Les pays africains désertent la Cour Pénale Internationale…

Que s’est-il passé pour que la Cour Pénale Internationale n’ait plus bonne presse auprès des pays africains qui, l’un après l’autre, commencent à lui tourner le dos? Pourquoi après le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie d’autres pays africains entendent eux aussi quitter un navire qui semble prendre l’eau de toutes parts?

Si, sur le plan international, l’annonce du retrait du Burundi aurait pu être considérée par certains comme étant une fuite en avant de la part du régime de Bujumbura à propos duquel la CPI avait déjà commencé à enquêter lui imputant notamment les crimes commis en avril 2015 lors de manifestations anti-Nkurunziza réprimées dans le sang, il est à noter qu’à partir du 20 Septembre la pression exercée sur le pays était montée d’un cran à la suite de l’élaboration par des enquêteurs mandatés par l’O.N.U. d’un rapport accablant sur les violations des droits de l’homme au Burundi identifiant même les «criminels» présumés ; une douzaine de personnes proches du pouvoir.

L’Afrique du Sud, longtemps considérée comme étant l’un des plus actifs soutiens de la Cour sur le continent, avait, quant à elle, manifesté son désir de sortir du Traité de Rome lorsque les autorités du pays avaient refusé d’arrêter le Président soudanais Omar El Béchir venu assister au sommet de l’Union Africaine de Johannesburg malgré l’avis de recherche lancé à son encontre par la CPI pour «génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour». L’Afrique du Sud avait reproché à la Cour Pénale Internationale d’avoir entravé «l’aptitude de l’Afrique du Sud à honorer ses obligations en matière de respect de l’immunité diplomatique». Mais ce n’est pas tout car l’Afrique du Sud, puissance continentale, entend aussi jouer pleinement son rôle dans le continent en s’opposant fermement à l’ingérence des puissances étrangères, notamment européennes et américaines et à leur politique de «deux poids, deux mesures».

Et si cette décision marque, néanmoins, un rapprochement évident avec ces grandes puissances que sont la Chine et la Russie et un rééquilibrage global face à la domination occidentale, il ne faut pas oublier que le Président sud-africain Jacob Zuma avait déjà reproché à la Cour Pénale Internationale son incapacité à poursuivre les Etats-Unis lorsqu’ils décidèrent d’attaquer l’Irak sans produire de preuves quant à l’existence d’armes de destruction massive ou encore Israël  pour le massacre des Palestiniens alors même qu’elle s’acharne à diligenter dix enquêtes dans neuf pays dont huit se trouvent en Afrique.

Enfin, la Gambie se retire de la CPI pour des raisons plus ou moins similaires à celles du Burundi. En effet, parvenu au pouvoir en 1994 à la suite d’un coup d’état -certes sans effusion de sang- le Président Yahya Jammeh a été confirmé dans son poste lors des élections de 1996 puis réélu de manière ininterrompue depuis cette date. Il restera, sans aucun doute, en place pour un cinquième mandat, à l’issue des prochaines élections de Décembre 2016. Mais si le peuple gambien semblerait s’accommoder de cette situation, il n’en est pas de même de la communauté internationale et notamment d’ONG telles Amnesty International qui imputent au pouvoir en place des cas de «disparition forcée» et le fait de museler la presse et de traquer les défenseurs des droits humains.

De son côté, dans le sillage de l’Afrique du Sud, le pouvoir gambien reproche à la CPI sa politique de « deux poids, deux mesures » et dénonce le fait que cette dernière s’acharne à persécuter les dirigeants africains alors qu’elle n’inquiète nullement les dirigeants occidentaux dont au moins une trentaine, selon Banjul, «ont commis des crimes de guerre»

Une crise de confiance semble donc affecter les relations entre la Cour Pénale Internationale et les Pays africains dont les prochains démissionnaires pourraient être l’Ouganda, la Namibie, la Tanzanie et le Kénya.

Disons pour terminer que la rupture avec la CPI parait être aujourd’hui la chose la mieux partagée par les pays africains.

Nabil El Bousaadi

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