L’Ethiopie et l’Erythrée sur le chemin de la paix?

Au lendemain de leur rencontre historique à Asmara, la capitale de l’Erythrée, le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont signé ce lundi une «déclaration conjointe de paix et d’amitié» où il est expressément mentionné que «l’état de guerre qui existait entre les deux pays est arrivé à sa fin (et qu’) une nouvelle ère de paix et d’amitié s’ouvre».

Ce document évoque, par ailleurs, la reprise du commerce, des transports et des télécommunications, la promotion d’une « étroite coopération dans les secteurs de la politique, de l’économie, du social, de la culture et de la sécurité »  ainsi que le rétablissement des relations diplomatiques et la mise en œuvre de l’accord international sur la démarcation de la frontière entre les deux pays tel qu’il avait été signé à Alger en 2000.

Cette rencontre qui a été la première entre les dirigeants des deux pays depuis vingt ans a été accueillie avec un grand enthousiasme par les habitants d’Asmara.

«Nous abattrons le mur et, avec amour, nous bâtirons un pont entre les deux pays» a déclaré à son arrivée dans la capitale érythréenne Abiy Ahmed, le jeune premier ministre éthiopien qui, dès sa venue au pouvoir au début de cette année 2018, s’est attelé au rapprochement entre les deux anciens frères ennemis et annoncé, dès le mois de Juin, son souhait d’appliquer les conclusions de la commission internationale sur la démarcation de la frontière.

Pour rappel, l’Erythrée qui constituait autrefois la façade maritime de l’Ethiopie avec les ports de Massawa et d’Assab avait chassé, en 1991 et après trois décennies de guerre,  les troupes éthiopiennes de son territoire et déclaré son indépendance en 1993.

Ainsi, entre 1998 et 2000, alors que l’Erythrée qui était rattachée à l’Ethiopie depuis le début des années 1950 n’existait en tant qu’Etat souverain que depuis cinq ans, les deux pays s’étaient livrés à une guerre sans merci ayant fait quelques 80.000 morts suite à un  profond désaccord quant au tracé de la frontière. Cet affrontement meurtrier  ne s’est « calmé » qu’après la signature à Alger en 2000 et sous la supervision d’une commission internationale, d’un accord sur la démarcation de la frontière séparant les deux pays.

Mais si les liaisons téléphoniques étaient coupées, depuis 1998, entre les deux voisins, celles-ci sont, désormais, rétablies et c’est, par avion, que le premier ministre éthiopien est arrivé ce dimanche à Asmara, la capitale de l’Erythrée, rétablissant du même coup la liaison aérienne entre leurs deux capitales.

Or, pour de nombreux observateurs, le rapprochement initié par le premier ministre éthiopien avec son voisin érythréen pourrait dépasser le cadre bilatéral et donner lieu à un grand changement dans toute la Corne de l’Afrique compte-tenu notamment de l’influence qu’y exercent les pays du Golfe – principalement l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis – mais aussi Israël, en arrière-plan, sans oublier, bien entendu, le géant chinois qui, soucieux de tracer «une nouvelle route de la soie» dans la région, a ouvert une base militaire à Djibouti, pays frontalier de l’Ethiopie et de l’Erythrée à la fois.

Au vu de tout cela est-il permis d’espérer que la paix sera préservée dans la Corne de l’Afrique ou, au contraire, allons-nous assister à des conflits d’intérêts dont paieront le prix, encore une fois, les peuples de la région ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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