«Nous pensons qu’il faut revoir les modes de financement»

Les promoteurs immobiliers espèrent que 2016 sera une année de relance du secteur. Cependant, ils estiment que l’accès au financement devient de plus en plus difficile, facteur qui ne permet pas une augmentation de la demande. Iqbal Kettani, directeur délégué de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI) met le point sur les différents enjeux du secteur immobilier au Maroc.

Al Bayane : Quel bilan faites-vous du secteur de l’immobilier au Maroc en 2015 ?

Iqbal Kettani : L’année 2015 a été une année difficile pour le secteur immobilier. La situation est préoccupante comme en témoignent les principaux indicateurs du secteur. La production de logements et les mises en chantiers ont baissé et le nombre de bénéficiaires de la garantie FOGARIM a chuté atteignant son niveau le plus bas depuis 10 ans. A titre d’exemple, à fin novembre 2015, 46 619 unités de logements sociaux ont reçu le certificat de conformité contre 59 000 unités durant la même période de l’année dernière. L’évolution des mises en chantier a également connu une baisse considérable. Entre janvier et novembre 2005, 97 conventions ont été signées pour la réalisation de 113 865 unités uniquement, contre 218 957 en 2014, 234 013 en 2013 et 419 362 unités en 2012. Les mises en chantiers constituent un indicateur clé de l’activité immobilière. Si le chiffre est en baisse, tout le secteur est forcément baissier. En termes d’emplois, le secteur a connu durant l’année précédente la destruction de plus de 25 000 opportunités d’emplois.

A votre avis, quels sont les principaux problèmes que rencontrent les promoteurs immobiliers ?

Le financement des acquéreurs constitue l’un des principaux freins à la relance de l’activité immobilière. Pour relancer la dynamique, nous espérons une meilleure implication du secteur bancaire. Dans ce sens, les citoyens attendent une baisse des taux d’intérêt et une amélioration des conditions d’octroi des crédits mais aussi la suppression de la TVA sur les intérêts ce qui alourdit considérablement la traite des acquéreurs, principalement ceux du logement social. Au niveau de la promotion immobilière, nous pensons qu’il faut revoir les modes de financement. La création de fonds d’investissement et la titrisation peuvent constituer une alternative intéressante. Pour relancer l’investissement immobilier, nous proposons de revenir au taux de 20% sur les profits immobiliers et mettre en place une méthode appropriée pour l’évaluation du prix d’acquisition en cas de cession de biens immeubles acquis par voie de succession. A noter qu’à cause de cette nouvelle mesure, les recettes de l’IR sur les profits immobiliers ont reculé de 8% en 2014.

Comment la FNPI accompagne les promoteurs immobiliers dans leur développement ?

Notre fédération a pour rôle principal de promouvoir l’investissement immobilier à travers l’organisation du secteur et la professionnalisation des opérateurs, l’amélioration des conditions d’investissement et la promotion des meilleures pratiques en vue d’être en phase avec les défis du secteur en termes de besoins des acquéreurs et attentes du gouvernement aussi bien au niveau qualitatif que qualitatif. Notre rôle également est d’accompagner les pouvoirs publics dans la mise en place des politiques de logements. Forte de ses 18 associations régionales, la FNPI arrive à fédérer environ 700 promoteurs immobiliers, petits, moyens et grands, répartis sur différentes régions du royaume et opérant dans les différents segments de logements (logement social, moyen ou haut standing, balnéaire, immobilier touristique ou professionnel).

Quelles sont vos perspectives pour le secteur immobilier pour l’année 2016 ? 

Nous espérons que 2016 sera une année de relance du secteur. Ceci est conditionné par l’amélioration des conditions d’accès au logement pour les acquéreurs à travers une plus forte mobilisation du secteur bancaire, la redynamisation de la production de logements, la diversification de l’offre en logement et l’accélération de l’adoption de l’arsenal juridique mis en place et principalement celui qui concerne les autorisations et normes d’urbanisme. Il s’agit également d’une année où la qualité est prônée et sacrée à travers la poursuite de la labellisation des projets immobiliers répondant favorablement aux critères du label Iltizam.

Comment voyez-vous l’avenir du logement social et le logement pour la classe moyenne au Maroc ?

Au vu des chiffres publiés par le Ministère concernant les mises en chantiers et le nombre de conventions signées, nous nous acheminons vers une baisse de la production du social malgré  le déficit en logement qui est estimé à 580.000 unités (selon LF 2016) avec une demande additionnelle de 125.000 unités annuellement et un accroissement soutenu de la population urbaine 2,1%. La situation est d’autant plus inquiétante que l’accès au financement du Fogarim devient de plus en plus difficile. Il y a lieu de préciser qu’à peine 7000 ménages ont pu bénéficier du financement Fogarim en 2015 contre 17 000 en 2014, soit le niveau le plus bas depuis dix ans. Or sans financement bancaire, une grande partie de la population pour laquelle ce type de logement est destiné ne peut accéder au marché du logement, sachant que le Fogarim est garanti par l’Etat à hauteur de 70%. Concernant le logement pour la classe moyenne, je rappelle que notre Fédération a signé le 9 Avril 2014 une convention cadre avec le Ministère de l’Habitat et de la Politique de la Ville pour la réalisation de 20.000 logements pour la classe moyenne à l’horizon 2016. Depuis ce jour, très peu de conventions ont été signées. La FNPI a dans ce sens, réitéré à plusieurs reprises, son souhait  de voir adopter par les autorités compétentes, dans les meilleurs délais possibles, des mesures favorisant l’optimisation des normes d’urbanisme ainsi que l’identification et la mobilisation du foncier public adapté, et particulièrement dans les grandes agglomérations.

Kaoutar Khennach

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