Les Marocains sont-ils à ce point malheureux?

Par Abdeslam Seddiki

Pourquoi les Marocains sont-ils insuffisamment heureux?  Y-t-il une mesure un tant soit peu objective du bonheur? On peut trouver des éléments de réponse à ces questions et d’autres dans le rapport mondial sur le bonheur que publient annuellement les Nations Unies à l’occasion de la journée mondiale du bonheur célébrée le 20 mars de chaque année.

«The World Happiness Report» 2020, le huitième du genre, est une étude historique de l’état du bonheur mondial qui classe 156 pays selon le degré de bonheur de leurs citoyens. Le Rapport sur le bonheur dans le monde 2020 classe pour la première fois les villes du monde entier en fonction de leur bien-être subjectif et approfondit la façon dont les environnements sociaux, urbains et naturels se combinent pour affecter notre bonheur.

Au total, ce sont près de 40 critères qui sont retenus pour dégager l’indice du bonheur par pays et la manière dont les citoyens le ressentent. On y trouvera des indicateurs économiques comme le revenu par tête, des indicateurs sociaux comme la santé, l’éducation, les réseaux de solidarité,  des indicateurs politiques comme la liberté de penser et de créer, la confiance envers les politiques, le niveau de corruption. La variable environnementale n’est pas en reste. Elle est présente en force non seulement  la pandémie covid-19 oblige, mais elle est au centre des préoccupations du «Réseau des solutions de développement durable des Nations Unies»  qui chapeaute le rapport.

Les résultats de 2020, nonobstant la conjoncture de la pandémie, ne différent guère de ceux des années précédentes. Ce sont les pays du Nord de l’Europe qui dégagent les meilleurs scores et se positionnent en tête du classement. Par ordre décroissant, on trouve : la Finlande, le Danemark, la Suisse, l’Islande, la Norvège, les Pays Bas, la Suède, la Nouvelle Zélande, l’Autriche et le Luxembourg.

On retiendra que parmi les  10 premiers pays qui offrent plus de bonheur à leurs peuples, on trouve un seul, la Nouvelle Zélande, qui ne soit pas européen. Et qui plus est, nous remarquerons qu’il s’agit essentiellement des pays de taille petite à moyenne  et dont le régime politique dominant est proche de la social-démocratie avec moins d’inégalités sociales et un cadre de vie favorable à l’épanouissement de l’individu.

Ce classement confirme une vérité déjà établie par les rapports du PNUD sur le développement humain. Ainsi, à l’instar du classement selon l’IDH (indice du développement humain), l’IBH (indice du bonheur humain) s’écarte considérablement du classement selon le PIB per capita. Ce ne sont pas forcément  dans les pays riches qu’il fait beau  vivre et  où les gens sont les plus heureux. Par exemple, l’Allemagne, les USA et la France n’occupent respectivement que le 17ème, le 19ème et le  25ème rang selon le classement réalisé par «World Happiness Report».

En revanche,  dans certains cas, la pauvreté matérielle va de pair avec le malheur des gens. Comme on peut le vérifier pour les  pays qui clôturent  le classement. Il s’agit  en remontant du bas vers le haut de : l’Afghanistan, Soudan du Sud, Zimbabwe, Rwanda, Syrie, Centrafrique, Tanzanie, Botswana, Yémen et Malawi. La note obtenue varie de  7,8 pour le premier de la classe (Finlande)  à 2,5 pour le dernier (Afghanistan).

Qu’en est-il pour le Maroc ? Force est de constater que la situation  n’est guère réjouissante, avec une modeste   place de 102 même s’il faut relativiser en comparant cette position par rapport à certains pays. Avec une moyenne de 5, notre pays fait pratiquement autant que la Turquie,  la Chine et beaucoup mieux que des pays comme l’Algérie (107ème rang), l’Afrique du Sud (116),  la Tunisie (136) ou l’Egypte (147). Certes, le pays a été impacté sévèrement par la crise sanitaire en perdant 0,11 point par rapport à l’année d’avant, mais ce repli n’est pas une fatalité, puisque beaucoup de pays ont enregistré de meilleurs scores  dans le contexte pandémique que les années précédentes.

On peut toujours critiquer les résultats du «World Happiness Report» qui n’est pas sans présenter des failles  d’autant plus qu’on a affaire à des appréciations subjectives. D’ailleurs,  quand on remarque que le Maroc est classé  après un certain nombre de pays  dont on connait la situation réelle, on est en mesure de s’interroger sur l’impartialité du rapport.

Mais  il ne sert à rien de jouer à la victimisation. Il convient,  au contraire,  de tirer les leçons de ce rapport en s’attaquant de front à nos insuffisances pour  persévérer à servir au mieux notre peuple et à le rendre de plus en plus heureux. C’est un appel de cœur et de raison  lancé aux décideurs. Le Maroc, et nous le disons sans chauvinisme aucun, dispose de tous les atouts pour se hisser au rang des  pays où il fait beau  vivre.

Il faut y croire et œuvrer inlassablement dans ce sens. Et tout en s’inspirant des best practices et des exemples réussis, on se gardera bien, toutefois,  de procéder à une imitation stupide  ou à un mimétisme aveugle. Au contraire, c’est en valorisant le génie créateur de notre peuple  que l’on y parviendra.

Qui parmi nous autres  Marocains ne souhaiterait pas  ardemment de vivre dans le bonheur et la quiétude?

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