Lire

Cher lecteur potentiel, je sais que mon texte commence à devenir trop long et pesant et vous prie d’être indulgent et patient et continuer la lecture de cet écrit ennuyeux et rébarbatif. Merci… Je continue : Ce n’est qu’au lycée que les choses sérieuses ont commencé : Voici

venu le temps de la lecture savante et intelligente : Étude de l’œuvre, analyse, argumentation, documentation, critique, impressions, rédaction…Quel labeur mais beaucoup de bonheur ! Des œuvres littéraires comme Germinal, Les Misérables, Les Fleurs du mal, La Répudiation, etc, me resteront toujours en mémoire. Et c’est aussi au lycée que la poésie m’a éclaboussé, m’a caressé, m’a bercé, m’a ému, m’a envoûté, m’a enivré, m’a bouleversé. Ma passion ardente pour la lecture de la poésie a débuté par un regrettable plagiat : A l’époque, l’amitié épistolaire était à la mode. On ne connaissait ni internet ni portable. On envoyait notre lettre par la poste et on attendait que le facteur sonne à notre porte. On dit qu’il sonne toujours deux fois, je ne sais pas pourquoi ! . . . Parmi mes correspondantes, innombrables et charmantes, il y avait une lycéenne algérienne que j’aimais bien. Dans une de ses lettres parfumées, elle m’a envoyé un poème qu’elle avait écrit, d’après ce qu’elle m’a affirmé. Le poème était si beau que je n’ai pas résisté à l’envie de le montrer à ma prof de Français.
Dès qu’elle a lu les premiers vers, elle m’a demandé qui avait écrit ce texte. Quand j’ai expliqué qu’il m’avait été envoyé par ma correspondante d’Algérie. Elle m’a dit en souriant : « Ton amie Algérienne s’appelle-t-elle Verlaine ? » Voyant mon regard interrogateur, elle m’a expliqué que le poème en question était celui d’un grand poète français appelé Paul Verlaine, que mon amie m’était qu’une petite voleuse de vers et que ce délit s’appelait en français «Plagiat»… Le lendemain matin, elle m’a apporté la preuve de son accusation ; le recueil «Poème saturniens» où figurait le poème plagié. J’y ai plongé et j’ai découvert des merveilles. Alors, j’ai eu ce désir si fort de flirter avec les Muses. Ma prof me corrigeait mes première vers de poète en herbe, m’orientait, m’initiait à l’écriture poétique… Grâce à ma prof de français, je suis devenu féru de poésie tout en prétendant être un petit poète sans pour autant avoir la
grosse tête ! Pour moi, écrire un poème est une fête ! Merci, madame Rose Protzel ! Vous voyez, après toutes ces longues années, je retiens encore votre nom, moi qui oublie facilement ce que j’ai fait hier. Cela veut dire tout simplement que je vous en suis éternellement reconnaissant ! Cependant, je pense qu’il est trop tard pour vous avouer que j’étais amoureux de vous en secret et que j’avais du mal à guérir de cette étrange maladie !
Cher lecteur potentiel, permettez-moi de vous qualifier de « complice» comme l’a fait Baudelaire et laissez-moi me confesser : Lire, quel plaisir ! Quelle euphorie ! Quelle féerie ! Dès que je pénètre l’univers imaginaire d’un auteur, je fais des voyages extraordinaires dans l’espace et dans le temps, je fais de fabuleuses aventures. Je m’identifie aux personnages, je les vois et les entends. Je vois les lieux, les êtres et les choses. Je vois tout dans ma tête.
J’oublie mon monde réel, j’oublie mes soucis et mes ennuis, je m’oublie. Lire me soigne et me guérit, lire me soulage et m’adoucit, lire m’enseigne et m’assagit, lire me lave et me purifie, lire me libère et m’affranchit. En lisant, je vois mieux, je constate mieux, je pense mieux, je raisonne mieux, j’analyse mieux, je comprends mieux les hommes, le monde et la vie. En lisant, j’émerge de ma candeur et de ma torpeur, je me libère de mes idées préconçues et de mes arrière-pensées vermoulues, je secoue mes certitudes et mes illusions et me pose des questions, je mets en question mes principes et mes valeurs, je questionne mes croyances et mes utopies, je doute, je me fais face, je m’interroge, je me juge, je me jauge, je me corrige, je
me gronde, je me critique, je prends de nouvelles résolutions, je me fais des promesses. Parfois, je m’y attache et m’y accroche comme à une bouée de secours. Parfois, je les oublie dès le lendemain matin.
