Les chiliens rejettent le projet de nouvelle Constitution

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Bien qu’il visait à réduire les inégalités sociales et prévoyait une meilleure reconnaissance des peuples amérindiens et la préservation des droits de tous les chiliens en matière de santé, d’éducation et de retraite, notamment, tout en mettant l’accent sur l’environnement et sur la protection de l’avortement autorisé depuis 2017 dans quelques cas précis, le projet de nouvelle constitution destiné à remplacer la Constitution, en vigueur, héritée de l’ère Pinochet et constituant un frein à toute réforme sociale de fond, a été rejeté, ce dimanche 4 septembre 2022, par 62% des électeurs.

Ainsi, après le référendum d’Octobre 2020 à l’issue duquel 79% des électeurs chiliens avaient appelé à la rédaction d’une nouvelle Constitution, le fruit d’une année de travail des 154 membres de l’Assemblée constituante qui avait été élue en mai 2021 à l’effet de rédiger le projet d’un nouveau texte Constitutionnel garantissant aux chiliens le droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite, à un logement décent, autorisant l’avortement en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère ou de l’enfant et attribuant, de nouveaux droits aux peuples autochtones,  semble donc avoir bousculé le conservatisme d’une grande partie de la société.

Aussi, pour célébrer la victoire du « Non », c’est par centaines que les chiliens ont défilé, ce dimanche, dans les rues des principales villes du pays en brandissant des drapeaux et en entonnant l’hymne national du Chili ; ce qui, pour « Clarín », le grand média argentin, est un « message très clair » destiné au président Gabriel Boric qui « devra prendre des mesures urgentes et fortes pour montrer qu’il a toujours la force nécessaire pour diriger le Chili et le conduire sur le chemin du changement réclamé par une grande partie de la société ».

L’édition américaine du quotidien « El Pais » est d’un autre avis car, en considérant que ce résultat sanctionne également la gestion du gouvernement actuel, elle estime que le président Gabriel Boric est forcé de faire « le grand écart » en forgeant « des accords non seulement avec l’opposition, mais aussi avec l’aile modérée de sa propre coalition ». Tel est, pour le quotidien espagnol, « le prix à payer pour essayer de piloter un nouveau et large processus Constituant au Parlement ».

C’est dire que même s’il ne présuppose pas, pour autant, le gel de toutes les réformes, ce résultat est un coup dur pour le gouvernement de Gabriel Boric dès lors qu’il suspend, provisoirement, le processus de nouvelle Constitution qui avait été entamé après le violent soulèvement populaire de 2019 qui avait réclamé plus de justice, mais prouve, néanmoins, qu’« il y a un consensus sur le fait que la Constitution de 1980 n’est plus valable et qu’ [il faut] passer à une autre » qui instaurerait de nouveaux « droits sociaux, politiques et économiques » comme l’a affirmé Cecilia Osorio, de l’Université du Chili,  

Après avoir pris acte de cette débâcle, le jeune président de gauche, Gabriel Boric, affaibli par un tel résultat mais reconnaissant, tout de même, qu’en n’ayant pas été « satisfait de la proposition de constitution », le peuple chilien « a décidé de la rejeter, de façon claire, dans les urnes », s’est engagé, lors d’une allocution télévisée, à procéder à un remaniement ministériel et à convoquer l’ensemble des partis politiques pour discuter de la poursuite du processus de rénovation constitutionnelle. 

Que dire pour terminer sinon que le rejet de ce projet de Constitution, qui était destiné à ouvrir la voie à plus d’égalité sociale dès lors qu’il consacre, à travers 388 articles, de nouveaux droits sociaux répondant aux revendications des manifestants du soulèvement populaire de 2019 et qui, en définissant, dans son Article Premier, le Chili comme étant un « Etat social et démocratique de droit », « plurinational, interculturel et écologique » doté d’une « démocratie paritaire » avait laissé croire qu’il allait enterrer, une bonne fois pour toutes, la dictature d’Augusto Pinochet, prouve que les chiliens ne sont pas encore prêts à faire table-rase du passé mais attendons pour voir…

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