«Marrakech is the best»

Je ne lui avais rien demandé…mais comme nous nous sommes retrouvés tous les deux seuls, les autres invités tant déjà partis, dans la navette qui nous emmène à la cérémonie de clôture du festival du Caire, il me dit après un premier échange de politesse «Marrakech is the best festival». Il sait de quoi il parle cet irakien d’origine, aux multiples passeports.

C’est un véritable globe trotter des festivals ; je l’avais déjà croisé à Berlin, Cannes et Doha…il officie d’ailleurs comme conseiller artistique de plusieurs festivals et il est sur un méga projet de festival, pour 2017, dans une célèbre station balnéaire du moyen orient. De Tunis au Caire, le festival de Marrakech est sur toutes les lèvres. Mon ami irakien le cite comme un modèle qui a réussi dans la région avec Dubaï sans les moyens colossaux de ce dernier. Le constat est unanime. Un vétéran de la cinéphilie maghrébine, un Algérien me dit tout simplement sans aucune forme d’introduction : «C’est une très bonne idée Béla Tarr à la tête du jury de Marrakech».

Ce discours laudatif qui se comprend objectivement, s’explique, par son ampleur cette année ou ces dernières années, en grande partie par l’impasse que connaissent certains festivals historiques de la région, notamment les plus anciens d’entre eux, Carthage et Le Caire. La crise du contexte politique suite aux soulèvements populaires de 2011 et 2012 a fini par avoir des répercussions sur ces festivals dans leur logistique et dans les moyens dont ils disposent. Cela a fini par se traduire par des crises d’organisation dans le cas de Carthage et par une crise de nature identitaire, pour le festival du Caire qui souffre en outre de la fin du système des stars  qui avait fait sa popularité.

Il est alors instructif de voir l’analyse faite par les journalistes et critiques de cinéma égyptien face à une édition 2016 très moyenne dans sa programmation et très faible dans son organisation. Il est tout aussi instructif de faire un parallèle avec la fausse polémique lancée au Maroc autour de ce que certains ont appelé l’absence du film marocain du festival de Marrakech. Au Caire, il y a eu également une même polémique, cette fois non pas sur l’absence mais sur la présence, jugée par la plupart des observateurs, très «médiocre», des films égyptiens en compétition officielle. Certains sont allés même jusqu’à se demander si ces films ont été visionnés par la commission qui figure dans l’organigramme du festival. D’autres ont tout simplement proposé de doter le festival du Caire d’un directeur artistique étranger (sic) ! Je renvoie ici au dossier consacré au sujet par le quotidien (réputé sérieux et cinéphile) Almasry alyoum, au lendemain de la clôture du festival.

Il faut dire que les deux festivals portent encore les stigmates de leur dépendance du ministère de la culture ; et cela pèse à la fois sur l’organisation avec la prépondérance de la logique «fonctionnaire» qui se traduit entre autres par le non respect des horaires pour raison «politique» : on attend un haut responsable par exemple. Et sur la ligne éditoriale puisque celle-ci doit être idéologiquement correcte notamment en termes «patriotiques». Avouons que tout cela n’a que peu à voir avec le cinéma encore moins avec la cinéphilie.

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