Que voulez-vous, cher lecteur potentiel, personne n’est parfait ! Comment oublier toutes ces nuits blanches passées avec un de mes auteurs préférés, dans la quiétude et la sérénité de la nuit, dans le calme et le silence, dans la paix et la tranquillité ? Je lisais, plongé dans mon livre, oubliant tout. Seul l’appel du muezzin m’arrachait à ma lecture, me faisant revenir au monde réel. Quel régal ! Et comme la grâce et grasse matinée était douce après cette nuit
magique et enchanteresse ! Comment oublier tous ces auteurs qui sont entrés dans ma vie grâce à leurs livres, qui sont devenus familiers, intimes, aimés, adorés, vénérés ? Sans me connaître, sans m’avoir jamais vu, ils m’ont tant donné, tant appris, tant aidé, tant dirigé, tant guidé dans ma vie. Je me demande comment serait ma vie, ma façon d’être, mon comportement, sans leur influence. Aurais-je la même vie ? Serais-je la même personne ? Sûrement pas ! Chaque livre que je lis laisse en moi son empreinte. Je ne sors jamais indemne de la lecture d’un livre. Si un livre ne change rien en moi, c’est comme si je ne l’avais pas lu !…
Chaque livre que je lis est une fenêtre ouverte sur le vaste monde. Chaque livre est une bougie qui illumine ma nuit et guide mes pas vers la lumière. Chaque livre est une main qui me prend la main et m’entraîne vers demain. Chaque livre est une brise qui chasse la torpeur et me donne de la fraîcheur. Chaque livre est une fée qui effraie les démons et chasse ma peur. Chaque livre est une expérience de vie, une philosophie, un savoir qui m’assagit. Chaque livre est un conseiller, un maître, un guide, un phare, un complice, un pont, une
passerelle, un ami. Chaque livre est un coffre-fort, un réservoir, un silo, un répertoire, un patrimoine. Chaque livre est un trésor ! C’est pour toutes ces raisons et pour d’autres raisons encore, cher lecteur potentiel, que j’adore les livres. J’aime les regarder, les admirer et je ne peux résister à la tentation de les toucher et de caresser leur couverture. J’adore lire la quatrième de couverture, fermer les yeux et tenter de deviner le contenu et imaginer
l’histoire. Je fais souvent ce jeu amusant : J’ouvre le livre au hasard, je palpe le papier en humant son odeur et je lis quelques lignes. Après, je décide de lire le livre ou non… Pour moi, le livre n’est guère un objet quelconque, vulgaire, terre à terre. Je n’aime pas qu’on le plie, qu’on le froisse, qu’on le salisse, qu’on le maltraite. Le livre est précieux ; c’est un bijou, un joyau! Déchirer un livre ou le brûler est un crime !Et cet objet si précieux, il faut le protéger et le sauvegarder parce qu’il est menacé de disparition dans ce monde devenu trop « moderne».Et pour qu’il perdure, il est urgent de le faire aimer aux enfants.
C’est le plus beau cadeau que l’on puisse leur offrir. Il est cette lampe qui illuminera leur vie et les mènera vers un lendemain meilleur. Il est l’unique moyen de défense, l’unique arme pour combattre les ténèbres. Il les sauvera de l’ignorance et de la barbarie, de l’ignominie et de la sauvagerie, de la haine et de la cruauté, de la violence et de la méchanceté, de la démence et de l’absurdité. Il les rendra intelligents, policés, instruits, civilisés, altruistes, tolérants, fraternels, humains. Le livre est notre bouée de secours, notre issue de secours, notre arche de Noé, notre sauveur bienfaiteur! En guise de conclusion, moi qui aime tant les maximes et les citations, je ne peux trouver mieux que ces vers du grand poète/philosophe Victor Hugo : Dieu, le premier auteur de tout ce qu’on écrit, amis, sur cette terre où les hommes sont ivres, les ailes de l’esprit dans les pages des livres. Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile et peut planer là-haut où l’âme en liberté se meut. Donc au petit enfant donnez le petit livre. Marchez, la lampe en main, pour qu’il puisse vous suivre.
Cher lecteur potentiel, j’espère que vous avez eu la patience de lire ce texte jusqu’à la fin et que vous l’avez lu avec la même jubilation que celle avec laquelle je l’ai écrit ; moi votre humble serviteur. Sinon, vous avez tout le loisir de le jeter à la poubelle. Mais
cherchez un autre texte à lire ! L’important, c’est de lire ! Lisez, m’arrêtez jamais de lire !… A bon entendeur…

Mostafa Houmir
Agadir, le 17/5/2016

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