Lutte contre l’analphabétisme, des efforts ambitieux mais qui peinent à porter leurs fruits

Le Maroc a déployé, durant la dernière décennie, des moyens considérables pour accélérer le processus de lutte contre l’analphabétisme. Mais en affichant un taux d’environ 32% alors que le monde commémore la journée nationale de lutte contre l’analphabétisme ce 13 octobre, il s’avère qu’un long chemin doit être parcouru pour venir à bout de ce fardeau qui pèse sur le développement économique et humain du Royaume.

L’analphabétisme est, en effet, un fléau qui, d’un côté, freine significativement la croissance économique du pays, et de l’autre, empêche les couches sociales les plus défavorisées de bénéficier de leur droit constitutionnel d’accéder à un enseignement qui leur garantit une intégration sociale et une vie digne. Les gouvernements successifs ont ainsi érigé cette problématique en une priorité de premier plan, en mettant en place des stratégies et des programmes nationaux très ambitieux, mais qui ont montré leurs limites.

La création en 2013 de l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme (ANLCA) constitue, dans ce sens, un témoignage de la détermination sans faille du Maroc en vue d’éradiquer l’analphabétisme et promouvoir l’éducation en tant que l’un des droits de l’Homme cardinaux. L’ANLCA a été chargée ainsi du projet de mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre l’analphabétisme à travers une feuille de route à l’horizon 2024.

L’objectif final de ce projet est de réduire la moyenne générale d’analphabétisme à moins de 5% à l’horizon 2024, en éradiquant l’analphabétisme des jeunes âgés de 15 à 24 ans et en améliorant les compétences de la population active analphabète ou semi-analphabète.

Pour atteindre cet objectif, la feuille de route prévoit l’accélération du rythme de réalisation en éradiquant l’analphabétisme chez un million et deux cent mille bénéficiaires par an d’ici 2024, le renforcement de l’opération de transition vers une alphabétisation qualificative et variée, l’amélioration de la qualité de l’intervention, la garantie d’un financement suffisant et durable et l’instauration d’une bonne gouvernance.

Néanmoins, selon les chiffres de l’ANLCA, le nombre annuel des bénéficiaires des programmes d’alphabétisation dépasse à peine 600.000 personnes, et pour cause principale, le manque de ressources financières. En effet, pour relever le pari de l’alphabétisation en 2024, il faudrait toucher deux millions de bénéficiaires chaque année, ce qui nécessite un montant de mille dirhams pour chaque personne, soit une somme de deux milliards de dirhams sur une période de dix ans, selon le directeur du Département de la coopération internationale et de la promotion de partenariats au sein de l’ANLCA, Abdellah Khaloub.

Cette impasse démontre clairement que l’engagement de l’Etat seul ne pourrait pas aboutir aux résultats escomptés, et qu’il est primordial d’impliquer l’ensemble des acteurs et intervenants, notamment le secteur privé, le tissu associatif et les organisations internationales. Dans ce sillage, l’ANLCA a pris l’initiative d’organiser, les 13 et 14 octobre à Skhirat, les Assises nationales de l’alphabétisation, placées sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, dans la perspective de réduire le taux d’analphabétisme à moins de 10% à l’horizon 2026.

Selon les organisateurs, cet événement initié en partenariat avec l’Union européenne, sous le thème «L’alphabétisation: équité, engagement et partenariat», constitue une plate-forme de dialogue par excellence pour examiner la situation de l’analphabétisme au Maroc et favoriser un espace de concertation et de participation active, en vue d’élaborer des recommandations permettant d’améliorer le système d’alphabétisation.

Cette manifestation connaîtra ainsi la participation de 500 intervenants des secteurs public et privé, ainsi que des partenaires financiers et techniques et des acteurs représentant les conseils élus, les associations et les coopératives.

L’analphabétisme, qui touche plus de 8 millions de personnes au Maroc, requiert aussi une approche transverse qui implique plusieurs départements concernés. Ainsi, le programme de lutte contre l’analphabétisme dans les mosquées, lancé par le ministère des Habous et des Affaires islamiques, vise 1.500.000 bénéficiaires durant la période quinquennale 2015-2016 et 2019-2020, soit un taux de 300.000 bénéficiaires pour chaque année scolaire.

L’accès à l’éducation est un pilier fondamental de la dignité humaine et un levier de taille pour la construction d’une société cohérente et solidaire portée sur le développement durable. Pour mener à bien cette mission, il est nécessaire de mettre en place une approche innovante qui mobilise toutes les parties concernées et optimise l’utilisation des ressources disponibles, et ce en favorisant la jonction entre le processus d’alphabétisation et l’appui pour la mise en place des projets générateurs de revenus et de lutte contre la pauvreté.

Ilias Khalafi (MAP)

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