«L’histoire d’une société qui a du mal à libérer la femme»

C’est là le résumé succinct du nouveau film marocain réalisé par Rachid El Ouali pour une première expérience en tant que producteur, réalisateur cinématographique avec la participation, entre autres, de Yasmine Guerlach, Marc Samuel, Afida Drobinski, Frédéric Graziani, Souad Hamidou, Marie Lenoir, Jean Barney, Abdou Mesnaoui et Nadia Alami, ainsi qu’une fille trisomique prénommée Ghita…
Rachid El Ouali a bien voulu nous parler davantage de son nouveau-né… cinématographique s’entend. Les propos.

Al Bayane : Pour ceux qui n’ont pas encore vu le film, autour de quoi tourne «Ymma» et quel message veut-il transmettre ?
Rachid El Ouali :
Le film traite la problématique des femmes qui se sacrifient au service de l’homme, et qui perdent toute attraction physique dès qu’elles commencent à avancer dans l’âge. Il parle de la femme qui ne peut pas affronter son avenir à travers ses propres empreintes, mais aussi de la femme qui ne connait pas ce que veut dire l’indépendance et qui ne peut pas dire non à ce qu’elle ne veut pas!
Je pense que la femme marocaine n’a pas encore joui de tous ses droits, car si on s’éloigne un peu de Casablanca et de Rabat ou des grandes villes du Royaume, on trouvera que la femme vit toujours soumise à l’homme où plutôt à l’être masculin.
Il y a même des femmes vivant à l’étranger qui endurent la même situation et qui ne bénéficient pas de leurs droits. Elles ne possèdent  aucune liberté où personnalité face à cet être pour lequel elles sacrifient leur vie. Le film évoque donc la problématique de ces femmes en marge de la vie.

Ce premier long-métrage a été intitulé «Ymma», pourquoi cette appellation ?

Le terme «Ymma» rassemble des champs et des espaces qui, définis  dans l’originel, font référence à la mère. Pour moi, «Ymma» c’est bel est bien ma mère. J’ai voulu lui dédier ma première expérience cinématographique pour lui rendre hommage. Autrement dit, même si le film abordait une autre thématique, je l’aurai intitulé «Ymma». N’empêche que dans le film, le personnage principal est fort influencé par sa mère. C’est le seul garçon d’une famille composée pour l’essentiel de filles. Il faut reconnaître que j’ai mis beaucoup de choses personnelles dans le film. Une autobiographie en somme. D’ailleurs, le prénom qui a été donné au personnage principal, qui est Boujemâa, est celui de mon père.

Pour confectionner le scénario, cela vous a pris combien de temps ?

A lui seul, le scénario m’a pris quatre ans d’écriture, avec la collaboration de Hicham Al Asri. Mais je l’ai refait à plusieurs reprises, et à chaque fois je modifiais des détails. Sachant que c’est la 12e version qui a été diffusée. Cela fait beaucoup de travail, mais ça en valait la peine.

Le film a été tourné entre le Maroc et la Corse, pourquoi ces va-et-vient entre les deux rives de la Méditerranée ?
J’ai découvert la Corse en 2005 durant «la Cinémathèque de Corse festival». J’étais ébloui par cet endroit, par ces lieux féériques mais aussi par les Corses eux-mêmes, et surtout par la nombreuse communauté marocaine qui y résidait, et qui est de l’ordre de 44.000 âmes ! J’ai même eu le plaisir de rencontrer certains parmi eux et à chaque fois on me disait pourquoi on ne parle que des étrangers en France, sachant qu’il y’en a partout dans le monde… Cela m’a donné à réfléchir, et du coup j’ai décidé de tourner  là-bas. Il faut avouer qu’on nous a accueillis chaleureusement.

Comment pourriez-vous décrire votre première expérience en tant que réalisateur cinématographique?
Dans le film Ymma, réalisateur n’était pas la seule première expérience… C’était aussi ma première expérience en tant que producteur.
Honnêtement, on a quand même ramé pour obtenir une aide de l’ordre de 400 millions de dirhams, accordée par le Centre cinématographique marocain. Un montant qui demeure insuffisant, pour couvrir les diverses étapes de la réalisation du film, dont le tournage s’est déroulé dans de très bonnes conditions entre le Maroc et la Corse.
On a aussi reçu une proposition importante de financement de la part d’une société corse, mais malheureusement mon bonheur n’était qu’une chimère, car la société a exigé de tourner 50% du film en Corse. Cette condition était à mon sens absurde, et donc j’ai dû abandonner et chercher d’autres sources. Mais en gros, c’était une expérience très riche humainement. J’ai travaillé avec des gens que j’aime, des gens à qui je fais confiance et je pense qu’on a eu un très bon résultat.

On a vu le grand succès qu’a connu l’avant première du film, qui à eu lieu au Mégarama le 18 décembre dernier à Casablanca, sachant qu’elle s’est déroulée au même moment que la demi-finale du Mondial des  clubs, ce qui n’a pas empêché de nombreux spectateurs d’assister à cette avant-première. Cela est-il dû au nombre de fans de Rachid El Ouali, ou s’agit-il tout simplement d’une réconciliation des Marocains avec leur cinéma ?
Je pense que c’est les deux en même temps. D’un côté le public de Rachid El Ouali attendait voir son premier film comme étant producteur, réalisateur et acteur principal… Et d’un autre, le public marocain a exprimé son grand intérêt pour le cinéma national.
A mon avis, les cinéphiles étaient en attente d’un cinéma marocain à leurs goûts et je pense que les échos médiatiques et les chiffres des guichets prouvent qu’on a des gens qui se déplacent pour aller voir de bons films, même durant une demi-finale mondiale du foot, où une équipe marocaine, le RAJA, était impliquée.
Les Marocains sont toujours des amateurs du grand écran. D’ailleurs beaucoup de gens se sont retrouvés dans ce film, chose qui me réjouit, et qui est une preuve de réussite et un encouragement pour moi.

On a entendu qu’après le grand succès que connaît cette première expérience, vous êtes déjà en train de plancher sur le 2e scénario d’une nouvelle réalisation cinématographique ?
Effectivement, je suis en pleine écriture pour un deuxième film, mais je pense que cette fois je le ferai sans l’aide de personne. Autrement dit, je vais le produire moi-même.
Je pense qu’on doit apprendre à faire de bons films de qualité, avec des budgets raisonnables. Car compter sur les autres, ce n’est pas toujours évident. C’est donc un grand défi que je suis en train de lancer, mais qui est largement réalisable.  

Entre le grand écran, le théâtre, les films, ou séries et émissions  télévisées, où va votre choix ? En d’autres termes, quelle camera vous attire le plus ?

Chaque camera, chaque plateau à un goût différent de l’autre. Par exemple, le théâtre ça se passe devant des spectateurs qui se déplacent pour voir une pièce… Après, ce sont  des applaudissements ou rien. C’est un grand risque, mais avec beaucoup de charme en parallèle. Le cinéma aussi. Contrairement aux émissions et aux films télévisés ou séries, sur ces plateaux de télévision, c’est bien l’acteur ou l’animateur qui voyage vers le public. Mais tout ça se résume en un seul mot, «l’Art». Et je ne pense pas qu’il y’a pas plus noble. Car avec l’art on peut faire beaucoup de choses. Peu importe la scène. Et on peut donner à réfléchir aux gens, les faire rêver, voire bien plus…

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