Philippines: Une nouvelle loi anti-terroriste inquiète la classe politique…

Depuis son arrivée à la tête des Philippines en 2016, Rodrigo Duterte n’y est jamais allé par quatre chemins et a toujours frappé d’une main de fer sur les trafiquants de drogue, les terroristes ou simplement ceux qui s’opposent à la politique populiste qu’il préconise. Aussi, pour arriver à ses fins, ce dernier utilisera aussi bien la détention arbitraire que les exécutions extrajudiciaires.

Mais les dérives autoritaires de l’appareil sécuritaire philippin en matière de lutte contre le trafic de drogue avaient poussé les juges de la Cour Pénale Internationale à ouvrir, en 2018, une enquête préliminaire sur les violences commises par le régime de Rodrigo Duterte dans le cadre de la répression du trafic de substances illicites et à remettre, à l’ONU, le rapport y afférent. Aussi, le président philippin n’avait-il pas trouvé d’autre issue que celle de faire sortir son pays de la CPI.

Soucieux donc de «légitimer» la politique musclée du chef de l’Etat, le Sénat philippin, tout acquis à la cause du président, a adopté dernièrement une loi prévoyant l’établissement d’un Conseil antiterroriste dont les membres, issus du gouvernement, auront le pouvoir d’ordonner l’arrestation de tout individu jugé «terroriste» et  «autorisant» même la police à détenir, pendant une durée pouvant atteindre vingt-quatre jours et sans aucun mandat d’arrêt, tout individu considéré comme «suspect».

Or, bien qu’étant toujours dans l’attente de sa «signature» par le Chef de l’Etat, cette loi «anti-terroriste » adoptée  le 3 juin dernier, par la chambre des représentants et venue en remplacement de la loi de 2007 dite «Human Security Act» qui sanctionnait la « détention abusive», a été perçue par la classe politique et par la société civile philippines comme étant un blanc seing ouvrant largement la voie à l’abus de pouvoir dont le chef de l’Etat ne cesse d’user.

Ainsi, si pour l’Eglise philippine, «ces mesures violent davantage le droit à un procès équitable, contribuent à réduire les espaces démocratiques et favorisent la culture de l’abus de pouvoir par les autorités», il y a lieu d’y voir, également, un affaiblissement considérable du système judiciaire par l’extension de la surveillance des citoyens et par la suppression de toute réparation qu’il conviendrait d’accorder à ceux qui auraient été arrêtés sur la base de fausses accusations ; ce qui va, incontestablement, accroître l’impunité des forces de l’ordre lorsqu’elles viendraient à commettre des abus.

Craignant donc que la loi qui sera mise en place à l’effet de renforcer la répression de la lutte contre le terrorisme ne réduise encore plus les libertés civiles, les représentants de l’opposition, de la société civile et des organisations de défense des droits de l’homme, bravant le couvre-feu et le confinement pour cause de pandémie du coronavirus qui perdurent depuis le 15 mai dernier, sont descendus, dès le lendemain, dans les rues de la capitale, Manille, avec leurs masques sur le visage, pour marquer leur profond désaccord.

Qu’adviendra-t-il à cette loi «anti-terroriste» alors que sur la base du procès-verbal présenté par la Cour Pénale Internationale, les Nations-Unies viennent de publier un rapport très accablant sur les dérives autoritaires de l’appareil sécuritaire philippin? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Related posts

Top