Lire

Cher lecteur potentiel, j’ai vite appris la langue arabe et cela m’adonné accès au livre. Cet amour du livre m’a été inoculé par ma mère qui, contrairement à mon père, savait très bien lire et écrire l’arabe et le français car elle avait la chance d’entrer à l’école dirigée parles français, avant l’indépendance de notre pays. Ma mère lisait des histoires en arabe et en français et me les racontait le soir avant de me livrer aux bras de Morphée.

Dès que j’avais appris à lire, je me suis mis à dévorer les petites histoires et les contes merveilleux.J’avalais ces collections pour enfants comme des petits pains ! Je lisais même les Mille et Une Nuits en cachette. Encore petit, ce recueil de contes célèbres m’était interdit ; je ne devais en aucun cas lire ces histoires qui contenaient des scènes et des descriptions érotiques et sensuelles !

Ce n’est qu’au début de la troisième année primaire que j’ai commencé l’apprentissage d’une langue étrangère et étrange appelée « Français». Cette langue avait sa propre classe, son propre livre, ses propres difficultés, ses propres bizarreries. Il fallait donc prendre cela au sérieux et travailler dur si je voulais réussir. Et je le voulais !J’ai eu du mal, beaucoup de mal à apprivoiser cet alphabet bizarre, à m’approprier ces lettres venues d’ailleurs et pouvoir les utiliser pour lire et écrire des mots, ensuite construire des phrases avec ces mots.

Que de boulot ! Que de labeur ! Mon Dieu, comme cette langue est dure, difficile, incompréhensible, indomptable, insaisissable,indocile! Et son orthographe ; un vrai casse-tête chinois ! Je n’arrivais pas à cerner toutes les difficultés, à comprendre toutes les règles, à épier chaque exception. On aurait dit que les académiciens n’avaient inventé ces règles que pour le plaisir sadique d’y ajouter ces exceptions et ces irrégularités et rire sous cape en nous voyant les yeux exorbités, la main tremblante, la plume à la main soigneusement posée sur le buvard, ne sachant comment écrire tel ou tel mot.

Vous l’avez compris, cher lecteur potentiel : J’étais nul en orthographe ! Et vous parler des labyrinthes vertigineux et périlleux de la conjugaison serait un pur euphémisme. Et allez donc vous amuser,si cela vous chante et vous enchante, à résoudre les énigmes des fabuleux synonymes, antonymes, paronymes, homonymes, homophones, homographes et compagnie ! C’est à s’arracher les cheveux de la tête. Je n’arrivais pas à comprendre, par exemple, pourquoi on appelle les tiges d’un parapluie «Baleines».

Quel est donc ce lien étrange entre ces cétacés et les parapluies ? Et que vient faire «un chien» dan sun fusil ? Devant ces bizarreries, je restais coi et pantois,bouche-bée, et me résignais à donner ma langue au chat en dépit de ma sainte horreur de la défaite… Vraiment, le français est une langue à s’arracher les cheveux de la tête mais elle scintille de beauté malgré ses difficultés.

Et c’est ce qui fait sa singularité…Petit prétentieuximbu de sa petite personne, j’avais le toupet et l’outrecuidance d’atteindre l’excellence dans cette matière en classe et de dégoter mes petits camarades morveux et crasseux. Je pris avec imprudence la résolution de devenir le premier de ma classe en français comme je l’étais en arabe. Alors, par mégarde, j’ai négligé la langue de Sibawayh pour celle de Grevisse. Et j’ai découvert un moyen infaillible, aussi enrichissant que divertissant, pour mieux élargir mon horizon et forger mes compétences. Ce moyen magique n’était autre que la bande dessinée.

Je me dois d’avouer que monsieur Astérix et son imposant compagnon et complice, le sympathique et gourmand Obélix, m’ont appris le français autant que mes maîtres d’école, même s’ils étaient loin d’être mes ancêtres les Gaulois ! Ils ne m’ont pas appris seulement les expressions et le vocabulaire ; ils m’ont également appris des valeurs et des principes dont je leur suis fort reconnaissant : Aimer farouchement sa famille, sa terre et son pays et les défendre vaillamment, avec ou sans potion magique, contre toute invasion ; Être brave et vaillant devant son adversaire même s’il est César en personne ; Être honnête, sincère et franc, gai et bon vivant; ne craindre rien ni personne sauf que le ciel te tombe sur la tête !
Par Toutatis, ils sont fous, ces Gaulois !
Après la B.D, l’univers romanesque m’a généreusement ouvert ses portes et fenêtres. J’y suis entré pour ne plus en sortir. Que du bonheur !Je me rappelle le premier livre que j’ai lu en Français, de A à Z,initié, motivé et encouragé par mon prof de français au collège,durant la fameuse leçon de «Lecture suivie». Ce livre est intitulé «Naufragé volontaire » d’Alain Bombard. Est-ce grâce à cet éminents avant que je suis devenu un amoureux fou de la mer, rêvant toujours de devenir un jour un naufragé volontaire ? Est-ce ce livre qui m’adonné cette envie irrésistible et cette soif inassouvie de prendre le large, défiant les flots, en quête d’aventures océaniques et d’îles au trésor ?… Ce même enseignait dont je serai toujours reconnaissant, m’a fait lire la pièce de théâtre «Le voyage de monsieur Perrichon» d’Eugène Labiche. J’aimais lire en classe les répliques de ce personnage, me forçant de trouver l’intonation juste et appropriée, ne me souciant nullement des ricanements de mes camarades qui ont cessé subitement d’être morveux et crasseux, rassurés par leur puberté et se prenant déjà pour des hommes !… Lire cette pièce, à cet âge, m’a sûrement fait aimer le théâtre, cet art que j’ai pratiqué par la suite en tant qu’acteur amateur et metteur en scène, presque toute ma vie.
Monsieur Perrichon, mille et un mercis ! Je vous serai reconnaissant à vie.

(A suivre …)

Mostafa Houmir

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