L’écosocialisme : un choix de civilisation

Réplique : Le rouge et le vert ne s’épousent-ils pas ?

Le Parti du Progrès et du socialisme passe au «vert», sans pour autant renoncer au «rouge», cela donne Ecosocialisme. C’est la révolution tranquille opérée lors du derniers congrès national extraordinaire du parti.  Un nouveau vocable qui au-delà de la symbolique des couleurs, vient enrichir la boîte à outils théoriques que le parti se donne pour mieux faire face à une réalité de plus en plus complexe, appelant à une approche qui rompt avec les dogmes et s’ouvre sur la multi-référentialité.

En adoptant l’écologie comme une composante essentielle de son référentiel idéologique, le PPS ouvre une nouvelle page de son histoire. En effet, ce choix écologique n’est pas un simple réajustement du programme du parti, ou un additif qui vient répondre à un effet de mode. Non, l’option pour l’écosocialisme est un nouveau paradigme qui est de la hauteur d’une nouvelle orientation dans la vie du parti. Je n’hésiterai pas à avancer l’hypothèse que, dans cet esprit, le congrès de 2016 rejoint quelques rendez-vous phare de l’histoire du parti comme ceux de 1966 et de 1975.

 Certes, les questions inhérentes au devenir de la planète étaient toujours présentes dans les débats et les propositions politiques du parti. C’était un chapitre d’une approche globale de la question de la qualité de la vie inhérente à la nouvelle société démocratique prônée par le parti. Sauf que cette fois, en optant pour l’écosocialisme, non seulement il officialise sa mue écologique mais il donne un nouveau contenu voire un nouveau sens à sa conception même du socialisme avec tout  ce que cela induit comme déclinaisons théoriques par rapport aux questions de développement, de croissance et de progrès.

Avec l’écosocialisme, c’est une nouvelle approche de l’économie et de la politique qui se dessine en perspective. Pendant longtemps une certaine conception du socialisme privilégiait la dimension matérielle, productiviste de l’économie. L’émancipation des travailleurs étaient tributaires de la libération des rapports de production de l’emprise du capitalisme. Cette position classique des socialistes péchait par son déterminisme quasi mécanique et ne prenait pas en compte les spécificités de certains aspects de l’organisation sociale.

La destruction de la nature était perçue comme une conséquence du capitalisme ; un programme alternatif était supposé être inscrit dans le programme socialiste général. Or, justement l’écosocialisme opère un changement radical de cette approche et inscrit les questions de l’écologie dans l’ordre du jour quasi quotidien des démocrates et des socialistes. L’écologie n’est pas un simple méfait du capitalisme, c’est une nouvelle prise de conscience quant à la nature du changement proposé. En intégrant l’écologie à son projet socialiste le PPS s’inscrit dans une nouvelle réflexion qui invite à interroger quelques axes essentiels qui ont fait jusqu’ici la charpente des projets de développement.

L’écologie nous invite en effet à imaginer une autre philosophie de la croissance qui ne devrait  plus être réduite à un simple calcul de chiffres abstraits. De même qu’elle nous invite à revoir notre conception de l’industrialisation et des grandes options qui la portent. Si nous sommes fiers que notre pays par exemple séduit de plus en plus les investisseurs dans le secteur de l’automobile cela ne doit pas nous faire oublier qu’on ne peut pas imaginer le marché de ce secteur comme  indéfiniment extensible. Le fondement de l’écologie consiste dans la prise en compte du caractère limité des ressources – le PPS a inscrit dans son référentiel la notion de « développement durable »- et la fragilité des écosystèmes. Or le secteur des transports est celui qui illustre le mieux la crise « écologique du capitalisme ». Si le socialisme prône l’émancipation du genre humain, par la satisfaction notamment de ses besoins et désirs ; l’écologie tempère cette « utopie » par l’introduction de la notion de « contrainte sociale » au service de l’intérêt commun et du devenir de la planète terre. L’émancipation ne peut être atteinte par la courbe ascendante de la croissance (et de la hausse de la consommation globale) car elle se heure aux limites que lui imposent les capacités de la terre, de l’écosystème commun. Il nous faut réintroduire des réajustements voire des changements radicaux dans notre conception de la production et surtout de la consommation. Si le socialisme est la promesse d’une nouvelle société, l’écologie socialiste en appelle à un sujet conscient et responsable.

Le congrès extraordinaire du parti a le mérite d’ouvrir la voie à une réflexion innovante de nature à doper notre action et à lui donner plus d’ancrage dans la réalité du monde et au diapason de grandes interrogations de notre temps.

 Mohammed Bakrim

Top