Les profondes divergences entre Washington et les pays européens

Ce dimanche s’est achevée, à Munich et après trois journées d’intenses discussions, la 55ème Conférence internationale sur la sécurité mais ce, non sans avoir jeté, au préalable, à la face du monde, la dégradation spectaculaire des rapports entre le vieux continent et les Etats-Unis et leurs désaccords profonds sur de nombreux dossiers.

En cause notamment, le retrait unilatéral, en mai dernier, de Washington de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien malgré les efforts de la triplette France, Allemagne, Royaume-Uni. Mais si le dossier iranien a, encore une fois, attisé la mésentente entre l’Europe et l’administration Trump, il n’est pas le seul puisque Washington entend également retirer ses troupes de Syrie dans la perspective d’une défaite imminente de l’organisation de l’Etat islamique ; ce qui pose l’épineuse question de la protection de la minorité kurde d’un massacre de la part des troupes d’Ankara.

Autant de raisons pour lesquelles en prenant la parole après que le vice-président américain Mike Pence ait pressé les européens de se retirer de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et de «cesser d’affaiblir les sanctions américaines contre l’Iran» en les contournant de manière à permettre à leurs entreprises de continuer à commercer avec Téhéran, la chancelière allemande Angela Merkel s’est demandé si, au contraire, il n’était pas «plus judicieux de sauvegarder ce texte pour faire pression sur l’Iran sur d’autres dossiers».

La dirigeante allemande a, également, saisi cette occasion pour dénoncer le désengagement des troupes américaines de Syrie car ce retrait risquerait, non seulement de mettre les kurdes de Syrie sous la menace de l’armée turque mais aussi de laisser la voie libre à Moscou et à Téhéran pour asseoir leur «influence» dans la zone. Aussi, pour rassurer ses partenaires européens, le vice-président américain qui s’était heurté, auparavant, à leur refus de constituer une «force d’observateurs» dans le nord-ouest  de la Syrie pour garantir la sécurité des kurdes syriens, a déclaré que «les Etats-Unis conserveront une présence importante dans la région et continueront à se battre avec leurs alliés pour lutter partout et à tout moment contre toute activité de l’organisation de l’Etat islamique».

Evoquant le gazoduc Nord Stream 2 qui prévoit d’acheminer chaque année 55 milliards de mètres cubes de gaz russe vers l’Europe via la mer Baltique, le vice-président américain a fait part de l’impossibilité de son pays de «défendre l’Occident si (ses) alliés sont dépendants de l’Est»; ce à quoi la chancelière allemande a rétorqué que «personne ne veut être complètement dépendant de la Russie mais si nous avons importé des quantités importantes de gaz russe durant la Guerre froide, pourquoi la situation aujourd’hui serait-elle bien pire et pourquoi la Russie ne pourrait pas rester un partenaire ?».

Si cette conférence a mis à nu la dégradation continue des rapports entre l’Europe et Washington, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères en a profité pour dénoncer l’hégémonisme des Etats-Unis et pour se féliciter des rapports de Moscou avec ses partenaires européens qui, à l’instar de la communauté internationale, auraient «commencé à mieux écouter» la Russie. A noter que la veille, Londres et Moscou ont renoué le dialogue qu’ils avaient interrompu au moment de l’éclatement, il y a onze mois, de la fameuse affaire Skripal.

Dénonçant, par ailleurs, les incessantes tentatives de Washington d’imposer sa volonté hors de ses frontières et de chercher à appliquer sa législation de «manière extraterritoriale» en obligeant des pays étrangers à s’y conformer, le chef de la diplomatie russe qui déplore que «les européens se soient fait entraîner dans une impasse avec la Russie» considère que les «mesures coercitives unilatérales» que prennent les Etats-Unis font naître une profonde «confusion» dans les relations internationales.

Imprévisible, clamant  à toute heure et en tous lieux son sempiternel «America first», adepte d’une politique unilatérale et, par voie de conséquence, du fait accompli, Donald Trump qui a, également, décidé de sortir du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev au titre de l’élimination des missiles conventionnels d’une portée de 500 à 5.500 km, suscite la méfiance des chancelleries du monde entier. Va-t-il essayer de reconquérir la confiance de ses partenaires alors qu’il lorgne vers un deuxième mandat ? Rien ne le laisse entendre pour l’heure mais rien n’interdit d’y croire alors attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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