Où en est-on deux ans après la disparition des étudiants d’Iguala?

En septembre 2014, 43 étudiants avaient été portés disparus. Près de deux années après les faits, Tomas Zeron, le directeur des enquêtes criminelles au sein du ministère de la Justice a présenté sa démission après que les familles des intéressés aient critiqué sa façon de diriger l’enquête. Mais que s’était-il passé exactement?

Le 26 Septembre 2014, les étudiants de l’Ecole d’Ayotzinapa, connue pour être un foyer de contestation, se dirigèrent vers la ville d’Iguala pour collecter des fonds afin de pouvoir se rendre à une manifestation prévue à Mexico. A la fin de la journée et pour rentrer chez eux, ces derniers s’emparèrent de trois autobus des transports publics locaux. Or, pour pouvoir récupérer lesdits véhicules, la police locale s’était appuyée sur les membres du gang des Guerreros Unidos. Cette attaque s’est soldée par la mort de six personnes et 43 ont été portées disparues.

En prenant le dossier en main neuf jours après les faits, les autorités fédérales découvrirent 28 corps gisant dans une fosse commune. Mais, bien que supposant, de prime abord, que les corps en question étaient ceux des étudiants de l’Ecole d’Ayotzinapa, les autorités se sont rétractées par la suite et ont demandé l’ouverture d’une enquête.

Mais, après les aveux faits par deux membres présumés de Guerreros Unidos qui reconnurent avoir tué 17 étudiants, la collusion entre les autorités et le crime organisé fut évidente, les Mexicains furent scandalisés et le gouverneur de Guerrero fut contraint à la démission.

Les forces fédérales mexicaines prirent alors le contrôle de la ville d’Iguala après avoir désarmé la police municipale et une seconde fosse commune fut découverte à Cocula.

Selon les enquêteurs, l’intervention contre les étudiants aurait été ordonnée par le maire d’Iguala dans le seul but de les empêcher de perturber une manifestation organisée par son épouse. Il est à signaler que ce dernier ainsi que son épouse, tous deux surnommés «le couple impérial» car possédant 17 propriétés dans la ville d’Iguala ainsi qu’un Centre Commercial, auraient pris la fuite deux jours après les faits.

D’ailleurs, lors de leur interrogation en prison, des membres du cartel de narco-trafiquants ont présenté l’épouse du Maire – qui entendait succéder à son époux à la tête de la mairie en 2015 et qui s’avère être, également, la sœur de 3 importants membres du cartel – comme étant elle-même «la principale protagoniste des activités criminelles du cartel à partir de la Mairie d’Iguala». Un mois après leur cavale le Maire et son épouse furent arrêtés à Mexico.

Dans leurs aveux les membres du gang Guerreros ont déclaré avoir transporté les jeunes étudiants à bord d’un véhicule vers une décharge proche de Cocula. A leur arrivée sur les lieux et alors qu’une quinzaine d’étudiants étaient déjà morts par asphyxie, les survivants furent tués, leurs cadavres jetés dans une décharge, aspergés d’essence puis brûlés. Leurs restent furent alors concassés, mis dans des sacs en plastique et jetés dans une rivière. Il est à noter, toutefois, que ce macabre scénario reste contesté par les parents des étudiants qui considèrent que des aveux émanant de narco-trafiquants n’ont aucune valeur de preuve.

Après ces révélations, de violentes manifestations ont eu lieu notamment dans l’Etat du Guerrero et à Mexico où l’aéroport international a été bloqué par quelques milliers de personnes conduites par les parents des disparus. «Personne n’entre, personne ne sort jusqu’à nouvel ordre» scandaient les manifestants au lendemain du voyage de leur Président en Asie et après que le procureur ait dit à la fin de son intervention sur les détails du massacre «Ya me cansé» (Je suis fatigué ou encore J’en ai marre). Cette phrase a aussitôt été reprise comme slogan par les protestataires et comme hashtag sur les réseaux sociaux.

Enfin, même si le Président Pena Neto, qui a fait de la lutte contre le narco-trafic une priorité, a promis de rétablir l’ordre et la sécurité dans l’Etat de Guerrero, un des plus pauvres du pays où la violence règne en maître absolu et où les homicides sont généralement impunis, l’action du gouvernement est mise en cause par les familles des disparus qui réclament qu’une enquête indépendante soit diligentée par des experts argentins.

Nabil El Bousaadi

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