Limogeage de Laura Kovesi, la «dame de fer» de Roumanie…

Symbole de la lutte contre la corruption et ancienne vice-championne d’Europe junior de Basket-ball, Laura Codruta Kovesi, la cheffe du parquet anti-corruption de Roumanie (DNA), aimée par la rue mais crainte par le gouvernement, a été limogée ce lundi au terme d’un bras-de-fer et de tergiversations entre le président roumain Klaus Iohannis et le gouvernement social-démocrate qui ont duré plusieurs mois.

Dans son message d’adieu, la «dame de fer» débarquée en début de semaine a dénoncé «la méthode brutale» utilisée par le gouvernement dans le but évident de «bloquer les enquêtes» en cours et appelé les roumains à se mobiliser pour vaincre la corruption.

En février dernier, le Parti Social Démocrate (PSD) avait ouvert une procédure à l’encontre de cette figure de la lutte anti-corruption en Roumanie pour avoir «enfreint la Constitution» et «nuit à l’image» de la Roumanie après que celle-ci ait accordé des interviews à des journalistes étrangers.

Mais la réalité est tout autre car cette dernière aurait, en réalité, commis le crime de «mener la vie dure» aux politiciens roumains puisqu’entre 2013 et 2016 elle a fait tomber plus de 3000 élus et fonctionnaires – dont deux anciens premiers ministres du PSD – et récupéré plusieurs centaines de millions d’euros qui avaient fait l’objet de détournements à telle enseigne que ce sont des milliers de manifestants qui, cet hiver, ont défilé pour lui exprimer leur soutien lorsqu’elle est devenue la cible du gouvernement.

Or, malgré ce soutien, l’offensive anti-Kovesi mise en branle par Liviu Dragnea, l’homme fort du PSD au pouvoir, a porté ses fruits tout en portant un coup dur à l’indépendance de la justice au grand dam de Bruxelles.  Engagé dans une vaste refonte de l’appareil judiciaire, le gouvernement social-démocrate a profondément amendé le Code Pénal. Ainsi, les procureurs sont tenus, désormais, de «prouver que les suspects ont commis des abus de pouvoir pour leur propre intérêt». Un autre amendement et non des moindres est que l’abus de pouvoir n’est plus passible que de cinq années d’emprisonnement et non plus de sept ans et que les coupables dont l’âge excède 60 ans ne purgent plus «que le tiers de leur peine».

Aussi, en faisant adopter par le Parlement une telle réforme qui vide l’abus de pouvoir de son sens, le gouvernement sauve la tête de son chef sur lequel pèsent de graves soupçons de détournement de fonds européens estimés à plusieurs centaines de milliers d’euros. Déjà condamné pour «fraude électorale» et pour «abus de pouvoir», ce dernier pourra alors annuler ces condamnations en appel.

Autant de faits qui font dire à Vlad Perju, professeur de Droit constitutionnel au Boston College, qu’en Roumanie, que «la majorité a eu recours à la modification du Code Pénal parce qu’elle n’avait pas réussi à étendre sa pression… sur les juges en charge des dossiers…  montre qu’elle n’est qu’un groupe d’intérêt dont le but est de sauver ses membres de la prison».

Ainsi, alors même qu’elle s’apprête à prendre, en Janvier 2019, la Présidence tournante de l’Union Européenne, la Roumanie qui, après son adhésion à l’U.E. en 2004, avait fait de louables efforts dans le cadre de la lutte contre la corruption, s’éloigne de plus en plus des standards communautaires. Qu’en sera-t-il d’ici-là ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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