Mères célibataires : un drame occulté

Avoir un enfant hors mariage, être mère célibataire est synonyme pour la grande majorité des jeunes filles et femmes  d’une exclusion, d’un rejet de la famille, de celui de la société. Elles sont considérées comme des prostituées et les enfants nés de ces unions sont malheureusement considérés par beaucoup comme des bâtards. Chaque jour au Maroc, 83 mères célibataires donnent naissance à des enfants en dehors du mariage et 8.704 sont adolescentes. Dans une société comme la nôtre, quel est l’avenir de ces jeunes mères célibataires? Qu’adviendra-t-il de l’enfant à naître? 

Selon les différentes associations d’aide aux mères célibataires dont les plus actives sur le terrain depuis des années sont INSAF, INSAT, 100% Mamans, chaque année c’est plus de 40.000 enfants qui naissent  hors mariage au Maroc. Aujourd’hui, la capacité d’accueil de ces différentes associations et d’autres ONG, qui elles aussi participent au soutien, à l’aide des mères célibataires, se trouvent dépassées et dans l’obligation de refuser de prendre en charge ces jeunes femmes enceintes, qui du coup se retrouvent toutes seules confrontées à la dure réalité du terrain, au regard de la société et nombreuses sont celles qui tombent dans les filets d’une véritable mafia.

Le grand problème, c’est que  la plupart des pères ne veulent pas reconnaître leurs enfants, et donc ne pas officialiser leur union,   laissant ces mères célibataires seules, face à une exclusion et une discrimination quotidienne, le plus souvent dans le dénuement total, la pauvreté et la précarité.

Aujourd’hui, on parle de plus en plus des mères célibataires. C’est un sujet qui suscite le débat. Il ne laisse pas indifférent comme autrefois. On ne peut plus fermer les yeux, boucher les oreilles, rester silencieux face à un tel sujet qui nous interpelle tous : parents, frères, sœurs, société civile, associations, parlement, gouvernement …

La situation des mères célibataires, qui faut – il le rappeler,  sont de plus en plus nombreuses, est une priorité eu égard  aux nombreux drames qui découlent de cette situation, que certains veulent occulter, passer sous silence, imposer une sorte d’omerta, alors que la situation des mères célibataires est un sujet d’une importance capitale qui prend, notamment une ampleur considérable.

Des chiffres qui interpellent

En l’absence de chiffres récents concernant la situation des mères célibataires, nous nous reportons aux chiffres de 2011 et nous relevons que  le Maroc comptait  220.000 mères célibataires. Elles ont donné naissance à 500.000 enfants entre 2003 et 2010 selon les résultats d’une enquête réalisée par l’Association INSAF  rendue publique début 2011.

Naturellement aujourd’hui, ces chiffres sont à revoir à la hausse,  surtout dans le contexte actuel marqué par une plus grande liberté.
Pour la seule ville de Casablanca, on compte chaque année 5. 000 enfants qui naissent hors mariage. C’est à prendre au sérieux car souvent ces enfants se retrouvent dans la rue et finiront par grossir les rangs de la délinquance et de la criminalité.
Evoquer aujourd’hui la situation des mères célibataires au Maroc, c’est évoquer le drame d’une société où le droit de la famille repose exclusivement sur l’institution du mariage et sur les rapports de filiation légitime. Mais nombreuses sont les jeunes filles qui entretiennent des relations avec leurs fiancés, ou un homme qui promet monts et merveilles, mais qui n’assument plus leurs responsabilités dès que la jeune fille se retrouve enceinte hors mariage. Ces jeunes femmes se retrouvent du jour au lendemain seules, abandonnées, confrontées à une situation ardue empreinte de confusion.

Violences multiples

Les problèmes rencontrés par ces femmes, que ce soit pour leur admission à l’hôpital, pour l’accouchement, leur insertion sociale, la prise en charge de leurs enfants est synonyme de problèmes parfois insurmontables, plus particulièrement pour celles qui ont choisi de garder leurs enfants, tant pour déclarer officiellement leur enfant à l’Etat civil ou les scolariser dans une école publique.

Il est certes vrai que de grandes avancées ont été réalisées pour le droit des femmes  grâce à la  réforme du Code du statut personnel au Maroc, plus communément appelé la Moudawana, que la constitution de 2011 dans son préambule accorde des droits à la femme,  mais il n’en demeure pas moins vrai que des obstacles persistent, que des injustices à l’adresse de ces mères célibataires sont réelles et quotidiennes.

Les mères célibataires sont très souvent de jeunes filles sans expérience, qui cèdent facilement à leurs petits amis, ou de jeunes fiancées qui ont confiance, de petites bonnes ou tout simplement des jeunes filles du quartier souvent  violées par des repris de justice récidivistes, des criminels qui s’attaquent aux plus faibles et aux plus vulnérables.

Dans ce registre, les différents tribunaux du Maroc traitent ce genre de délits chaque jour.

Ces mères célibataires gardent souvent leur mésaventure secrète par peur, honte- et ce n’est qu’à la découverte de leur grossesse, qu’elles réagissent et s’exposent du même coup à une autre injustice beaucoup plus dure, plus difficile à supporter : la réaction familiale, celle des frères, sœurs, oncles  et  plus particulièrement, le regard des voisins et surtout des voisines.

Ces jeunes filles subissent une triple violence du fait qu’elles avaient subi des viols, sont rejetées par leurs familles et honnies par la société.

Oulad Lahram

Dans la plupart des familles, il n’est absolument pas question que la jeune fille puisse être vue dans cet état par son père ou ses frères. Elle sera considérée comme une prostituée.

Face au regard critique que la société pose sur elle, sans appui ni reconnaissance, la mère célibataire, souvent pauvre et analphabète, n’a souvent d’autre choix que d’abandonner son enfant. Parmi ces abandons, un grand pourcentage se fait au niveau des hôpitaux.

Dans d’autres situations, la mère célibataire remet son enfant à une femme qui l’a prise en charge jusqu’à son accouchement. Cet enfant sera remis à d’autres personnes- Mais là où ça fait mal c’est quand ces pauvres créatures innocentes sont abandonnées sur la voie publique, dans des décharges publiques ou des toilettes.

Les mères célibataires sont une réalité à laquelle il nous faut trouver des solutions adaptées. Il faut cesser de condamner ces pauvres créatures innocentes, qui sont des victimes que l’on s’acharne à stigmatiser et à condamner dans notre société. Même leurs enfants ne sont pas épargnés et certains les désignent sous le nom injurieux de oulad Lahram.

La question des mères célibataires est  une réalité amère, un phénomène qui prend de l’ampleur au fil du temps, et qui  ne semble pas s’arrêter. Allons-nous rester inactifs, regarder en spectateurs passifs ce drame que beaucoup veulent occulter ? Faut – il laisser les associations de soutien et d’aide aux mères célibataires se débattre toutes seules avec leurs moyens très modestes ou au contraire l’Etat doit-il s’investir et assumer pleinement, entièrement et totalement ses responsabilités au lieu d’appliquer  la politique de  l’autruche.

Ouardirhi Abdelaziz

Top