Les vénézuéliens appelés à se prononcer sur l’avenir de l’Essequibo

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Considérant que sa frontière naturelle est le fleuve Essequibo et que ce n’est qu’au XIXème siècle que le Royaume-Uni a pris possession de l’espace qui le sépare de cette frontière, le Venezuela a appelé ses ressortissants à se prononcer, ce dimanche, par référendum, sur l’avenir de ce territoire afin de décider s’il pourrait être rattaché au pays pour en devenir le 24ème Etat.

Mais, sachant que l’Essequibo, un territoire de 160 000 km2 qui représente plus des 2/3 du Guyana et où vivent 125.000 personnes, soit 1/5 de la population totale du pays, appartient au Guyana, l’initiative prise par Caracas ne peut que provoquer des tensions.

Or, quel qu’en soit le résultat, ce référendum, qui se veut être un scrutin d’autodétermination mais qui ne l’est pas du moment que le l’Essequibo est administré par Guyana, n’aura aucune conséquence concrète hormis le fait de donner à Caracas l’occasion, non pas de l’envahir comme certains seraient tentés de le croire, mais, uniquement, de renforcer sa crédibilité et ses prétentions.

Pour comprendre cette « affaire », il faut remonter dans le temps et notamment à cette année 1811 car lors de la proclamation de son indépendance et de son détachement de la couronne espagnole, le Venezuela comprenait l’Essequibo.

Mais comme l’Empire britannique contrôlait le territoire voisin qu’il avait acquis en 1814 en vertu d’un traité signé avec les Pays-Bas mais dont la frontière occidentale n’avait pas été clairement délimitée, en 1840, les anglais avaient chargé du tracé de cette frontière l’explorateur Robert Schomburgk et ce dernier avait, délibérément, adjoint au territoire initial quelques 80.000 kilomètres carrés supplémentaires.

En récusant cette décision, le Venezuela avait soumis cette affaire à l’arbitrage de la Cour de Paris mais ce Tribunal avait donné raison aux britanniques.

Ce n’est qu’en 1949, que le témoignage post-mortem d’un juriste américain avait dévoilé la pression qu’avaient exercé les britanniques sur la Cour d’arbitrage précitée.

Fort de cette révélation, le Venezuela avait alors commencé à revendiquer ce territoire à telle enseigne qu’au moment de conférer, au Guyana, son indépendance, Londres avait signé, avec Caracas, un accord qui reconnaît ce différend territorial sans, pour autant, le résoudre et le laisse en héritage au jeune Etat du Guyana.

La résurgence de ce conflit, à l’heure actuelle, a, bien entendu, pour raison d’être la découverte, par Exxon Mobil, en 2015, d’un important gisement off shore au large des côtes de l’Etat de Guyana.

Mais, si l’entreprise américaine préfèrerait avoir comme interlocuteur le petit Etat de Guyana plutôt que le Venezuela qui, de surcroît, est un Etat socialiste, Caracas voudrait, de son côté, récupérer  l’Essequibo pour en exploiter les ressources car sous le couvert forestier de la région, il y a du gaz et du pétrole, de l’or, du diamant, de la bauxite et d’autres minerais et que ceci pourrait apporter un grand bol d’oxygène à une économie vénézuélienne qui a de plus en plus de mal à garder la tête hors de l’eau.

Sachant, enfin, que le Venezuela a érigé l’Essequibo au rang de cause nationale et qu’on n’est qu’à quelques mois de la présidentielle, il semble que le timing choisi pour sortir cette affaire des tiroirs n’est pas fortuit mais attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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