Le monde de Julie Guégan
Par Noureddine Mhakkak
Le dialogue avec Julie Guégan est un voyage culturel dans les mondes des Lettres et des Arts. C’est-à-dire dans le monde de la poésie, de la prose, du cinéma, de la peinture et de la photographie d’une part et dans le monde de l’actualité aussi. Ainsi, nous allons parler des relations humaines, nous allons parler de l’amour, de l’amitié, de la tolérance et de l’ouverture d’esprit et la connaissance de l’autre. Nous allons parler des villes, des livres, des films, nous allons parler de nous, et nous allons parler de nous, de nos pensées, de nos réflexions, de nos passions, et nous allons parler de vous en tant que lecteurs. Des lecteurs fidèles qui nous lisent avec tant de plaisir.
Selon Jacques Chessex « L’automne est une demeure d’or et de pluie. » et selon Félix-Antoine Savard : « L’automne est une saison sage et de bon conseil. ». Quelle est votre relation avec saison ?
Lorsque je pense à l’automne, immédiatement me vient en tête la fin des vacances, les poèmes de Pouchkine, la rentrée des classes, une forme de fin, loin de l’excitation de l’été. La raison prend place et je me prépare à une tranche de vie plus sérieuse et disciplinée. Petit à petit, les nuits tombent plus tôt et il s’agit alors de s’occuper autrement. J’aime alors me reposer en musique, près d’un feu de cheminée et manger des marrons chauds sous un plaid. Mais pas seulement, l’automne m’évoque un instant de vie lié à la chasse, une activité typique de cette saison, que j’ai à cœur de partager. Je devais avoir 9 ans et mes parents avaient été invités à un week-end dans le nord de la Bourgogne.
Souvenirs… La météo n’est pas clémente en ce samedi, et nous approchons de ce grand corps de ferme en pierre, entouré de champs et de sous-bois. Le ciel aux multiples tons de gris tombe à l’horizon sous le poids des nuages, et donne à cette atmosphère un aspect dramatique. Je me sens comme l’héroïne d’un roman d’Agatha Christie.
Alors que nous passons sous le porche, nous sommes accueillis par des hôtes, en tenue de chasse, c’est-à-dire sombre avec un bon imperméable et des bottes, comme la centaine de convives déjà présents. Et tous, venus pour la plupart des environs et de la région parisienne, se joignent dans la cour intérieure avant le traditionnel tour du propriétaire. Tout est splendide, et surtout il me semble assez spectaculaire que les tables du dîner soient déjà dressées pour le repas du soir. À voir le soin porté au décor, je m’attends à une soirée mémorable autour des trophées de notre chasse !
Mais avant cela, il est temps de débuter les hostilités et chacun écoute désormais les instructions. Les règles du jeu sont au fond assez simples, nous devons marcher tous ensemble dans les champs alentours en direction des sous-bois. La pratique, appelée rabattage consiste à rassembler les gibiers, comme les sangliers et les chevreuils, dans un périmètre restreint.
Je ne garde que le souvenir d’un après-midi incroyable à marcher tous ensemble durant des heures exténuantes dans la boue, le froid, la pluie mais aussi à se rencontrer à travers des discussions endiablées ou simplement à nous amuser de l’aspect inédit de notre activité.
A la nuit tombée, nous montons à l’arrière des camionnettes, qui nous ramènent à la ferme. Une fois lavés et réchauffés, nous rejoignons nos hôtes pour le repas dans la grande salle. La soirée est effectivement incroyable, et le repas de gibiers succulent !
Tout au long de l’expérience, nous forgerons tous des liens forts, similaires à ce que j’ai observé lors de mes vendanges. D’après moi, ces expériences collectives font partie des plus intenses et mémorables. L’épreuve renforce les liens, utiles à une meilleure performance collective, et à une satisfaction individuelle. Ce sont ces instants également qui participent le mieux à la création d’une identité forte et d’une estime de soi. En effet, rien de tel que de mettre les gens dans des situations qui les sortent de leur zone de confort pour asseoir une transformation. Dans certaines cultures, la chasse et les vendanges sont obligatoires. Je pense que ces deux activités participent à ancrer l’intérêt du collectif. À l’ère d’un grand individualisme, qui a montré ses limites, nous avons intérêt à favoriser tout ce qui nous permettra, à travers la difficulté, de réduire les peurs et de renforcer le but commun, et la satisfaction de contribuer à quelque chose de plus grand que soi.
