Nuit

La plus longue nuit des marocains cette année n’a pas été celle du solstice d’hiver, le 21 décembre 2018. Elle a été vécue le lundi 17 décembre, à l’annonce du lâche assassinat de deux jeunes touristes scandinaves à Imlil.

Louisa Vesterager Jespersen, danoise de 24 ans et Ueland Maren, norvégienne de 28 ans, avaient décidé de respirer la vie à plein, à Marrakech et ses environs. Elles en furent empêchées brutalement et horriblement par la bête immonde. Un haut-le-cœur a soulevé toute la nation devant l’acte criminel, barbare, abject et insupportable. Il dure encore et se relaie par des manifestations multiples dans l’ensemble du royaume.

Il y a plus d’une quinzaine d’années, avant que le Maroc ne soit la cible d’actes terroristes, on se disait que le beau pays ne pouvait connaitre ce genre de barbarie. Les raisons avancées relevaient aussi bien du sécuritaire que du religieux. Les attentats de Casablanca en 2003 relèvent encore du cauchemar. Ils ont troublé la société marocaine par le nombre des morts, les lieux ciblés et la manière utilisée. «L’exception marocaine» n’était qu’une illusion. Une rupture dans l’appréciation et dans le comportement est alors enregistrée. Le wahhabisme et ses adeptes ne faisaient pas œuvre caritative en distribuant les pétrodollars, ils introduisaient «la bête immonde» pour détruire la modération et la tolérance dans lesquelles vivait la société. Le spirituel aura dorénavant sa partie sécuritaire aussi bien par la force de la loi que par la force publique.

Depuis, Le Bureau central d’investigation judiciaire a été créé et il communique sur son action préventive. Les cellules terroristes sont démantelées avant qu’elles ne passent à l’acte et réalisent leur noir dessein. Cet effort salutaire est suivi avec un grand respect par l’ensemble de la population qui se trouve confortée dans sa sérénité par la traque menée contre les terroristes et le grand banditisme auquel ils sont associés. Les statistiques peuvent être persuasives mais tant que l’on regrettera un acte comme celui d’Imlil, on se demandera si «le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde». Il ne faut jamais taire les choses, disait l’autre.

Le lit des extrémismes se constitue dans l’exacerbation de la ségrégation sociale et la violence se nourrit par les nombreuses contradictions vécues dans un environnement où la liberté se trouve corrompue et le droit des personnes bafoué. C’est dans le vécu du sous-développement où le clair-obscur fait révéler les monstres. La femme souffre de son état. Le savoir dont l’acquisition est requise est dérobé malgré cela par des représentations qui occultent la connaissance scientifique et le progrès technique et technologique. L’avenir meilleur promis tarde à venir et l’identitaire rive les yeux sur le rétroviseur et magnifie l’antériorité sans reconnaître ses affres. Le fantasme de rédempteur est manipulé, il dépasse la ferveur religieuse, favorise la pilosité et change l’accoutrement.

La fascination de l’au-delà et de ses promesses joyeuses accompagne une radicalisation où l’autre est apostat, devient ennemi à faire disparaître. La raison se perd et les fous de Dieu revendiquent le martyr. Assassins, ils sèment par leur obscurantisme et leur aveuglement la consternation, le chagrin et la tristesse sans être d’aucun secours pour la société qu’ils n’ont jamais conçue comme «une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale».

Il s’avère ainsi que le combat doit être radical contre cette misère humaine, celle de l’esprit et celle de l’existence matérielle. En premier lieu, l’éducation. Dans la famille, à l’école, à travers les medias et la rue, elle est ouverture et tolérance ; investissement de l’humain pour l’humain sans distinction fondée sur le sexe, l’origine sociale, la race ou la religion. Les politiques publiques doivent concourir à l’épanouissement de la société et à son ancrage dans le développement humain ; loin de tout obscurantisme et du charlatanisme.

Elles doivent être imprégnées de la culture universelle des droits de la personne humaine ; des droits concernant les libertés, des droits aux biens économiques et sociaux et des droits culturels. L’obscurité de la nuit se dissipera, mettant fin à la fécondité de la bête immonde et à son existence. «Celui qui ne fait pas miséricorde aux gens, Allah ne lui fait pas miséricorde».

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