Marché du Conseil: «Faire du CI un levier et le socle de base de l’économie»

Trois questions à Nabil Benazzouz, Président de la FMCI

Nabil Benazzouz, Président de la Fédération marocaine du conseil et de l’ingénierie (FMCI) a accordé une interview à la MAP, dans laquelle il a mis l’accent sur le rôle crucial du conseil dans l’entreprise et dans l’économie en général. M. Benazzouz a de même évoqué des fragilités dont souffre cette industrie, soulignant la nécessité d’une reconsidération de la perception du rôle du conseil et de l’ingénierie aussi bien dans l’économie locale que dans les ambitions nationales de rayonnement régional et continental.

Quel rôle l’industrie du conseil est-elle appelée à jouer en faveur des entreprises marocaines en cette période de crise sanitaire? Est-ce que la crise a incité les entreprises à prendre davantage conscience de ce rôle ?

Il convient d’abord de mettre l’accent sur les défis nationaux et les besoins en Conseil et Ingénierie (CI) :
– Des programmes stratégiques : Régionalisation, Eau, Environnement, Développement Rural, Energies, Infrastructures Habitat, Industrie, Numérique, Ports, Logistique…exigeant de grandes compétences en CI ;
– Un patrimoine plus que jamais demandeur d’une réelle politique en CI à même d’assurer sa pérennité et sa résilience;

– Un savoir-faire innovant à même de favoriser une meilleure résilience face aux crises et catastrophes naturelles ;

– Un savoir-faire national en CI rayonnant en interne vis-à-vis des investissements étrangers et aussi tête de pont de la coopération sud sud.

De par la nature transversale des prestations du CI accompagnant l’ensemble des phases du cycle de vie des projets d’investissements : planification, programmation, conception, réalisation, exploitation, maintenance et évaluation et le retour d’expérience, la FMCI, représentant depuis 1976 les bureaux de conseil et d’ingénierie, se trouve implicitement concernée par le processus de réflexion sur un nouveau modèle économique pour le Maroc.

Avec l’avènement du premier contrat-programme 2018/2022, signé avec le Gouvernement en septembre 2018, elle a estimé opportun d’initier une analyse croisée dynamique des différentes mesures prévues par ledit contrat-programme avec les stratégies nationales connexes : régionalisation avancée, relance de l’habitat, Maroc vert, accélération industrielle, énergie, digital, développement durable, eau, recherche et innovation, emploi, …

En mars et avril 2020, la FMCI avait informé des actions menées, dès les premiers jours de l’avènement de la crise Covid-19, par notre secteur du Conseil et de l’ingénierie dans l’approche adoptée par les pouvoirs publics sous les Hautes directives de SM le Roi Mohammed VI pour faire face aux conséquences sanitaires et socio-économiques de la pandémie.

Aussi, la FMCI avait-elle confirmé la création dès le 17 mars 2020 en son sein d’une « cellule de veille, d’écoute et de soutien » dont l’un des trois objectifs était de contribuer, avec les autres forces vives du pays, aux efforts déployés par le gouvernement pour atténuer les effets de la pandémie et son impact sur le développement socio-économique.

Un certain nombre de recommandations et d’actions avaient été alors proposées notamment l’assistance aux pouvoirs publics durant la période de relèvement, la continuité des grands chantiers de Bâtiment et Travaux Publics, l’atténuation des effets du confinement sur le monde rural, la résilience interne et l’accompagnement dans la sortie du confinement progressif.

Il s’agit en outre de mesures post crise à l’instar du repositionnement de l’activité économique nationale de telle manière qu’elle puisse pallier entre autonomie et souveraineté d’une part et internalisation et mondialisation d’autre part.

Ces propositions s’articulent autour de plusieurs axes dont notamment l’économie circulaire, la création d’activités à valeur ajoutée dans l’industrie et les services associés, l’élaboration de normes spécifiques au contexte national permettant de protéger les produits, matériaux, procédés et services locaux, l’amélioration de la gestion des marchés, accélérer les délais de paiement et mise en place d’un mécanisme durable et robuste d’anticipation et de gestion proactive des crises écologiques et sanitaires à grande échelle.
Maintenant est-ce que l’écosystème des entreprises au Maroc a bien pris conscience de ce rôle central du conseil et de l’ingénierie ? En tout cas, le développement du « made in Morocco » passe inéluctablement par la reconsidération de la perception du rôle du conseil et de l’ingénierie aussi bien dans l’économie locale que dans les ambitions nationales de rayonnement régional et continental.

Quel état des lieux dressez-vous du marché du conseil au Maroc ?

Des modes et des niveaux de rémunération du CI (toutes branches confondues : conseil, étude, suivi, laboratoire, …) inappropriés avec des estimations de maîtres d’ouvrages n’atteignant parfois même pas 70% du coût de revient voire même moins et des offres de concurrents encore plus basses !

Des textes régissant l’accès à la commande (décret de passation) et la gestion des prestations de CI souffrant de plusieurs incohérences et distorsions car souvent revus partiellement et en différe  les uns par rapport aux autres.  Un système d’agrément des bureaux de CI instauré en 1999 comme palliatif partiel et provisoire d’une vraie structuration globale avec des réformes partielles opérées essentiellement au niveau du règlement intérieur et dictées par des réactions hâtives à certains incidents ponctuels.

Un système de qualification et de classification des laboratoires ayant vu le jour en 2014 (qualification) et en 2015 (classification) après de longues années d’attente dont l’urgence de sa refonte est plus que jamais d’actualite  eu égard à la confusion régnant dans cette branche d’activite  hautement sensible et importante pour tout l’écosystème.

Une insuffisance de référentiels de reconnaissance de savoir-faire aussi bien à l’échelle individuelle (collaborateurs : experts, ingénieurs, techniciens) qu’à l’échelle de firmes de CI (Labels, laboratoire de référence, …).

Une « absence/insuffisance » d’évaluation de tout le processus des prestations de CI (du lancement d’appels d’offre par le maître d’ouvrage à la réception voire jusqu’à l’exploitation pour certains cas) et surtout des actions et sanctions éventuelles à entreprendre en conséquence.

Quelles sont les perspectives de croissance mais aussi les défis qui se dressent dans ce domaine ?

Les potentialités de croissance du conseil et de l’ingénierie pourront être celle de l’économie marocaine si le CI est perçu comme le levier et le socle de base devant accompagner ladite économie. Le Conseil et l’ingénierie en tant que prestation intellectuelle par excellence devra être valorisée et implémentée dans la trame de base de toute approche rationnelle de gouvernance et de développement compétitif de la planification à l’aboutissement.

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