Malek Chebel, le théoricien de l’Islam des lumières n’est plus…

Malek Chebel, anthropologue, psychanalyste et philosophe libéral, inventeur du concept «d’Islam des lumières » connu pour ses travaux sur l’islam et la sexualité et prônant un Islam aux antipodes de celui où certains «obscurantistes» s’évertuent encore à le confiner est décédé durant la nuit du 11 au 12 Novembre 2016. Il avait 63 ans.

Le défunt a beaucoup travaillé sur la sexualité en Islam. On lui doit notamment «L’érotisme arabe» et «Le kama-sûtra arabe»; des ouvrages qui ont fait polémique mais qui ne furent pas les seuls, toutefois, puisqu’il a aussi  publié «Le Corps en Islam», le «Dictionnaire amoureux de   l’Islam», le «Dictionnaire Encyclopédique du Coran» et même une « Anthologie de l’érotisme arabe».

Le défunt, qui est né en 1953 à Skikda en Algérie, plaidait pour un Islam libéral. Il a fait ses études primaires et secondaires en Algérie où il a décroché son Baccalauréat Philosophie-Lettres Arabes en 1973 puis s’est envolé pour la France en 1977 pour y suivre les cours de Jean Laplanche. Il obtiendra en 1982 un premier doctorat en psychanalyse et psychopathologie clinique à l’Université Paris VII puis, en 1983, un Doctorat en Ethnologie, Anthropologie et Sciences des religions à l’Université Jussieu et, en 1984, un Doctorat de Sciences Politiques à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

Le défunt qui a intégré en 1995 la Direction de Recherche de La Sorbonne a exercé et donné des conférences dans les Universités des cinq continents et laissé à la postérité une quarantaine d’ouvrages dont les derniers sont « L’inconscient de l’Islam : Réflexion sur l’interdit, la faute et la transgression » (2015) et « Désir et beauté en Islam » (2016) ; deux ouvrages publiés aux éditions du CNRS.

En 2002, Malek Chebel avait publié «Le Sujet en Islam», un ouvrage que d’aucuns ont considéré comme étant offensant pour les musulmans dans la mesure où l’auteur y évoque le mariage «de volonté divine» du prophète avec la belle Zainab qui n’est autre que la femme de son fils adoptif. Mais le défunt qui ne s’est pas avoué vaincu pour autant a continué à «dépoussiérer» l’Islam parvenant même à se faire reconnaître comme étant un «libérateur de la femme» après l’incessant combat qu’il a mené contre tous les refoulements et tous les blocages pour réhabiliter le désir féminin. Il a condamné, avec vigueur, cette image de la femme qui, en devenant un «épicentre de la transgression» a été ravalée au rang «d’entre-cuisses», de «momie privée de jouissance» car, dira-t-il, «dès l’instant où elle commence à jouir (donc) à être maîtresse de sa jouissance, (la femme) exprime son autonomie».

Selon Malek Chebel, c’est le monde arabe qui, grâce à sa «culture érotique ancestrale» fondée sur «l’amour courtois» a inventé ce qu’il est convenu d’appeler «les préliminaires». Aussi, s’est-il attelé à chercher dans l’Islam les espaces de liberté et d’intelligence loin de tout dogmatisme et de tout rigorisme et de tous effets réducteurs y afférents pour lui permettre de devenir «une chance et non une contrainte ou un enfermement» et  au musulman de retrouver une certaine modernité sans «perdre sa foi» étant donné que « son affranchissement est contrecarré par la prééminence du divin sur l’humain et par l’obéissance qui conditionne puis verrouille la foi des fidèles». Malek Chebel est devenu, ainsi, un «éclaireur» qui a mis toute l’étendue de sa culture et de son  expérience au service de la lutte pour la civilisation actuelle laquelle se trouve menacée par l’islamisme.

Décoré en 2008 de la Légion d’Honneur par le Président Nicolas Sarkozy, Malek Chebel est le parfait exemple d’une intégration réussie par la voie de la méritocratie. Il a fait partie du Groupe des Sages qui, avec Romano Prodi, le président de la Commission Européenne avait donné naissance à la première charte euro-méditerranéenne en se penchant sur la question des implications culturelles induites par l’Europe dans ses rapports avec la rive Sud de la Méditerranée.

D’après son fils, la dépouille du défunt sera transférée ce lundi en Algérie pour y être inhumée après une éventuelle cérémonie d’adieu en région parisienne.

Nabil El Bousaadi

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