un exemple, parmi d’autres, où le stress hydrique, s’ajoutant aux effets de la covid-19, montre les « décrochements » de notre développement qui fait des besoins de l’autre, soient-ils alimentaires, esthétiques ou autres, sa priorité sans se préoccuper des personnes in situ qui créent cette richesse, au risque qu’elles restent dans la pauvreté et le dénuement.

C’est cette inégalité de ne pouvoir disposer d’une infrastructure, d’une ressource proche par son gisement mais lointaine par son accès, qui est devenue intolérable. Qu’il s’agisse de l’eau, du savoir, de la santé, de la route goudronnée, ou de toute autre chose contribuant au bienêtre.

Inégalité criante à tel point que la personne vit «ce manque» comme une marginalisation, une punition, une volonté de la maintenir dans un état d’indigence pour pouvoir l’exploiter encore plus.

Il faut dire aussi que cette personne Lambda, par son comportement, pourrait avoir une part de responsabilité civique dans la problématique de la soif que vivent ses compatriotes de l’Oulja.

Car ; la pose de conduites d’eau a été effectuée ; que des réservoirs, des stations de pompages et des fontaines publiques ont été aménagés. Sauf que les équipements nécessaires à l’adduction de l’eau, installés à l’origine, n’ont pas pu résister et qu’il a fallu les remplacer (sic !). A cela s’ajoute la répartition des points d’eau installés selon des critères autres que ceux qui devaient prévaloir pour permettre à tous d’avoir la possibilité de se servir.L’électoralisme biffe l’aménagement du territoire ! Il reste aussi que la qualité de l’eau servie semble souffrir, dans certains cas, de sa couleur et de son goût. Cela a fait apparaitre un commerce de l’eau sur la base du bidon!

D’autre part ; l’usage agricole de l’eau, objet de subventions allouées sans aucune gestion concertée entre les départements concernés, a contribué fortement à la surexploitation de l’aquifère et à sa dégradation. Le transfert d’eau vers la zone agricole par l’aménagement d’un canal depuis l’Oum Er-Rbia, suite à un contrat de partenariat public-privé,n’a pu démarrer par ces temps de sécheresse. Selon des rumeurs qui restent à confirmer, l’Agence du Bassin Hydraulique de l’Oum Er Rbia serait récalcitrante du fait qu’elle n’a pas été mouillée dans cette affaire.

Quoiqu’il en soit; l’après covid19, par les ruptures mises en évidence dans la vie de tous les jours de la population, offre la possibilité «de faire mieux » pour notre développement, alchimie complexe où se mêle la création des richesses et la culture pour assurer son bienêtre et chanter pour l’amour et non par la soif «L’eau coulait devant soi … taraudé de soif, comme scarifié par le feu» *.

«الماء يجري قدامي …عطشانة مكوية بالنار» *

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