Nos médinas entre la gentrification et l’abandon

Le déplacement à travers le royaume permet de constater in visu le renouvellement du tissu urbain à travers l’ensemble du territoire national. Un constat mitigé où les anciennes médinas, substrat de notre patrimoine, sont délaissées.

Certes des efforts ont été effectués pour que la remise à niveau de certaines médinas s’effectue ; même si la restauration s’est réalisée sans respect avec la spécificité des sites et leurs signatures. Un défi non relevé aboutissant à une homogénéisation occultant la diversité esthétique des médinas et leur différenciation.

L’initiative privée s’est aussi investie pour la restauration de monuments historiques d’intérêt national ; elle reste toutefois plus que limitée, eu égard à ses possibilités financières.  

Il reste donc à faire et l’urgence nécessite une mobilisation générale, particulièrement celle des acteurs locaux, pour que la réhabilitation des médinas puisse s’intégrer dans le développement durable et intelligent des villes, sans concurrence aucune ni marginalisation.

Des évidences dont le rappel n’est pas superflu ; « et rappelez-vous, car le rappel profite… ». En effet, si la prise de conscience de la dégradation des médinas date d’une quarantaine d’années environ, l’action à mener pour y pallier est restée fragmentaire dans le temps et dans l’espace, dissipée faute d’une stratégie nationale pour la préservation et la réhabilitation des médinas.

Nos médinas se sont constituées à travers l’histoire dont chaque période a été marquée par une expansion urbanistique ou parfois une destruction presque totale. Elles ont contribué au rayonnement du Royaume du Maroc à travers leurs échanges commerciaux, leur attractivité culturelle et leur leadership cultuel.

L’édification de la « ville nouvelle » a drainée les habitants les plus aisés vers les nouveaux bâtiments, laissant la médina croupir sous le poids d’une densification de sa population sans pour autant assurer le maintien de son bâti et les conditions de sa saine physiologie. Ce qui a été le creuset de la vie citadine, entre la conservation de la tradition dans sa splendeur, l’ambition de l’émancipation et l’initiation de la modernité est devenu un dormitoir d’une population prolétaire, à la recherche de sa survie en tout instant.

En plus du délabrement du bâti, de la paupérisation de la population, des zones et des comportements de non droit s’abritent dans cet « habitat menaçant ruine ». La médina est laissée à elle-même dans sa dérive que les replâtrages occasionnels et fragmentaires n’arrivent pas à inverser.       

Il est à souligner que si les conditions d’une probable rénovation globale ne se trouvent pas remplies, des processus de gentrification ont pu aboutir à « une renaissance urbaine » de certaines médinas ou au moins à raviver l’espoir que cela reste du domaine du possible.

Les situations sont différentes. Entre Marrakech et Safi ; Essaouira et Azemmour ; Asilah et Chefchaouen ; Rabat, Salé et Fès, Meknès … etc., l’engouement (surtout exogène) n’est pas le même, les moyens mis à contribution, la dynamique de rénovation et son suivi, le degré de réussite de la réhabilitation urbaine et ses conséquences restent aux antipodes entre certaines médinas et les autres. Cette redynamisation sélective montre ses limites et ses insuffisances alors que les médinas, dans leur ensemble, nécessitent une approche globale mise en œuvre par l’Etat et les collectivités locales. L’investissement pour des raisons économiques dans ces espaces doit intégrer l’effort de requalification de la médina et non le commander, eu égard à sa charge patrimoniale, à la nécessité du respect de « ses caractéristiques matérielles et sociales d’origine ». La politique publique visant l’intégration de la médina dans le développement durable et intelligent de la ville doit assurer la pérennité de son impact sur le tissu urbain ancien et celui qui, nouveau, le prolonge. Elle ne peut être efficiente si elle est limitée à quelques façades et pour une durée limitée car la déchéance s’aggravera.

Il est temps d’instaurer « un conseil de la médina » où siègent l’autorité territoriale, les élus et les représentants de la société civile pour une approche participative, volontariste et mobilisatrice afin de remédier aux différents maux qui l’abîment.       

L’adage populaire ne veut-il pas que si le nouveau ait son attrait, il ne faudrait pas déprécier l’ancien. Un ancien qui même détérioré garde les traits de sa beauté !

Top