J’aime la saveur des traditions, le plaisir du terroir, de la nature et des valeurs profondes. L’automne est la saison des feuilles mortes et une annonce pleine d’espoir du renouvellement de la vie. J’aurais aimé vous parler encore des joies de l’automne, comme mes week-ends inoubliables dans les Ardennes avec les enfants, mais je vous les réserve pour une prochaine fois !
Selon Victor Cherbuliez : « Une idée, cela nourrit, cela désaltère, cela tient chaud en hiver, cela rafraîchit dans les chaleurs, et puis cela a des yeux, une bouche, une langue, cela parle, cela rit, c’est une compagnie ». Parlez-nous de votre relation avec l’hiver.
Les joies de l’hiver se trouvent en ski ou en patins à glace, ou plus étonnement dans un bain dans la mer baltique. Cette saison me donne envie de vous parler de Copenhague, la capitale du Danemark, où j’ai passé de nombreux séjours pendant trois ans, en compagnie de cet homme avec lequel je partageais une passion commune pour la collaboration et le changement. J’adore les pays scandinaves et leurs habitants, j’y retrouve notamment le même goût pour l’authenticité et la vie en plein air. Et c’est donc là-bas que j’ai pris mes premiers bains de mer en hiver, dans une eau qui ne devait pas excéder deux ou trois degrés. L’exploit était réel et je peux vous dire que certains jours, je ne pouvais pas plonger. Comme si cela me paraissait impossible, mon corps (ou plutôt mon esprit) résistait de tout son être. Néanmoins, même si je ne suis pas une « vraie », je souhaite ici partager cette expérience qui j’espère, vous donnera l’envie de la tester, tant les bienfaits en sont immenses.
Tout d’abord, ce n’est pas un sport inédit, à Copenhague. L’hiver, vous rencontrerez un certain nombre de pingouins, prêts à se geler les mirettes le temps de quelques secondes. Cette pratique puissante se déroule de la manière suivante : vous vous rendez près d’un ponton, vous ôtez vos vêtements malgré le froid extérieur, et sans réfléchir (idéalement) vous plongez.
Une fois dans l’eau, il vous est impossible de rester statique. Immédiatement, votre souffle se fait plus fort, comme si vous cherchiez à travers lui à vous réchauffer. Et, tandis que vous vous précipitez pour rejoindre la terre, peu importe le style, vous avez juste le temps de ressentir les petits couteaux qui percent votre corps et de sentir votre chair se durcir (elle n’est malheureusement pas anesthésiée !). Enfin, sorti du supplice, on vous retrouve sautant sur terre avec votre serviette. Oui, l’expérience est cocasse !
L’idéal pour moi, est ensuite de monter en voiture et d’y mettre le chauffage, pour dégeler en douceur jusqu’à ce que je puisse enfin sauter dans une douche bien chaude, de retour à la maison.
Après chaque bain d’hiver, vous ressentez une renaissance, le corps et l’esprit semblent purifiés. La journée sera forcément tonique et positive.
Selon Khalil Gibran « Les fleurs du printemps sont les rêves de l’hiver racontés, le matin, à la table des anges », et selon Alphonse Boudard : « Le printemps, c’est tout un poème. On en parle, on le pratique, on l’attend… ». Parlez-nous de votre relation avec le printemps.
J’ai acheté mon appartement en une journée. Pourtant, c’était mon premier. Mais lorsque je l’ai visité, et que j’ai constaté qu’il était entouré de nature, je n’ai pas hésité. Chaque jour désormais, quel que soit le point de vue que je choisis, il donne sur des arbres et contribue à notre bonheur. Depuis la période de la Covid-19, avec la réduction du trafic automobile et aérien, je constate qu’il y a de plus en plus d’oiseaux dans les arbres ainsi que des écureuils, et les arbres semblent également plus fournis. Il est merveilleux de prendre conscience que la nature reprend ses droits dans nos villes.
