Obscur

Dans l’attente d’un événement qui devrait se produire mais qui tarde à le faire, la population vit recroquevillée sur elle-même. Telle une personne sous le choc d’une crampe à l’estomac, pliée sur elle-même, le souffle coupé, le regard vers l’horizon, elle cherche à comprendre ce qui lui arrive. Ainsi est l’état d’une grande part de la société de notre beau pays, elle cherche dans l’irrationnel des espoirs que le présent ne semble pas lui donner.

Des taches blanches apparaissent dans la nuit de Meknès, ville qui s’estime délaissée malgré son passé et ses potentialités socioéconomiques. Filmées, le web s’en empare. On en fait des anges qui descendent du ciel pendant le Ramadan et les incantations sont clamées pour que cela devienne un bon présage. Jeu de lumières ou signes de l’au-delà ; quoiqu’ils en soient, c’est le comportement de la population qui fait le buzz.

A quelques kilomètres de Meknès ; un jeune mobilise des milliers de personnes pour trouver un trésor dans une dépression du Moyen Atlas plissé caractérisée par «une brutalité des dénivellations et une raideur des pentes». Cette topographie n’a pas empêchée la présence de tous ceux qui espéraient une part du trésor annoncé. Entouré de sa famille, l’homme clame à sa manière la fable de Jean de la Fontaine «Un trésor est caché dedans. Je «connais» l’endroit ; et avec un peu de courage on le trouvera. Avec ma famille, On va creuser, fouiller, bêcher. Chacun de vous aura sa part !». Sauf que l’exception avec la fameuse fable réside dans le fait que, pour l’ensemble, le trésor ne réside pas dans le travail.

Plus loin, au Sud-Ouest de Meknès, dans la province d’Azilal, un territoire marginalisé où l’empiétement urbain fragilise les ressources et déstabilise les mentalités, un homme se déclare comme étant Al Mahdi Al Mountadar. Celui qui au moment où « il apparaîtra et remplira la terre d’équité et de justice, de même qu’elle aura été remplie d’injustice et de tyrannie». Depuis Ibn Toumert l’Almohade; ce n’est ni le premier ni le dernier des «schizophrènes» (ils sont combien qui circulent sur la voie publique ?) qui communique sur son délire entre l’aliénation mentale et l’imposture.

Ces différentes manifestations de l’obscurantisme révèlent l’incertitude et les symptômes de l’ignorance qui s’étale dans une société où le débat sur l’essentiel est absent. Manifestations aussi des inégalités sociales et spatiales qui assujettissent la population à la crédulité et à la superstition. Elles reflètent également l’échec des actions menées par l’autorité gouvernementale en charge de la spiritualité des marocains pour garantir «l’unité, l’ouverture d’esprit, la fraternité dans la foi et la culture du sens politique inspiré des valeurs morales constantes de la religion». Judicature et prédication ne doivent pas occulter la réalité socioéconomique de la population qui souffre à la recherche d’une dignité de plus en plus compromise.

La paix spirituelle ne peut se réaliser sans paix sociale où les droits de la personne humaine et les aspirations légitimes à l’épanouissement et à l’émancipation sont reconnus. Les égarements manifestes qui contribuent à appauvrir les pauvres et à enrichir plus encore les riches ne peuvent qu’aboutir à ce que «les gens prendront pour autorités des ignares qui répondront à leur questions sans rien y connaître. Ils s’égareront eux-mêmes et égareront les autres…».

La consolidation du processus démocratique est aussi en relation avec le développement de la rationalité dans notre société. Autant que l’éducation et la culture, des dignes conditions de vie donnent à la population la possibilité de faire la différence entre l’ivraie et le bon grain dans tous les domaines. C’est par cela que la population s’approprie le renouveau du souffle démocratique et non pas par des chamailleries dans l’enceinte parlementaire et ailleurs où ceux qui mangent la soupe crachent dessus alors que l’immense majorité du peuple n’en connait même pas les ingrédients. Ne donnons pas l’impression que tout ce qui a été entrepris jusqu’à maintenant ne tient sur rien du tout… «Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie…».

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