Bien qu’adopté formellement par plus de 150 pays lundi dernier, le «Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières» poursuit son combat. Rien n’est encore acquis pour ses initiateurs qui continuent de défendre sa légitimité. L’annonce lundi soir du retrait du Brésil, en janvier prochain du Pacte, alors que son ministre des affaires étrangères l’avait signé lundi matin à Marrakech, confirme que le Pacte a encore du chemin à faire. D’ailleurs, dans leurs discours, plusieurs délégués et représentants de l’ONU, ont persisté à souligner l’importance du multilatéralisme dans la gestion de la migration, à l’adresse des adversaires, mais aussi des partisans du pacte, pour les garder dans le bateau. Sachant que le texte doit faire l’objet d’une ultime ratification le 19 décembre prochain lors de l’Assemblée générale de l’ONU.
Si l’annonce de la signature du Pacte a été accueillie lundi dernier par des salves d’applaudissements, rien n’est encore gagné. Il faudra continuer à défendre le Pacte, puisque son adoption officielle du Pacte est prévue pour le 19 décembre prochain lors de l’Assemblée générale de l’ONU. «Le Pacte sera adopté officiellement à l’assemblée générale de l’ONU. Les Etats membres donneront donc leurs positions officielles sur le Pacte et s’ils ont une quelconque objection, ils pourront également le faire savoir», a déclaré le porte-parole de la Conférence, Charbel Raji.
Alors que plusieurs organisations et Etats ont salué le Pacte et en ce moment, organisent des rencontres en vue de la mise en œuvre de ce pacte, dans les plus brefs délais, il reste encore à convaincre plusieurs Etats. Ainsi, dans son mot d’ouverture, Antonio Guterres, SG de l’ONU, a insisté que « le Pacte n’est pas un traité, et est donc non contraignant et n’enfreint pas la souveraineté des Etats. «Certains pays ne sont pas avec nous aujourd’hui. Je ne peux qu’espérer qu’ils verront la valeur du Pacte pour leurs propres sociétés et se joindront à nous dans ce chemin», a-t-il déclaré. «Si certains pensent que le multilatéralisme concurrence la souveraineté, nous démontrons aujourd’hui que ce pacte est dans son essence un acte de souveraineté», a précisé Nasser Bourita, président de la conférence, dans son discours d’ouverture, tout en ajoutant qu’«il en est l’outil et l’essence de sa résilience».
Le combat se poursuit en Europe
Le pacte adopté formellement à Marrakech continue de faire l’objet de tensions, surtout parmi les pays européens. Si certains pays se sont retirés, d’autres qui ont fait tout de même le déplacement dans la ville ocre (France, Belgique, Allemagne…) devront encore affronter l’opposition dans leur pays. Au milieu de ces réticences, notamment les oppositions de l’extrême droite, la France dont le président Emmanuel Macron, était attendu à Marrakech, s’est plutôt fait représenter par son secrétaire d’Etat aux affaires étrangères.
Alors que la participation de la Belgique à quelques jours de la conférence restait peu probable, en raison du bras de fer avec les partis nationalistes, le chef de gouvernement belge, Charles Michel, est parvenu à faire le déplacement à Marrakech, pour approuver le Pacte mondial sur la migration. Une décision qui n’a pas rencontré l’approbation de la coalition gouvernementale, entrainant la démission de plusieurs ministres, quelques jours avant la Conférence de Marrakech. Dans son discours, le chef de gouvernement est revenu sur le bras de fer avec le gouvernement. « En septembre aux nations unies, j’avais assuré l’engagement pour la Belgique de soutenir le Pacte. Mais quelques semaines après en Europe, dans plusieurs pays européens, dont le mien, des débats vifs ont eu lieu, avec une démarche ayant consisté à instrumentaliser le pacte, pour colporter, mensonges, pour susciter les peurs et les angoisses», a-t-il déclaré. Et d’ajouter : «comme chef du gouvernement, j’ai été confronté à une difficulté politique, parce que l’un de mes partenaires a choisi de faire volte-face et a changé d’avis ». Soulignant que la seule option restante était de se tourner vers le parlement. « Plus de deux tiers des parlementaires ont choisi de soutenir le pacte pour les migrations », a-t-il ajouté dans son allocution d’ouverture. «Je n’ai plus de majorité parlementaire dans mon pays, mais je me tiens devant vous, fier des convictions portées par la Belgique. Avec mon pays et mon gouvernement, nous soutenons ce Pacte», a-t-il déclaré. Alors que le gouvernement belge était critiqué pour sa politique austère en matière de migration, Charles Michel a annoncé que son pays avait fait le choix d’être du bon côté de l’histoire».
Le secteur privé américain regrette le rejet du pacte par les USA
Du côté des USA, premiers à s’opposer au Pacte mondial sur les migrations, la position du pays n’est pas soutenue par tous. D’ailleurs, certains représentants du secteur privé américain, des acteurs de la société civile…présents à Marrakech ont déploré le rejet de ce Pacte par les Etats Unis. Ils ont exprimé leur tristesse de voir que le pays ne soit pas représenté à la conférence.
L’Afrique unie autour du Pacte
Alors qu’en Europe, les rejets du Pacte se sont multipliés. Parmi les pays africains, le texte fait l’unanimité. De nombreux pays africains, dont des chefs d’Etat et de gouvernement, des ministres des affaires étrangères du Malawi, des Comores, de la Guinée Bissau…ont fait le déplacement à Marrakech. S’exprimant au nom de l’Afrique, le président des Comores, qui a été le porte-parole de l’Afrique durant les négociations du Pacte, a déploré le retrait de certains Etats de ce pacte. «C’est avec regret que je constate que certains pays se sont retirés du Pacte mondial alors qu’il vise à atténuer les facteurs négatifs et structurels qui empêchent les individus de vivre dans leurs pays d’origine». «Il ne promeut en aucun cas les migrations de masse», a-t-il souligné, appelant pour sa part au pragmatisme, à la responsabilité et l’abnégation pour traduire en actions, le contenu du pacte. «Nous, en tant que pays africains, appelons à la mise en œuvre rapide du pacte, au renforcement des capacités des Etats membres, en particulier ceux des pays d’origine des migrants», a souligné Azali Assoumani. «Les dispositions importantes de ce pacte appelant à la coopération internationale et au financement vont apporter des réponses adéquates pour créer un environnement propice, le tout en synergie pour créer un développement durable», a-t-il souligné.
DNES à Marrakech – Danielle Engolo