Cela me donne l’envie d’évoquer une initiative que nous avons lancée au printemps de cette année, avec ma communauté de voisins et qui a porté ses fruits à la fin de la saison. Elle visait à sauver le petit parc situé au bas de nos immeubles. Cette histoire est pour moi l’occasion de vous parler de la force du collectif et de l’intérêt de se soucier du bien commun pour agir en vue d’influencer notre avenir.
Selon Edgar Alan Poe : « L’été, la nuit, les bruits sont en fête ». Que représente l’été pour vous ?
Il y a bien longtemps, je passais toutes mes vacances entre la maison de mes grands-parents et notre caravane. Presque toujours en Bretagne, à l’entrée du golfe du Morbihan. Mes journées se passaient dehors à gambader. À jouer dans le jardin et sur la plage, dans l’eau ou sur les rochers.
Aujourd’hui, l’été se veut au moins une fois en Bretagne. Avec mes enfants, nous aimons suivre le rythme imposé par le soleil et retrouver tous nos cousins. La douce vie. À l’italienne, comme certaines de mes origines. Sans programme, sans horaires même….
L’été me fait penser aux bottes de foin, aux piqûres d’orties, aux chants des merles et aux genêts. Je me lève toujours tôt pour apprécier la journée, loin du bruit, sur ma presqu’île, où je profite enfin du luxe du calme et du silence. Cette saison, est synonyme de régénération. Je prends le temps d’apprécier sa saveur particulière. Ce sont les tomates juteuses, les bigorneaux et les huîtres, les crêpes au beurre salé…. Rien que d’y penser, j’en ai l’eau à la bouche.
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est la vie au naturel – sans artifices, le sel sur la peau et les cheveux blondis par le soleil. Nous avons des routines avec mes enfants comme aller au cimetière pour retrouver nos ancêtres, ou la promenade du soir pour regarder le coucher du soleil. Jamais cependant, je ne suis capable de me laisser totalement à l’oisiveté. J’ai un besoin vital de projets et de création même durant mes vacances, ce qui peut sembler incompréhensible autour de moi. Mais peu importe !
Enfin, il m’est désormais impossible de parler d’été sans évoquer les anniversaires de mes Petits, Timothé et Hadrien. En effet, Hadrien est né à une heure près le même jour que Timothé. Si j’ai pu sauver leurs « anniversaires » le jour de l’accouchement, il est amusant chaque année de fêter l’un et l’autre de façon aussi rapprochée. Je crois que cela participe vraiment à créer l’événement. L’été est devenu pour moi la célébration de leurs naissances, que nous fêtons plusieurs fois, avec amis, familles, papa, maman….
Comme tous les parents du monde, je trouve que mes enfants sont bénis. Je ne vois que leurs qualités et je sais que c’est tout ce dont ils ont besoin pour sortir d’eux-mêmes, et œuvrer au service des autres. J’essaie d’ancrer la notion de changement permanent en eux, la nécessité de garder l’esprit curieux, le goût du jeu comme mes grands-parents… On pourrait parler d’éducation une prochaine fois. J’ai fait pas mal de recherches sur ce sujet également qui pourraient peut-être vous sembler utiles.
Toutes les saisons ?
J’ai les quatre saisons en moi, je suis ce qu’on appelle une slasheuse. Ce n’est pas une qualité si facile à justifier à une époque où l’image est si importante et où de nombreux experts prônent la cohérence. Par exemple, si je lis une grande cohérence dans mon parcours, la logique n’est peut-être pas évidente pour les autres, et j’ai dû l’accepter en cessant de me justifier. Je suis à la fois écrivaine, journaliste, modèle, photographe, lectrice, agent du changement, communicant, et je rêve de plus en plus de me lancer en politique !
Je dessine mon monde tel que j’ai envie de le voir et j’accepte que l’on me juge ou que je ne sois pas très populaire. J’encourage bien entendu chacun à embrasser une forme de liberté, et surtout les femmes.
S’il s’agit de lâcher prise absolument, il ne faut pas se laisser aller alors je m’entoure des livres qui m’aident à voir le monde d’une façon très ouverte et compréhensive.
Nous avons accès très facilement à toutes ces ressources, afin de laisser s’épanouir en nous nos quatre saisons.