Les guides agréés au bord du gouffre

Tanger

Karim Ben Amar

Le tourisme est l’un des secteurs les plus touchés par la pandémie de la Covid-19. Malgré la réouverture des frontières, les visiteurs se font toujours aussi rares. Les groupes de touristes qui affluent des quatre coins du globe sont un lointain souvenir pour les professionnels du secteur. De ce fait, pour tous les domaines d’activité découlant du tourisme, c’est la bérézina.

C’est le cas des guides agréés qui sont livrés à eux-mêmes depuis le début de l’état d’urgence sanitaire. Mise à part l’aide de la CNSS, qu’ils touchent depuis juillet 2020, aucun répit ne leur a été accordé, c’est plutôt tout le contraire qui se produit : aucun report de crédit, majoration en cas d’impayés, aucune facilité de paiement comme prévu au préalable. Bref, les porte-drapeaux de notre pays traversent une situation désespérante. Les guides agréés de Tanger, ville très prisée par les touristes, n’échappent pas à la triste réalité.  C’est ce que révèle à l’équipe d’Al Bayane, Said Mejdoubi, membre de l’association régionale des guides touristiques (Tanger). Les détails.

Le secteur du tourisme ne connait pas des jours heureux. Pire encore, il traverse une crise sans précédent, à l’image des guides touristiques qui n’ont réalisé aucune rentrée d’argent depuis près d’une année.

Pour s’enquérir de leur situation et de l’ampleur des difficultés qu’ils rencontrent, l’équipe d’Al Bayane s’est entretenue avec Said Mejdoubi, membre de l’association régionale des guides touristiques (Tanger).  Sans grande surprise, nous avons appris par le biais du militant associatif que «les mieux lotis frôlent la faillite. Quant aux autres guides, la banqueroute est survenue il y a quelques mois déjà».

Ne bénéficiant pas d’une couverture médicale systématique, les guides agréés se sentent abandonnés. À ce sujet Said Mejdoubi assure que «seulement 15% des guides touristiques jouissent de la couverture médicale, en soit cela est aberrant. Durant cette crise sanitaire que nous traversons, nous avons ressenti la grande nécessité que d’être couvert, puisque certains confrères n’ont même pas de quoi payer leurs traitements».

Et d’ajouter «il faut bien se le dire, notre profession est l’un des porte-drapeaux de notre pays, comment peut-on laisser ces professionnels passionnés sans le droit de se soigner, d’être pris en charge?», se questionne-t-il l’air dépité.

Concernant l’aide reçu par l’État, Said Mejdoubi déclare que «nous avons perçu l’aide de 2000 Dhs mensuelle à partir de juillet 2020. Cette somme sera versée aux guides agréés jusqu’au 31 mars 2021». Il relève néanmoins que «les confrères n’ont toujours pas touché les mensualités de décembre et janvier, ce qui est inacceptable vu la situation matérielle catastrophique des guides touristiques. De plus,  sur les 2000 Dhs perçus, une retenue de 270 Dhs est pratiquée. Cette somme est déduite pour honorer les cotisations».

C’est un secret pour personne, dans les grandes villes touristiques marocaines, les touristes sont devenus une denrée rare. Au vu de l’absence des visiteurs, les guides touristiques ne gagnent pas le moindre copeck. Bien au contraire, des frais supplémentaires viennent s’amasser aux dettes déjà accumulés tout au long de cette année d’inactivités. « Malgré notre agonie, nous n’avons bénéficié d’aucun report des crédits qu’ils soient immobiliers ou de consommations.

Aucune facilité de paiement ne nous a été proposée, comme cela a été prévu au préalable. En plus de toutes ces difficultés, nous avons été foudroyés par des majorations alors que nous sommes criblés de dettes», tonne-t-il.

«Lorsque nous nous réunissons pour faire le point sur notre situation chaotique, un amère

 constat revient encore et toujours : aucune solution ou alternative n’a été trouvée pour ce secteur en grande souffrance », poursuit-il.

À l’arrêt depuis près d’un an, des cas de grands stress ont été recensés dans les rangs des guides touristiques.  «Cette crise sanitaire a aussi provoqué chez certains confrères des problèmes psychologiques graves.

Aussi, de nombreux décès de guides ont été relevés durant cette période de pandémie. Les problèmes familiaux sont aussi à relever puisque de nombreux cas de divorces ont été recensés chez les guides», atteste-il.

«Lorsque le père de famille n’a même pas 100 Dhs pour faire les pleins de légumes, la bonne ambiance au sein du foyer n’est pas au rendez-vous. Surtout si cela s’étend sur la durée, comme c’est le cas pour nous, en cette douloureuse circonstance. Ayant le sentiment d’avoir été abandonné par les responsables du secteur, certains guides seront bientôt obligés de sortir mendier», annonce-t-il.

Quant au prestige de la profession autrefois tellement prisés par les jeunes lauréats des universités et des écoles de tourisme, voilà qu’elle perd de sa superbe depuis peu. «Avant 2017, pour accéder à la profession de guide agréés, il fallait être titulaire d’une licence en Langue Étrangère ou en Histoire ou alors, lauréat de l’ISITT. Aujourd’hui, l’on ne demande plus de diplôme académique. Il suffit de justifier d’une expérience professionnelle dans les métiers du tourisme (chauffeur etc) », certifie Said Mejdoubi.

«Ce qui est certain, c’est que les guides sous-qualifiés mèneront cette profession honorable à sa perte au même titre que l’image de notre pays. Ne maitrisant pas les langues étrangères ou alors de manières très approximatives, le service proposés ne sera pas au rendez-vous et cela risque d’entacher l’image de notre pays, car le guide touristique est l’image du pays», conclut-t-il.

Étiquettes ,

Related posts

Top