«Les associations du consommateur n’ont pas le droit d’ester en justice»

Voilà presqu’une semaine que le groupe Mars a décidé de procéder au rappel de ses produits dans 55 pays, à cause d’un «bout de plastique» découvert dans une barre de chocolat en Allemagne. Bouazza Kherrati, président de la fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), se réjouit de l’engagement de l’ONSSA pour «s’assurer de l’efficacité de cette opération». Toutefois, il se veut critique par rapport à la défense des droits des consommateurs au Maroc. Le président de la FMDC pointe du doigt plusieurs lacunes en matière de protection des droits des consommateurs, entre autres l’absence de chambres des représentants des consommateurs au Maroc et l’absence d’une politique réelle en la matière au Royaume. Les propos.

Al Bayane : Le groupe Mars a annoncé récemment le rappel de ses produits Snickers et Mars dans 55 pays dont le Maroc. Pensez-vous que cette décision suffise aujourd’hui pour garantir au consommateur marocain tous ses droits ?

Bouazza Kherrati : Cette situation remet en cause la loi 27.08 sur la sécurité sanitaire des produits alimentaires au Maroc. Aujourd’hui, encore, malgré le rappel de Mars et Snickers lancé le 23 février dernier, les barres de chocolat de ces 2 marques continuent de circuler sur le marché marocain. Bien que le lot des snickers à retirer a été déterminé sur la base de la date de péremption, on se demande si le consommateur marocain a le réflexe de vérifier la date de péremption des produits. C’est un véritable problème chez nous. Qui plus est, on est en droit de se demander si les sociétés mères disposent d’un vrai système de rappel au Maroc.

Au Maroc, à l’heure actuelle, on ne dispose pas d’une politique réelle en matière de protection des droits des consommateurs. Un flou total entoure, notamment le cycle de distribution des produits. C’est alarmant mais c’est la réalité ! Va-t-on attendre qu’un allemand trouve un bout de plastique dans un chocolat pour monter au créneau ? Et pourtant, au Maroc, certains consommateurs ont retrouvé des lames de rasoirs dans des pains sans que rien ne soit fait. Les responsables de ces actes n’ont eu droit qu’à des avertissements de la part de l’administration. Aujourd’hui, plusieurs instances, notamment le Ministère du commerce, l’ONSSA sont impliqués dans la sécurité alimentaire mais beaucoup reste à faire, d’autant qu’on ne dispose pas d’intervenants sur le terrain.

Et l’interdiction des appels VoIP par les opérateurs téléphoniques?

C’est une grande atteinte aux droits des consommateurs car ceux-ci ont signé un contrat avec les opérateurs sur la base des services offerts et promus dans les publicités. Aujourd’hui, ils se retrouvent seuls à essayer de se défendre. Malheureusement, les associations de protection des droits de consommateurs au Maroc ne peuvent rien faire car conformément à la loi 31.08, elles n’ont pas le droit d’ester en justice. Elles devraient préalablement disposer d’une autorisation. Pourtant, à l’heure actuelle, le décret d’application de cette loi n’a pas encore été publié. D’ailleurs, faut-il le préciser, cette loi est celle qui a le plus duré au secrétariat du gouvernement, de 2008 à 2011.

Au Maroc, on n’assiste pas à la même dynamique en matière de défense des droits des consommateurs comme dans d’autres pays. Pourquoi ?

Au Maroc, on a enregistré des avancées, notamment en matière de textes. Plusieurs lois ont été promulguées. En outre, le nombre d’associations de défense des droits de consommateurs a augmenté. On en compte une centaine aujourd’hui. Par contre, la problématique se situe au niveau de la plupart de ces associations qui ne sont que des instances éphémères non représentatives, non élues démocratiquement et qui ne représentent qu’elles-mêmes. Aujourd’hui, nous proposons au gouvernement la création des chambres de représentants des consommateurs au niveau régional et national au même titre que les chambres des opérateurs, afin qu’il y’ait un équilibre. Le consommateur paie la TVA ; il devrait être dignement représenté. Sans ces instances élues démocratiquement, le travail des associations de consommateurs restera minable. Ces chambres devront également permettre de réhabiliter l’image ternie des associations de défense des droits des consommateurs.

Danielle Engolo

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