La note de cadrage: où sont les priorités?

Par : Abdeslam Seddiki

En application des dispositions de la loi organique des finances (LOF), le Chef du Gouvernement  vient d’envoyer à ses ministres,  le 9 août dernier,  la note de cadrage dans laquelle il définit le cadre général et les priorités devant présider à la préparation de la prochaine loi de finances. Intervenant en pleine saison estivale, ce document d’une grande importance, est pratiquement passé sous silence à l’exception de  rares commentaires dans la presse spécialisée ou à travers la reproduction sur certains sites électroniques de passages choisis  d’une façon tout à fait déconnectée du contexte.

Cette  circulaire, d’une vingtaine de pages, s’inspire des orientations  royales et tout particulièrement du dernier discours prononcé par le Roi à l’occasion de la fête du trône et du Programme gouvernemental qui constitue la base de l’investiture du gouvernement et sur lequel ce dernier est redevable devant le peuple. Ce sont donc les priorités définies par le programme gouvernemental qui devaient se traduire en mesures concrètes et chiffrées dans la prochaine loi de finances. Et c’est là où le gouvernement est attendu pour mesurer le degré de sa sincérité par rapport aux engagements pris devant les parlementaires et l’opinion publique.  La prochaine loi de finances portera  effectivement l’empreinte de l’actuel gouvernement car celle de l’année en cours (2017) lui a échappé. C’est dire toute  l’importance de cette loi de cadrage qui annonce les priorités de la prochaine loi des finances.

On relève que le document, à l’image du programme gouvernemental,  a retenu quatre priorités devant figurer dans la loi de finances 2018, à savoir:

-le soutien aux secteurs sociaux comme l’enseignement, la santé, l’emploi, la réduction des inégalités territoriales en accordant une importance particulière au monde rural;

-le développement de l’industrialisation, l’incitation à l’investissement privé et le soutien des PME;

– l’enracinement de la régionalisation avancée;

-la réforme de l’administration, l’amélioration de la gouvernance et l’accélération de la mise en œuvre des réformes.

Toutefois, dans les faits, il est pratiquement impossible, à la lecture dudit document, de faire la distinction entre ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. Ce qui nous pousse à dire qu’à force de considérer tous les secteurs prioritaires c’est comme si aucun ne l’est dans la réalité ! On dirait que le document est rédigé de telle sorte à  plaire à tout le monde et non pour assumer clairement  des choix,  relever  les vrais défis  du pays et  répondre aux attentes pressantes des citoyens !! C’est justement là où réside la première limite  de cette note de cadrage.

La deuxième limite réside dans le fait que le document est resté prisonnier des  contraintes budgétaires. On s’est contenté, pour ainsi dire, de gérer l’existant sans se hasarder à entamer des réformes de nature à générer des ressources additionnelles pour se donner les moyens de répondre effectivement aux besoins de la population dans les domaines sociaux susmentionnés. Tout y est pour réduire et rationaliser  les dépenses, exercice louable voire nécessaire. Il faut saluer au passage l’appel du chef du gouvernement à une meilleure utilisation des deniers publics et à une réduction du train de vie de l’Etat. Mais aucune mesure concrète n’est annoncée pour élargir l’assiette fiscale. D’ailleurs,  au chapitre des réformes à introduire, la réforme fiscale est entièrement absente.

La troisième limite réside dans le manque d’ambition  du gouvernement. En retenant comme objectif de croissance pour 2018 le taux de 3,2%, il renie l’un des engagements  pris devant le parlement à savoir un taux de croissance de 4,5 à 5,5%. Une différence de taille. On peut toujours nous rétorquer que c’est le réalisme qui l’exige. Mais le réalisme n’a jamais été l’ennemi de l’ambition.

Restons tout de même optimistes ! Mieux vaudrait   attendre la  traduction  de ces mesures en chiffres  pour porter un jugement définitif.  En tout état de cause, il faut tout faire pour éviter un budget d’austérité qui n’a donné satisfaction nulle part. Notre pays a besoin, plus que jamais,  d’un véritable budget ambitieux de relance  pour capitaliser  les signes de reprise qui s’annoncent à l’horizon,  accompagner les réformes en perspective, répondre aux attentes des masses populaires, tirer profit du niveau de croissance annoncé pour 2017  et saisir  davantage les  nouvelles opportunités qui s’offrent au Maroc dans le nouveau contexte régional et international. C’est la voie de salut qui  nous conduit vers le progrès social. Le gouvernement est attendu à la rentrée sur cette question. Wait and see!

Related posts

Top